mardi 13 août 2024

JEU 97 : "La vieille femme qui marchait dans la mer" - Joe Krapov

 

La Vieille dame qui marchait dans la mer

 

 

Les trois crânes chauves ou dégarnis qui dépassent des transats et s’inscrivent dans son champ de vision rappellent un bien mauvais souvenir à Marie-Jeanne Gabriel. Celui de son directeur de thèse de littérature comparée à l’Université de Rennes 2, Frédéric Lebanc d’Arfou, un petit monsieur ventru, adipeux, chauve, trop parfumé, aux doigts boudinés, qui venait se planter sous votre nez pour vous parler, installait une proximité quasi centimétrique avec chacune de ses interlocutrices.


Qu’est-il devenu, cet allumé de Frédo ? Sans doute est-il mort maintenant. Parce que depuis sa thèse, soutenue en 1988, il s’en est fracassé des vagues à Saint-Malo où, maintenant qu’elle est une vieille enseignante retraitée, Marie-Jeanne se rend tous les mercredi après-midi pour faire du longe-côte avec ses copines.

Comme beaucoup de Bretonnes elle a toujours aimé la mer, la natation, le grand air. En témoigne cette photo d’elle posée sur un des rayonnages de sa bibliothèque très fournie. Elle a été prise en 1989 sur la plage du Sillon. C’était juste après le carnaval où David, son petit ami de l’époque, photographe amateur, avait été pris à partie par un groupe de « Vénitiens » parce qu’il portait lui-même une cape arc-en-ciel, un tricorne et une bauta et s’était mêlé à eux par jeu. Les autres n’avaient pas trouvé ça très malouin et l’avaient pressé de s’écarter. Saint-Malo-Rennes, c’était déjà un derby à l’époque, même si aujourd’hui les deux villes ne jouent plus dans la même division.






N’en déplaise à Judith Godrèche, il n’y avait pas eu d’affaire Lebanc d’Arfou. Ce monsieur avait dû mener sa carrière de prof de fac jusqu’au bout sans jamais passer à l’acte. Un obsédé sexuel, certes, à tous les coups, mais comment le prouver et que dénoncer s’il n’y a ni attouchements, ni propos déplacés, ni rien sauf un goût soupçonné pour tout ce qui concerne les échanges de liquides au niveau du bas-ventre lors de cérémonies visant – ou pas – au réarmement démographique du pays ? Encore cela revêtait-il uniquement, chez lui, la forme de sujets de thèses bien choisis confiés à ses étudiant·e·s :

- Le Langage de l'obscénité : étude stylistique des romans de DAF De Sade ;

- L’Univers langagier de San Antonio ;

- Les Deux volets du « Sodome et Gomorrhe » de Marcel Proust ;

- La Femme, la Cour et les arts chez Brantôme ;

- Éléments d’érotique du texte. Trois auteurs contemporains : Alain Robbe-Grillet, Kateb Yacine et Sony Labou Tansi.

Et aussi bien sûr celle qu’elle-même avait brillamment soutenue malgré son sujet éminemment casse-gueule :

- Représentations comparées de la femme chez Marcel Proust, Frédéric Dard, Pierre Perret et Georges Wolinski.

Elle se souviendrait toujours de l’altercation survenue lors de la soutenance entre le président du jury et son directeur de thèse.

- Mademoiselle Gabriel a effectué un excellent travail de recensement statistique du vocabulaire utilisé par ces auteurs, notamment en soulignant l’omniprésence de la syllabe « cul » dans tout le corpus étudié et l’absence du vocable « cattleya » chez Pierre Perret. Mais je trouve curieux d’insister ainsi sur l’appartenance « zodigliacale », comme dirait Francis Blanche, de ces quatre auteurs à un même signe astrologique, celui du cancer. Allons nous voir bientôt débouler des thèses sur Madame Soleil, Elisabeth Tessier, Paco Rabanne ? Pour quand une biographie comparée d’Arthur Rimbaud, Christophe Colomb et Roger Hanin, nés tous trois un 20 octobre ?

