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jeudi 9 novembre 2017

JEU 30 : Un bel et sombre inconnu




- Te souviens-tu du type que j’avais repéré à l’exposition Rodin au Grand Palais cet été ?
- Ah oui, le beau ténébreux aux yeux de braise ? Le jour où il faisait si chaud ?
- Tout juste, même que tante Rose avait fait un malaise dans l’escalier…
- Le grand, avec les mains de pianiste ?
- Tout à fait !
- Et ce sourire énigmatique…
- Oui, celui-là-même.
- Ah, oui, bien sûr, que je me souviens, quelle question ! Alors, ce type ?
- Je l’ai revu la semaine dernière.
- Ah bon ? Où ça ? Raconte !
- Dans le bus, tu sais, la ligne 83, celle que je prends pour aller voir ma mère le mercredi. Tu n’as pas oublié quand même que je vais voir ma mère tous les mercredis, et que je me tape le résumé de ses parties de bridge avec Huguette, Louise, et puis…la morte, là, je ne me rappelle jamais comment elle s’appelle…
- Ah bon ? Elle est morte et elle joue au bridge ?
- Mais non, c’est une expression du jeu…Pfff ! Laisse tomber.
- Oui, bon, admettons. Et je sais que tu vas voir ta mère, ne t’inquiète pas je n’ai pas encore des failles de mémoire.
- Eh bien, je ne pensais pas revoir ce type. Dix millions d’habitants, et je retombe sur lui…
- Et alors, et alors ?
- Et alors c’est dingue, quand même, un tel hasard…
- Non, je veux dire : et alors, le type ?
- Rien. Nada. Queue d’pomme. Je l’avais aperçu en train d’acheter son journal au petit kiosque de l’avenue Secrétan, et…
- Celui tenu par le bonhomme qui ressemble à Depardieu, mais en plus mince ? Non parce que quand même Depardieu a vachement grossi, on ne pourra dire le contraire…
- Oui, mais… bon tu m’écoutes ? Enfin… je l’ai vu monter dans le même bus que moi, c’était un miracle…Eh bien, malgré mes efforts pour attirer son attention, il s’est planté le nez dans son journal tout du long, sans même un regard pour moi.
- Ah le pleutre ! Le goujat ! Une si belle fille ! C’est vrai, tu es superbe, surtout avec ce petit caraco bleu pâle qui met tes yeux en valeur…
-… Merci. Et ce qui est encore plus fou, vois-tu, c’est qu’il est descendu au même arrêt que moi, place Emile Goudeau. J’avais le cœur qui chamadait…
- Ça existe, comme mot, ça, chamader ?
- Ecoute si tu m’interromps tout le temps…
- Oui, mille pardons. Mais quand même, chamader, ça n’existe pas…Et donc ?
- Alors arrivé là, il a posé son journal sur un banc, et je me suis demandé si par hasard il n’aurait pas laissé un indice, quelque chose pour moi, quoi, tu vois…un numéro de téléphone…
- Comme c’est excitant ! Et romanesque…
- Tu parles, je n’ai pas eu le temps de vérifier… Une espèce de vieille bonne femme acariâtre s’est assise sur le banc et a pris le journal de toute autorité, comme s’il lui appartenait…
- Ah la rombière! La vieille bique ! La carogne ! Euh…pardon. …Comme c’est dommage ! Et ensuite ?
- Ensuite elle est partie en laissant le journal sur le banc. Un très beau banc, repeint de frais…Au moment où j’allais mettre la main sur ce tas de feuilles éparpillées qui contenait sûrement la clé du reste de ma vie, elle a rebroussé chemin et elle me l’a subtilisé sous le nez. Tout de go. Tu avoueras que ce n’est pas de chance…
- Tu ne l’as pas suivie ?
- Pardi, bien sûr ! Jusque chez le marchand de légumes à l’angle de la rue des Abbesses et de la rue Aristide Bruant.
- Ah ! Je vois, ils font de bonnes blettes, un peu chères mais c’est très rare à trouver les bonnes blettes alors on peut y mettre le prix ! Euh… mais je m’égare…
- Grrr ! Oui mais si peu !
- Et alors, la virago ?
- Tu ne crois pas si bien dire en parlant de blettes. La voilà qui en achète une bonne livre, qu’elle emballe sans aucun respect dans MON journal… Tu te rends compte de l’impudence de cette femme ?
- Remarque, c’est à ça que servent les journaux, c’est quand même mieux que ces sacs en plastique qui étouffent les tortues dans l’Océan Pacifique.
- Je ne le reverrai plus jamais mon bel hidalgo… bouh hou ! …
- Oui, sans doute…mais, au moins, tu as sauvé une tortue d’une mort atroce.

***





12 commentaires:

  1. Un coeur qui chamade
    un journal chiffonné
    un dialogue qui s'entrecroise
    une héroïne bien emblettée !

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    1. Merci cher Dodo.
      Emblettée, j'adore !
      j'adopte, je prends, je copie-colle !
      ¸¸.•*¨*• ☆

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  2. Une excellente idée que d'en avoir fait un dialogue...
    C'est très vivant...
    Et puis ton "homme au journal" paraît tellement plus intéressant que le mien : j'en serais presque jalouse ! C'est où l'arrêt du bus 83 ? ;-)

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    1. Le tien ? ou celui de Cortazar?
      Parce que je ne trouve pas ta participation...
      Pour le dialogue, oui, j'ai trouvé que mon texte serait moins ch... euh...ennuyeux sous cette forme ! ¸¸.•*¨*• ☆

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    2. Ben si...j'ai participé...le 3 novembre.
      C'est ICI :
      http://filigrane1234.blogspot.fr/2017/11/une-vie-de-papier.html
      Je suis aussi partie sur une histoire d'amour...unilatérale ! ;-)
      Bises.

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    3. ...mais mon "héros" à moi est beaucoup plus terne que le tien... :-)

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    4. Voila qui est réparé, je n'avais effectivement pas repéré ton texte.
      Une suggestion : peut-être pourrais-tu créer un libellé par jeu, ainsi, on aurait toutes les participations, au jeu 30, par exemple, sans risque d'en laisser passer ? Qu'en penses-tu ?
      Bises et belle journée
      ¸¸.•*¨*• ☆

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    5. Oups au temps pour moi, je n'avais pas vu le libellé "texte enrichi"
      Mille pardons
      ¸¸.•*¨*• ☆

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    6. Oui, je sais qu'on peut laisser passer des choses, ça m'arrive aussi...
      mais y'a tout ce qu'il faut ici pour s'y retrouver...

      Avec les libellés (voir colonne à gauche du texte, on peut retrouver les créations de chacun, par nom...ou par thème...Suffit de cliquer !

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    7. Et puis, dans la colonne de droite, y'a les titres de tout ce qui est paru pendant le mois en cours...

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    8. Je n'ai rien d'autre à ajouter que ce que je n'ai écrit sur ton blog. Très belle histoire.

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