lundi 13 novembre 2017

JEU 30 : Pérégrinations d'un journal




 
Un journal esseulé, s'ennuie sur la banquette d'un autobus. 
Un vieux monsieur l'a abandonné comme ça, il y a quelques minutes. 
Une jeune femme entre et s’assoit. 
Elle remarque le canard et regarde autour d'elle 
comme si elle se sentait coupable de quelque faute. 
Comme personne ne la remarque, elle jette un œil sur ce dernier, 
le prend et commence à le lire. 
Le lire, c'est un bien grand mot. Il faudrait mieux dire: parcourir. 
En effet, elle lit les gros titres et surtout la rubrique des "chiens écrasés". 
Les mots croisés, ne lui font pas peur, non plus.

De papier fripé et sans vie qu'il était 
lorsque le vieux monsieur l'a laissé sur la banquette, 
il reprend des couleurs, 
sous les doigts et les yeux de la jeune femme. 
Il se sent revivre.

La belle demoiselle (oui on peut l'appeler ainsi, vu son jeune âge), 
en oublierait presque son arrêt. 
Elle prend avec elle, le journal, 
traverse le parc qu'elle a l'habitude d'arpenter 
pour aller à son travail ou retrouver son amoureux. 
Qui sait ? Elle aperçoit un banc et elle ne sait pas pourquoi, 
mais laisse le journal sur celui-ci.
Le journal redevient chiffonné comme il l'était auparavant, presque sans vie, 
jusqu'à ce qu'une vieille dame le prenne.

Il est tout joyeux, pensant que la vie coulera de nouveau en lui, 
lorsqu'elle décidera d'y jeter un œil. 
Mais non! Elle se dirige tout droit vers une épicerie et demande au marchand:
- Avez-vous des blettes ? ce serait pour mettre dans ma soupe.
- Oui, bien sûr, madame. En ce moment, elles sont même en promotion.
L'épicier veut lui envelopper ses légumes, mais la vieille dame 
lui rétorque que ce n'est pas la peine:
- J'ai un vieux journal. il fera bien l'affaire.

Vous n'imaginez pas la tête que fait notre bonne vieille feuille de chou 
(non pas l'honorable dame, mais le journal). 
Lui qui s'imaginait finir sa vie dans une bonne maison, 
ou bien encore dans un cabinet médical, 
feuilleté par d'innombrables mains. 
Non ! Après les blettes retirées, humide et humilié, 
il finira à la poubelle d'un deux pièces sans caractère, 
sous les toits d'un immeuble sans âme.
.
.
 




4 commentaires:

  1. Pauvre journal...c'est bien triste de finir ainsi...
    quand on ne le mérite pas !

    Merci de t'être lancé dans l'aventure, Jean-François...
    Un très bon début, que voilà !
    J'espère te revoir sur Filigrane...

    RépondreSupprimer
  2. Jolie ronde ou le journal passe de main en main comme un témoin, pour finir entre choux et blettes ; mais est-ce vraiment la fin ??

    RépondreSupprimer
  3. Merci à tous les deux pour vos encouragements. Ça été plus difficile que je ne pensais, mais j'ai relevé le défi et j'en suis content.

    RépondreSupprimer
  4. Je t'ai déjà dit tout le bien que je pensais de ton texte chez toi. ;-)
    Bis repetita placent
    Bisous JF
    ¸¸.•*¨*• ☆

    RépondreSupprimer