- Tu dis ça parce que toi aussi t’es du Cancer, Maurice ! avait ricané Frédo.

- Peut-être, mais tu n’as pas du tout creusé la question de la modulation par l’ascendant. Sans oublier que la position de la Lune est prépondérante pour ce qui concerne le psychisme. Surtout chez les cancers ! D’ailleurs...

Ce charabia de spécialistes avait bien duré dix minutes, les plus longues de sa vie, car le ton avait monté et les deux professeurs en étaient presque venus aux mains avant que tout ne retombe comme un soufflé et qu’elle ne reçoive les félicitations du jury et la mention très bien.

Qu’y avait-il eu entre ces deux-là ? Une histoire de femme piquée par l’un à l’autre comme pour George Harrison et Eric Clapton ? Une cohabitation trop intime dans un appartement en colocation rue Legraverend ou ailleurs au temps où ils avaient été eux-mêmes étudiants ?

***

Marie-Jeanne Gabriel chassa ces pensées et ces interrogations et se remit à écouter la musique « folk-soul » des deux soeurs venues de Roanne qui jouaient devant un public inattendu et surprenant : des dames à cheveux blancs de retour du longe-côte, des messieurs à crâne chauve, tout un monde de boomers affalé dans des transats sur la place de la Mairie de Rennes alors que leur public potentiel à elles buvait force bières aux terrasses des « Grands gamins » et du « Sketch » sur le mail François Mitterrand.

Elles jouaient bien de la guitare, les deux sœurs, mais pratiquement jamais ensemble. Elles chantaient bien aussi avec deux voix très différentes mais, très souvent, l’une après l’autre, avec un début de chanson en français et la suite en anglais. De toute façon le batteur tapait tellement fort qu’on ne comprenait rien à leur discours. Il fiche quoi, le mec à la table de mixage ?

Et puis à un moment elle n’a plus rien entendu du concert. Les trois crânes chauves se sont mis à dialoguer très crûment entre eux.

- A ton avis, Didier, laquelle couche avec le batteur ?

- Peut-être qu’il s’envoie les deux ?

- Tour à tour ou ensemble ?

- Laquelle crie le plus fort quand elle jouit ?

- Il ne sait pas, il garde ses airpods en baisant !

C’est insupportable pour Marie-Jeanne. Elle se lève, ramasse son pliant à trois pieds et quitte le concert. Ça lui rappelle la blague racontée par sa copine Maryvonne.

- C’est deux sœurs jumelles qui s’entendent très bien et il y en a une qui se marie avec un nommé Gérard Lambert. Mais l’autre trouve le copain de sa frangine à son goût et demande l’autorisation à sa sœur de la remplacer au cours de la nuit de noces pour profiter elle aussi de ce joli garçon. Les choses se passent ainsi et Gérard Lambert est tout heureux de remettre le couvert sans que ça ne provoque de la gîte. Simplement, le lendemain, il se sent obligé de confier à son beau-père son étonnement : son épouse avait deux pucelages !

Cet envahissement de fantasmes et d’anecdotes d’un goût douteux lui rappelle également un roman de Donald Westlake, « Un jumeau singulier », l’histoire d’un type qui se fait passer pour deux frères jumeaux afin de séduire deux sœurs jumelles.

Mais bon, Westake a une bonne excuse pour cette grivoiserie : lui aussi est du signe du cancer !

Joe Krapov 

 

 

 

 

mardi 6 août 2024

Ô toit, mon toit

 

Participation au

 Défi du samedi 

numéro 832


 

 

Ô toit, mon toit

Dis, qui te voit ?

Tu étales tes couleurs vermeilles

Tes belles tuiles au soleil

Tu attires les pigeons

Et l'eau ruisselle sur ton front

Inlassablement tu nous protèges 

Du vent, de la pluie, de la neige

Mais qui te remercie

De ces bienfaits, oui, qui ?

