Bébé
tout neuf, je découvre pour la première fois le monde autour de moi : la neige qui
virevolte, la maison illuminée, les bisous sur ma joue...C'est doux, les
bisous, j'aime bien...surtout ceux de Tatie, qui est si jolie.
Mais
le monde extérieur est bizarre : qu'est-ce que c'est bruyant ! Y'a des
"kling", des "klang", des "pop"... et un machin poilu qui fait 'Wouah Wouah". C'est nettement plus agité que dans le ventre de maman, où tout était calme et
feutré.
Maman, avant, je la connaissais "de l'intérieur" et maintenant, couché dans ses
bras, je la vois "de dessous", ça change tout. A la fin du repas, je
la regarde croquer des feuilles de salade : ça fait "crac, croc"...
Et
puis ça fait "cric" aussi... :-)
Comment lui dire que je n'apprécie pas forcément les tétées
"saveur vegan" ?
Voilà
ma cousine Mirabelle qui s'approche, qui me dit "Dodo, Bibi, dodo",
avec des mimiques et des intonations très en-dessous de son âge, suivie
de près par papa qui se sent obligé de me donner un drôle de truc vert et
jaune tout mou avant de me mettre, d'office, derrière les barreaux.
Je
ne comprends pas grand-chose à tout ça... Sont bizarres les gens du
bas.
Assez déçu,
je repars le plus vite possible dans le ciel d'où je viens, dans le ciel de mes
rêves, là où tout est léger, facile, là où tout est possible, même
prendre le thé entre Mac(a)ron et Ursula !
Mais
je suis tiré de mon sommeil magique par les cris de Tatie et de Mirabelle,
qui, pour une cause inconnue, se disputent allégrement... Je me mets
alors à hurler aussi fort qu'elles et même plus fort qu'elles... histoire
qu'elles comprennent que je ne tolérerai pas leurs caprices très longtemps.
Papa
m'entend : il vient me chercher dans la chambre puis me descend au
salon. Tient-il vraiment à ce que j'assiste aux prises de bec des deux
excitées ?
Non, heureusement, elles ne sont plus là. Près du grand sapin, il n'y a plus que maman.
Maman
qui fait jouer ses doigts sur des touches en noir et blanc et en tire
des sons si beaux, si purs...que ça me réconcilie avec l'existence.
Je me rendors tout doucement sur une berceuse de Brahms, le sourire aux lèvres...
A minuit pile, ils feront bien ce qu'ils veulent...
Pour moi, à partir de maintenant, le réveillon sera sans réveil.