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vendredi 17 novembre 2017

Quelques citations de Julio Cortazar






 
Instructions pour remonter une montre.

 Là-bas au fond il y a la mort, mais n'ayez pas peur.
Tenez la montre d'une main, prenez le remontoir entre deux doigts,
tournez-le doucement. Alors s'ouvre un nouveau sursis,
les arbres déplient leurs feuilles, les voiliers courent des régates,
le temps comme un éventail s'emplit de lui-même
 et il en jaillit l'air, les brises de la terre,
 l'ombre d'une femme, le parfum du pain.

 Que voulez-vous de plus?
 Attachez-la vite à votre poignet, laissez-la battre en liberté,
imitez-la avec ardeur. La peur rouille l'ancre,
toute chose qui eût pu s'accomplir et fut oubliée
 ronge les veines de la montre, gangrène le sang glacé de ses rubis.
Et là-bas dans le fond, il y a la mort si nous ne courons pas
et n'arrivons avant et ne comprenons pas
que cela n'a plus d'importance.
.
"Cronopes et fameux"
.
 
 
C'est drôle, les gens croient que faire un lit,
 c'est toujours faire un lit ;
que donner la main,
 c'est toujours donner la main ;
qu'ouvrir une boite de sardines,
c'est ouvrir indéfiniment 
même boite de sardines.
 "Tout est exceptionnel au contraire",
 pense Pierre en tirant
sur le vieux couvre-lit bleu.
.
"Les armes secrètes"
.
 
 
Écoute, je ne demande pas grand-chose,
 seulement ta main, la tenir
 comme une rainette qui dort contente ainsi.
J'ai besoin de cette porte que tu m'offrais
pour entrer dans ton monde, ce petit bout
 de sucre vert, joyeux de sa rondeur.
Me prêtes-tu ta main cette nuit
de fin d'année et de chouettes enrouées ?
 Tu ne le peux pas pour des raisons techniques. Alors
 je la tisse avec l'air, ourdissant chaque doigt,
 la pêche soyeuse de la paume
 et le verso, ce pays d'arbres bleus.
Je la prends ainsi et je la soutiens, comme
si de cela dépendaient
beaucoup des biens du monde,
 la suite des quatre saisons,
 le chant des coqs, l'amour des hommes.
.
"Crépuscule d'automne"
.
 
Julio Cortázar
.
(Et si vous souhaitez
 découvrir un peu plus cet auteur,
 vous pouvez cliquer sur ce lien)







3 commentaires:

  1. Je ne comprends pas comment je suis passé si longtemps à côté de m'sieu Cortazar (en même temps, voilà une découverte qui n'a rien perdu pour attendre) !
    J'imagine n'importe quel de ces trois textes dans la gueule du renard, et voilà l’œil du corbeau qui s'ouvre en grand sur des mondes qu'il ignorait. Et Jean de la Fontaine qui cherche une morale au fond de sa perruque !!

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    1. Je vais te faire une confidence : moi non plus, je ne le connais pas depuis très longtemps...
      Je comprends que son côté surréaliste et décalé te plaise beaucoup...
      Dodo et Julio, voilà une rencontre qui décoiffe !
      (même La Fontaine ;-)

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  2. Fabuleux ces textes !
    ¸¸.•*¨*• ☆

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