Les gens cachés sous tes poutres

Ont tous l'air de s'en foutre...

Alors, peu à peu, tu te lasses

Tu t'abîmes, tu t'effrites

Sous le poids du temps qui passe

Et sous l'assaut des termites

Ô toi, mon toit

Au fil des mois

.

La Licorne

.

 


dimanche 4 août 2024

Eh, lisez !

 

Pour l'atelier Mil et Une 

Sujet 103

 .

 


Allez, un peu d'humour,

Même si les temps sont "lourds" ! 

:-)

 Je vous invite à la lecture :

Musclez-vous par la culture

C'est tellement plus sympa

Qu'Aya Nakamura !

Dans toutes les positions,

Pas de limites à la passion

Des livres et des histoires :

Sur canapé, dans la baignoire, 

Au lit ou dans le noir, 

Seul(e) ou avec Balthazar...

L'espace d'un été

Lâchez un peu la télé

Le smartphone et Netflix :

De votre bibli, faites un remix !

.

La Licorne

.

 

La position idéale d'une lectrice ... - La maison de Millie


 

samedi 3 août 2024

AI juillet-août (2) : "La chute de l'Empire (en pire)"


 

Trump: la Cérémonie d'ouverture des jeux olympiques était «une honte»

 

(Texte hors-concours)

 

C'était un soir sur la Terre

Un soir qui devait démarrer les Jeux...

Devant leur écran de verre, 

Deux milliards de terriens

S'attendaient à en prendre plein les yeux...

 

Et partout, dans tous les pays

On se frottait déjà les mains.

 Mais c'était compter sans Ceux

Qui avaient fait le Paris

De nous imposer leur (pauvre) "Je" : 


Un militaire qui se dandine

Comme une gourgandine

Et puis Philippe Katerine

Nu dans les mandarines !

Bacchus-Dyonisos

En ourobouros :

Un schtroumpf obscène 

Devant la Cène !

 

JO 2024. Philippe Katerine « tout nu » à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques

 

C'est vrai, je suis "réac"

Monsieur Macron,

Je n'suis pas "d'acc"

Pour les spectacles 

A la "Néron"

 Et à la con.

 

C'est vrai, j'suis pas "moderne" :

J'aime le Beau, pas le "Jolly".

 
 Jamais de la vie !
 
Je suis vénère 

Et je pleure sous la pluie...
 
 

 Pour mon gamin,

Un signe ému : 

rien...non, rien pour toi, mon enfant

C'est l'heure d'aller au lit !


Ben, oui, déjà... t'as que sept ans

Alors les drag queens en folie

Les testicules au vent

Les reines ensanglantées 

Et les têtes coupées

C'est pas l'moment !

 

Faudra attendre quatre ans ?

T'as raison, c'est dommage

Mais voilà c'est trop tard

Ben, oui, c'est ça la (nouvelle) France : 


Pour neuf ou dix milliards

On n'a pas davantage !

Les athlètes, on les trans-

Porte sur des grands bateaux

(Des conques, ô Hidalgo !)

On paye les drônes, les drapeaux

Et puis après, c'est "panne décence"...

 

Et encore, on a d'la chance :

Etant donné l'budget "surveillance"

Les sportifs auraient pu finir en "marcel"...

En tenue "porte-jarretelles"

Voire "à poil" sous l'imper

Vu qu'la mode, c'est d'être trans-
 
parents...et même nus comme des vers.
 
  
 
 Chers mandarins, permettez que je vous laisse
 
A vos délires, à vos jeux de kamasutra
 
A vos sports sans liesse et sans finesse,
 
A vos sombres contrats
 
Et à vos "catchanas"
 
 
 
 Vous étiez comme Michel Blanc :
 
Vous aviez une "ouverture"...
 
