vendredi 6 mai 2016

JEU 17 : "Prendre son essor"


- 1 titre de livre  (auteur étranger) -

- 2,5 titres de chansons -




Je me souviens encore du jour où j’ai plongé dans la machine à écrire.
Où j’ai plongé éperdument, comme on se jette à l’eau pour repêcher un enfant arraché à son tiède landau par une de ces froides lames traîtresses qui endeuillent si souvent les familles dans notre petit fief de roches sombres et d’eau bleue, verte, grise ou parfois jaunâtre, s’étendant jusqu’à perte de vue, en direction des vastes continents de l’ouest et du sud-ouest.

C’est par un tendre jeudi de mai, tandis que je somnolais allongé dans le muguet déjà défleuri du jardinet qui enchâsse le pied de mon penn ty - mon petit logis de pierres chaulées et de chaume blond - que l’irrésistible envie de noircir du papier s’est soudain emparée de moi corps et âme. Ce fut jour et heure de mobilisation générale : inexorable levée de troupes contre la loi du silence, contre une omerta qui, logique avec elle-même, ne voulait pas dire son nom. Or il me fallait enfin parler, ce qui couvait en moi depuis si longtemps voulait enfin prendre son essor en assassinant, s’il le fallait, les ressorts de ma Remington portative.




Je me suis donc mis à frapper les touches avec la rage justicière de celui dont la mauvaise réputation demande réparation immédiate et percutante. La douceur du printemps ne m’était plus perceptible... bien mal inspiré eut été celui ou celle qui m’aurait invité à l’accompagner à la chasse aux papillons qui, innombrables, tournoyaient et dansaient autour des arbustes en fleurs de nos haies odorantes, multicolores.

Il fallait que je grave incessamment sur le papier fragile la vérité enfin rétablie à propos de ces sombres accusations d’infanticide, dont la rumeur bruissait plus fortement à mes oreilles que tous les essaims d’abeilles noires réunis qui avaient jamais traversé le village ou s’y étaient posés, tels des armées venimeuses prêtes à larder de leurs aiguillons insidieux le plus innocent des hommes comme le plus coupable.




Non ! Je ne suis pas cet ogre dévoreur d’enfant qu’ils m’accusent – à bas bruit, en catimini, entre eux – d’être sans l’avouer !

L’enfant tombé à l’eau que j’ai repêché ce jour-là grelottait de froid et risquait l’hypothermie si on ne le séchait au plus vite. La photo accusatrice qu’ils se repassent sans se lasser d’une main à l’autre et d’une poche à l’autre, est celle de ma très vieille et rustique essoreuse – je suis collectionneur d’objets démodés, ce n’est pas un crime que je sache ! – essoreuse dans laquelle je me suis hâté de faire passer l’enfant pour le débarrasser de toute cette eau trop froide qui le détrempait et menaçait sa vie, juste avant de pouvoir le rendre à ses parents – deux touristes qui repartaient le soir même vers leur glauque banlieue, ce qui explique que nul n’ait jamais revu cet enfant parfaitement essoré.

Ils ne savent pas faire la différence entre une essoreuse et un hachoir à manivelle, mais ils voudraient – les monstres !! – juger de la moralité de leurs voisins...

Amezeg  :-)



16 commentaires:

  1. Amezeg, j'ai eu du mal avec ton texte : je n'arrivais pas à le transposer avec les caractères que je voulais...j'y ai passé beaucoup de temps et ce n'est toujours pas exactement ce que je souhaitais. Désolée !

    Une histoire de police récalcitrante !
    Pas étonnant, quand on y pense, avec un texte de ce genre ! :-)))

    Je te remercie de ta participation...pleine d'imagination...et d'ironie...
    As-tu pensé à y glisser un "titre" ?

    Bises amicales.

