Pour le 195ème "Devoir du lundi"
Le père Louis, veuf depuis plusieurs années, s'ennuyait dans son petit village de montagne. A Villers-Cancan, il n'y avait en effet pas grand-chose à faire, si ce n'est regarder les nuages passer.
Un jour, il se mit en tête d'apprendre le violon. L'instrument lui plaisait : il répondait à la mélancolie de son âme et puis, lui avait-on dit, son grand-père en jouait. Il s'en procura donc un et prit quelques leçons auprès de son ami luthier.
Ce dernier, qui connaissait Louis depuis longtemps, s'aperçut vite que le pauvre bougre n'avait pas la dextérité nécessaire à son projet. Ses doigts noueux se déplaçaient difficilement sur les cordes et l'archet ne se posait jamais au bon endroit. Rien n'allait. Mais, tenant à ne pas briser leur amitié de longue date, il ne le découragea pas.
Après deux ans de cours laborieux, Louis estima qu'il en savait assez. Il répéta le seul morceau qu'il connaissait et invita tous ses amis à venir l'écouter.
- Rendez-vous demain après-midi, au bord du lac, claironna-t-il. Je donne un concert !
Le
lendemain, il faisait grand-beau quand il s'assit sur le petit banc de
pierre près de l'eau. Le soleil d'automne réchauffait la place et les
coeurs. Les amis n'étaient certes pas tous au rendez-vous...mais une
dizaine de curieux vinrent grossir les troupes, formant peu à peu un bon
groupe autour de lui.
Louis, ragaillardi par la présence de ce public attentif, prit un air inspiré, posa son archet sur les cordes...et commença sa petite chanson. Le violon grinça, grinça...et regrinça. Dès les premières notes, une personne se retira. Au couplet, il n'étaient plus que cinq devant le musicien. Au milieu du morceau, il n'y avait plus personne.
Louis,
concentré, les yeux fermés, ne s'en aperçut pas. Il continua jusqu'au
bout, appliqué et heureux. Quand il s'arrêta, pas d'applaudissements.
Mais, à la place, un "coin-coin-coin" sonore qui dura deux bonnes
minutes. La cane qui s'était posée sur le muret manifesta longuement son
enthousiasme. Elle, elle avait aimé...et le faisait bruyamment savoir.
Cela
redonna le sourire au vieux, qui en oublia presque la disparition des
badauds. A partir de ce jour, il revint régulièrement sur le banc de
pierre, attirant tout aussi régulièrement le volatile admiratif...et
démonstratif. Les deux faisaient la paire, ne se quittaient plus...On ne
savait pas trop qui accompagnait qui...on ne savait pas non plus qui
vous écorchait le plus les oreilles...mais le couple faisait sourire et
c'était bien là l'essentiel.
Cela
se passait il y a longtemps, je crois que c'était à la fin du
dix-neuvième siècle ou au début du vingtième. il y a donc belle lurette
que Louis a rejoint sa chère épouse au pays des nuages...et que les
villageois ne profitent plus de la joyeuse cacophonie du violoniste
amateur.
Mais ce dernier, s'il n'est pas devenu célèbre par son talent, a néanmoins laissé une trace durable dans les mémoires...car, voyez-vous, c'est ce jour-là, paraît-il, qu'est née la fameuse expression : "faire un canard".
La Licorne
.
c'est une expression qui m'est inconnue!
RépondreSupprimerElle n'est pas arrivée jusqu'en Belgique ? ...ça veut dire "faire une fausse note" (en chantant ou en jouant).
SupprimerMais il y a aussi un deuxième sens, plus gustatif (lire Alain ci-dessous)
J'adore ce joli conte, si bien raconté !
RépondreSupprimerLes protagonistes sont délicieusement mis en scène.
À présent je sais l'origine de « faire un canard » au sens un couac.
Mais mizot, quej' suis d'euch' Nord, faire un canard ché tremper eul' chuk (sucre) dans ch'café avant de le mettre dans s'bouk (sa bouche) et le faire fondre en passant le café dessus. On dit aussi : boire àl'chuchette !
Par chez nous, ça veut dire presque la même chose...si ce n'est que nous, on trempe le sucre dans de la goutte, du schnaps, de la gnôle...appelle ça comme tu veux, avant de le laisser fondre sur la langue... :-)
SupprimerJe ne connais pas l'expression "boire à al' chuchette, par contre, j'ai toujours vu chez moi, les hommes faire chabrot avec leur soupe et un canard avec leur café. Je le fais aussi parfois (chut ! faut pas le répéter !) "faire chabrot, c'est mettre une lichette de vin rouge dans le fond de son assiette de soupe"
SupprimerDélia
(commentaire reposté par La Licorne, car il est resté, pour une raison inconnue, coincé dans les tréfonds du blog)
il est où mon autre commentaire ? Je disais que j'avais aimé ce texte qui me parle, j'avais un arrière grand père qui jouait du violon. J'aurais pu écrire sur ce thème plutôt que d'écrire des âneries ou des caneries, comme on veut.
RépondreSupprimerJe n'ai pas croisé ton premier commentaire...(Il n'a peut-être pas "abouti" car pas mal de gens ont des difficultés à en poster ici), mais je vais aller lire tes (c)âneries, ça c'est sûr !
SupprimerJe reviens de chez toi...et cette fois, c'est moi qui cale pour placer un commentaire (je n'y arrive pas). C'est donc ici que je te dis merci pour ton texte plein d'humour ...et de sonorités réjouissantes !
SupprimerC'est absolument charmant !
RépondreSupprimerJ'ai doré !
Au soleil ? ;-))
SupprimerJ'aime aussi beaucoup cette origine de "faire un canard"..Une autre origine serait la soumission excessive d'un homme vis à vis d'une femme, bref rampant trop devant elle et marchant 2 pas derrière elle..Et ça, mesdames les canes en profitent.....
RépondreSupprimerComme au festival de "canes" ? ;-)
SupprimerAlors, ça, (l'homme servile), ça s'appelle "faire "le" canard"...
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