Ce qui n'arrive pas souvent ,

Juste une fois tous les cent ans !
 
 Mais voilà, au lieu de "conclure" : 

Ce fut  "Fluctuat ET mergitur"
 
  .
 
 La Licorne
.
 
 

C'était mon "petit "coup de gueule" personnel

 

 Citation de Coluche

Nuon Chea Quotes 

 

 

Je me suis amusée à reprendre au passage 

les consignes de l'Agenda ironique de juillet-août

 

 Sur le thème de "La chute",

il convenait de placer les mots : 

camembert, mandarin, mandarine,

sinémurien, ourobouros et conchoïdal...

.

Il fallait aussi

- la présence d'un personnage en "marcel",

et l'utilisation d'une locution latine 

(éventuellement détournée)

 .

 


vendredi 2 août 2024

Ebloui(e) par la nuit


Pour l'atelier Mil et une

 Sujet 102

 

 

Zut ! Je ne vois plus rien !

Aidez-moi, nom d'un chien !

Zone protégée ou piège à zinzins ?

 

Zieutez-moi cette lumière !

Ah, elle m'aveugle, elle me sidère

Z'en zézaye, bonne mère !

.

La Licorne

.




 

... ...

jeudi 1 août 2024

JEU 97 : "A plus d'un titre" - K

 

 La Vieille qui marchait dans la mer, Frédéric Dard; titre et photo revisités pour l'atelier d'écriture, chez Dame La Licorne; Filigrane - jeu n°97; tiniak au tableau.

 

A plus d’un titre 

 

Pas facile d’évoquer Alexandra Lapeyrière d’Entrevaux, notoirement méconnue dans un rayon de 2 km excédant sa propriété en bord de mer. Son manoir était si grand que les domestiques chargés de la partie sud ne la reconnaissaient pas toujours.

Cette pensée obsédait Albéric Ouroboros, en résidence sur place tout l’été.

Albéric scribouilleur de seconde zone d’origine suisse particulièrement bien fait de sa personne, n’était rien moins que son très récent biographe.

Chaque matin, pendant qu’elle était sortie marcher dans la mer, il pissait vainement de la copie sans parvenir à d’autres résultats qu’une envie pressante de faire le mur.

Sans pour autant passer à l’acte.

Car petit (a) c’était elle qui le lui avait proposé.

Et petit (b) il n’était pas question de sevrage. Courant juin lorsqu’ils s’étaient croisés ils n’avaient pas connu de panne des sens et avaient fait fi de la différence d’âge que seule l’indécence permettrait d’indiquer.

Il appartenait à une génération qui n’attend rien parce qu’elle sait l’inanité des choses. La génération des sacrifiés.

Sur place, il tentait de mieux la connaître, ils échangeaient donc régulièrement, mais hélas pour lui et son projet d’écriture, ils se privaient le plus souvent de la parole au bout de quelques minutes, n’y tenant plus et dans ces moments, il paumait son stylo à chaque fois.

Il fondait lorsqu’elle lui murmurait en rythme son habituel mantra : Bien que je sois jeune, je sais déjà que notre enfance ne s’éloigne jamais de nous. C’était beau et chaud, comme on dit en Belgique.

Alors le matin, à la fraîche, il compulsait ses notes, et ce n’était pas terrible…

Il la connaissait finalement peu, elle était donc plus vieille, elle pratiquait la marche, elle aimait la mer. Mais question bio, son rayon à lui c’étaient plutôt les légumes.

Mais avec ce triptyque, vieille, marcher, mer, il pensa qu’il tenait peut-être quelque chose.

Il s’était mis à noter des titres possibles.

La veille, qui marchait dans la mer ? (Pas assez explicite.)

La veille, qui marchait dans l’amer ? (Trop sentimental et intrusif.)

La vieille Kim Archer dans l’âme erre. (Non. On arrête les jeux de mots pourris.)

Lave, hey, Kim archer dans l’âme, erre. (J’ai dit non.)