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  2. Je comprends bien ta difficulté : j’ai dû faire entrer ce texte à coups de cravache dans la messagerie, il a failli me happer, et je crois qu’il m’aurait volontiers essoré parce que je transpirais à grosses gouttes tant la tâche était ardue et la montée des T° printanières inattendue dans la région.
    Ceci dit, il contient un titre de livre d’un auteur étranger (titre traduit en français dans la version française) et un titre de chanson (100% made in France) et, cerise sur le gâteau (épicé/e à l’arsenic ?) "la trace" d’une autre chanson française bien connue (mais pas son titre).

    Amicalement,

    Amezeg

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  3. Eh bé...on est gâtés !
    J'vais chercher un peu...pas repéré grand-chose à la première lecture, ce qui veut dire que c'est bien caché...ou que je ne connais pas ! (ou les deux)

    Alors, comme ça, mon thème t'a fait suer ??? ;-)
    Mais je constate que, sur ce sujet, même avec l'essoreuse, tu n'as pas vraiment "séché"...:-))
    J'ai souri du début à la fin...bravo ! :-)

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  4. Je crois que je tiens la chanson : c'est la "Chasse aux papillons" de Brassens ?

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  5. Voui! Bravo, c'est ça ! :-)

    Pour trouver la deuxième évocation de chanson, je serais tenté de dire qu'il te faudrait, presque, offrir "un cierge" à ton moteur de recherche...

    Amezeg

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  6. Ben...je ne sais pas...mais, en tout cas, il y a un deuxième titre de Brassens : "La mauvaise réputation" (peu avant "la chasse aux papillons")

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  7. Chapeau ! Très fort de ta part, La Licorne !

    Je n’avais pas vu "la mauvaise réputation" malgré mon p’tit faible - de longue date – pour Brassens...
    Elle m’en joue des tours, ma Remington portative !

    Amezeg

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  8. Pour le titre de livre, j'ai vraiment du mal...le seul que j'ai repéré (peut-être) serait "L'abeille noire" ?

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  9. Je dis : ce titre n’est "pas dur" à trouver...si on connaît et apprécie cet auteur américain, bien sûr.
    Si tu continuais à chercher avec tant de bonne volonté sans rien trouver et te mettais en rogne contre ce texte, je comprendrais tout à fait 'les raisons de ta colère'...

    Amezeg

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    1. Là, tu es très bon..ça m'aide, évidemment...
      C'est "Tendre jeudi" ? De Steinbeck ?
      (que je n'ai jamais lu...le livre, pas l'auteur...)

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  10. Oui, c'est ça .
    Fais-toi toi plaisir (peut-être?)en lisant "Rue de la sardine" puis "Tendre jeudi".
    D’autre part, c’est un Serge qu’il faut mettre dans ton moteur de recherche, et mettre aussi un e dans l’a, pour trouver l’évocation d’une autre chanson...

    Amezeg

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    1. :-)

      Sur ma remington portative
      J'ai écrit ton nom Laetitia
      Elaeudanla Teïtéïa...


      Mince, je connais la chanson... mais j'avais oublié que c'était sur une Remington qu'il écrivait, le Serge !
      Faut dire que ça fait un moment qu'on ne se coince plus les doigts dans ce genre d'engin ...

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    2. J’en serais bien resté à la plume d’oie artistement et savamment taillée, instrument paisible et majestueux qui, d’une certaine façon, invite celui qui l’emploie à fixer le volatil(e)...
      Les concours de vitesse à la machine à écrire sont assez impressionnants (on en trouve des archives filmées). Il y avait des championnes chez les pros de la dactylographie qui ne s’emmêlaient jamais les phalanges au cours du duel quotidien avec la ferraillante mécanique. Mais on peut préférer le son du piano ou celui du clavecin bien tempéré...

      Amezeg

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    3. Fixer le volatil(e), c'est joli...

      Quant aux machines...je me souviens...ça donnait à peu près ça :-) :
      https://www.youtube.com/watch?v=tzKgfB2eMQU

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    4. Ouf !
      Après plusieurs essais, j'ai enfin réussi à retrouver une police de caractères "normale"...

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  11. bien vue cette confession (j'en ai les dents qui grelottent ou qui claquent....)

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