La vieille qui m’armait dans la chair. (Un peu cru peut-être.)

La vieille qui marche est dans la merde. (Non, en vrai, c’est moi.)

La vieille qui marchait dans la mer. (Pas mal mais faut que je lui explique.)

Il lui expliqua.

Ah ! Comme vous vous bitez royal, Seigneur !  Dans ces instants, elle l’appelait Albéric Ier.

Décidément, ça allait prendre un peu de temps. 

 

K. 

 

JEU 97 : "Las Damier ?" - Tiniak

 

 La Vieille qui marchait dans la mer, Frédéric Dard; titre et photo revisités pour l'atelier d'écriture, chez Dame La Licorne; Filigrane - jeu n°97; tiniak au tableau.

Là, Dame y est

 

“Demain n’est pas, déjà l’Hier est mort…”
songe La Vieille embrassant le décor

Aux pans de son chapeau, la mise altière
subsiste un vierge et vivace Aujourd’hui
elle aime tant y bercer à l’envi
son franc mystère
seule, et devant l’étendue où l’âme erre

Moi, de la voir parmi les éléments
papillon noir sur dentelles de blanc
me vient l’espoir d’entrer en sa douce heure
l’instant exempt de tout vent de malheur

Elle, pieds nus sur la mousse iodée
révèle un peu de sa noble cheville
Moi, occupé à dénicher l’étrille
je perds le fil de ses vastes pensées

Y a-t-il, au vrai, moment plus délicieux… ?

Elle a jeté au panier tous ses âges
pour n’en garder que les précieux hommages
bien à l’abri d’une tendre quiétude
souriant aux lointaines latitudes

Sûr, le damier de ses nuits, de ses jours
se fond dans la marée en bout de cours
afin d’inviter son doux clapotis
à se joindre au mouvement de ses plis

Tout paraît suspendu à son allure…
Et le voilier aux lentes encâblures
Et le soleil abandonnant l’azur
Et le renversement du sablier 

 

Tiniak

 

 

AI et JEU 97 : "Chutes, chute, chut !" - La Licorne

 

 

Lorsque, ce jour-là, Yolande De Ladentellière, riche héritière de la Côte bretonne, glissa sur un rocher et se fractura l'occiput, ce n'était pas sa première chute.

Elle était déjà "tombée" plusieurs fois. 

La première fois, c'était "en amour"...quand elle avait suivi, à vingt ans, sur un coup de tête, un beau militaire américain, croisé pendant les fêtes de la Libération. Le jeune homme, habile, lui avait fait miroiter monts et merveilles...Conquise par son allure, son accent et ses muscles saillants sous son "marcel", elle l'avait alors suivi au bout du monde...au grand désespoir de ses parents, qui n'avaient pas réussi à l'en dissuader. 

La deuxième fois, c'était "dans la misère", quand, au bout de trois ans d'escapade, son père, excédé par sa fuite irraisonnée et son indifférence aux appels familiaux, lui avait brutalement "coupé les vivres". Comme on le sait, un malheur n'arrive jamais seul : dans les mois qui suivirent, son bel amoureux lui avait, on ne sait pourquoi, trouvé beaucoup moins d'attrait... et l'avait plantée là, sans autre forme de procès, en prétextant un appel urgent de sa hiérarchie dans le cadre d'un conflit lointain.

Et la troisième fois, eh bien, c'était quelques jours plus tard, quand elle s'était aperçue qu'elle était "tombée enceinte" au moment des adieux. 

Afin de ne pas tomber plus bas encore, elle s'était vue contrainte, tel l'enfant prodigue, de rentrer au pays...afin de demander pardon à son père et d'y élever ses jumeaux, Camille et Albert, dans la plus grande discrétion possible.

Depuis, elle végétait, déprimait et se morfondait au fond de son château, pensant et repensant sans cesse à ce destin en forme d'ourobouros qui avait dévoré ses rêves et l'avait ramenée, en un clin d'oeil, à l'endroit qu'elle cherchait à fuir. 

Ses seules distractions étaient ses promenades matinales à la plage. Elle y marchait chaque jour. Elle disait vouloir promener le chien, mais c'était surtout elle qui, à vrai dire, éprouvait le besoin irrésistible de sortir et de prendre l'air. 

Ce matin-là, elle avait ôté ses chaussures et s'était avancée sur un petit rocher moussu. Comme d'habitude, ses yeux fixaient l'horizon, comme si, par un miracle inconnu, elle avait pu entrevoir par-dessus la mer, le pays qui avait bercé ses jours heureux.

Derrière elle, son petit chien reniflait bruyamment : il aimait dénicher les crustacés...et à chaque balade ou presque, faisait des découvertes étonnantes.  Récemment, il avait ramené une sorte de fossile conchoïdal, dont Mr De Ladentellière avait déclaré, ravi, qu'il datait sans doute du Sinémurien ! Sacré Olaf ! Il savait amadouer le vieux, lui...bien mieux qu'elle n'avait jamais su le faire !

Afin de voir ce que faisait le chiot, elle fit un quart de tour sur elle-même... et c'est là qu'elle perdit l'équilibre ! Son pied glissa et sa tête frappa durement le rocher. 

Quand elle se réveilla, elle était allongée dans son lit. Sa vieille mère était penchée sur elle. Ses enfants étaient debout à la porte. 

- Approchez, mes petits ! Ne vous inquiétez pas ! Maman va bien ! 

Les enfants, rassurés, lui sautèrent dans les bras. C'est alors qu'elle se rendit compte qu'elle avait perdu leurs prénoms...

- Mon mandarin, ma mandarine ...je vous aime ! Ma Camomille ... mon Arbalète ...mon Camembert...vous êtes mes chérubans, mes armours, mes poursins...

Les deux boudchoux se regardèrent, interloqués : maman parlait bien étrangement !

Le médecin confirma : le traumatisme crânien avait touché la sphère du langage. Il allait falloir être patient...

Hélas ! Malgré les soins et la rééducation, Yolande ne retrouva pas les mots. Depuis ce jour, son esprit reste embrouillé et ses phrases continuent de s'emmêler dans un joyeux désordre,  émaillées de mille lapsus dinguae que seule sa famille proche arrive à décoder.

Bon, ne le répétez pas, mais les gens du village, qui la croisent souvent à la plage, abritée sous son grand chapeau, ne l'appellent plus "Mademoiselle De Ladentellière", mais  plutôt..."Tata Yoyo" !

...Chuuut !

 

La Licorne

 .

 

J'ai mêlé ici deux consignes :

celle du JEU 97

(photo et mots du titre)

 

et celle de l'Agenda ironique de juillet-août

 (à lire chez Tiniak)


 Sur le thème de "La chute",

il convenait de placer les mots : 

camembert, mandarin, mandarine,

Sinémurien, ourobouros et conchoïdal...

.

John Duff souhaitait aussi :

- la présence d'un personnage en "marcel",

et l'utilisation d'une locution latine 

(éventuellement détournée)

.

 

Petite vérification : tout y est !

Oufff ! 

:-)

.

 


 

JEU 97 : "Sous le chapeau le papillon" - AlainX

 

Sous le chapeau le papillon

 



Vous la reconnaissez sur la photo ? Non, bien entendu, ou alors c'est un hasard étonnant dont il faut se méfier. C'est Louise–Henriette de Saint-Marcellin Duferment-Lactique, mon arrière-grand-mère. Au pied des falaises qui débouchent du Rhône de la Canaille. Elle rêve probablement à celui qui sera un jour mon arrière-grand-père. Elle n'est pas encore la vieille qui marchait dans la mer à la recherche d'escargots des jardins, qui sont ses petits–gris dont elle a grandement besoin. Fort heureusement le célèbre psychiatre Hippocrate le Jeune, a diagnostiqué une sorte de confusion mentale avec les bigorneaux, que malheureusement on ne sait pas encore soigner. Pas les bigorneaux, mais la confusion. «Entre sa somptueuse jeunesse et les méfaits du temps, elle a négocié une sorte d’amnésie qui la préserve des regrets. » (*)

Observez qu'elle porte un nœud papillon noir. Chacun sait que celui-ci est le symbole de la mort et de la malchance et qu'il vaut mieux ne pas en croiser à moins d'un mètre. Mais comme mon aïeule arbore un sourire proche de l'extase et qu'elle relève ses jupes, ne faut-il pas l'envisager être en proie à une excitation sexuelle, ce qui est une autre signification d'une tradition maritime concernant les papillons noirs. Dans ce cas c'est le signe d'une capacité à voir le bon côté de la vie. Concluons que ce bon côté-là l'attire irrémédiablement  vers le large.
En ce cas, les deux personnes en arrière plan regardent du mauvais côté et manifestement ont une attitude qui sent la vase désespérante, le varech-vessie qui n'éclaire pas  les lanternes. On voit  nettement qu'ils ne sont pas à l'aise près des falaises. « Être tas » à cet endroit n'est pas digne.


Pourquoi donc mon père m'a envoyé cette photo avec ces simples mots :
« Surtout, n'oublie jamais ! » J'aimerais tant pouvoir lui poser la question, Malheureusement il est mort d'une crise cardiaque 24 heures après que j'ai reçu sa missive. : « Ah ! Comme la vie est brève et interminable dans sa brièveté ! »(*)
Mon père faisait-il allusion à une vie de chien, à cause de l'animal à gauche ?  un genre de vie qui caractériserait notre lignée ? Parce qu'autant vous le dire clairement, je mène une vie où je ne fais que ramer sur les flots hostiles ou dans le sable du désert intérieur. Ça dure depuis si longtemps. Même si à l'époque «On croyait de chaque jour qu'il était simplement le lendemain de la veille, et puis non: il y avait des années entre les deux. » (*)

Ne pas me poser de questions inutiles. Tout ça ce sont des vieilleries qui osent et abondent . Comme le dit souvent un de mes amis « pourquoi s'obstiner à faire du bouche-à-bouche à un amour mort ? » (*). Il a raison. C'est pareil avec les défunts, quand c'est fini, c'est fini !
Je vais brûler tout ce fatras de souvenirs.
Mais avant, et une dernière fois : « Laissez-moi contempler ce portrait. C'est à mourir d'extase. Comme ils ont dû être fous de vous, ceux que vous avez laissés vous approcher ! Et comme ils ont dû être comblés ceux auxquels vous avez abandonné un tel corps ! »(*)

 

 
 
 
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(*) : Ces citations sont extraites du livre de San Antonio (Frédéric Dard) auquel la consigne fait référence.
Oui, je sais, ce texte est complètement déjanté, mais je n'y peux rien dehors il fait 35° !

 
 
 

JEU 97 : "La vieille qui marchait dans la mer"

 

- Atelier d'écriture pour le mois d'août -

 

Chers amis,  

 

il s'agira ce mois-ci, s'il vous reste un peu de force 
 
pour vous extraire de votre transat...
 
de vous laisser inspirer par cette photo :

 


 et par ce livre :

"La vieille qui marchait dans la mer"

 de Frédéric Dard

.

 

Comme d'habitude, vous pouvez :


- Soit placer les mots de ce titre dans votre texte


- Soit faire en sorte que ce titre de livre 

soit aussi le titre de votre texte


- Soit, troisième et dernière possibilité, 

faire référence, tout au long du texte, 

au livre en question ou à son auteur

.

 

Envoi à undeuxtrois4@orange.fr

avant le 21 août 2024

.

La Licorne