Les autres sont un peu modifiées
pour s'adapter à l'image proposée :
Ateliers d'écriture mensuels : textes, poèmes et jeux littéraires
Les autres sont un peu modifiées
pour s'adapter à l'image proposée :
Sous le pont
Mirabeau
Coule la
Seine et
nos amours
Faut-il qu'il
m'en souvienne
La joie venait toujours
Après la peine Vienne
la nuit sonne l'heure Les jours
s'en vont je demeure Les mains
dans les mains restons face à face
Tandis que sous le pont de nos bras
Passe des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont
je demeure L'amour s'en va Comme la vie est lente
Et comme l'espérance est violente Vienne la nuit Sonne
l'heure Les jours s'en vont je demeure Passent les jours
et passent les semaines Ni temps passé ni les amours
reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.
.
Guillaume Apollinaire
"Alcools", 1913
( et La Licorne pour la mise en page,
inspirée par Rabelais et les calligrammes d'Apollinaire )
de Guillaume Apollinaire
.
Un dimanche sous la couette ?
Ou à visionner un film sur une tablette
A plat ventre sur la moquette,
en liquette et en chaussettes ?
Non, cette semaine on fait vraiment la fête,
Edouard nous a invités à fêter sa retraite,
et son anniversaire de mariage avec Elisabeth.
J'ai intérêt à me faire coquette !
Je le vois bien sortir la jaquette,
Alors Gaston, s'il te plaît, oublie la casquette
et ne te pointe pas avec une bouteille de piquette,
ni un cadeau qui vaut des clopinettes !
Je t'ai acheté une tenue parfaite
avec gilet et pochette,
noeud pap et boutons de manchette.
Evite de m'appeler "ma biquette",
et ne te trompe pas de fourchette.
Je t'interdis de faire tourner les serviettes,
on n'est pas dans une guinguette.
Fais gaffe aussi à tes cendres de cigarette.
Ne passe pas la soirée à la buvette,
et si, à la fin, tu pars "en goguette"
ne t'affale pas le nez sur ton assiette.
Comment ça, je suis "casse-noisettes" ?
Si tu veux changer de nénette,
je te conseille d'essayer Antoinette :
ce sera tous les soirs "raclette" !
Allez, c'est bon, je suis prête.
Tu peux sortir la camionnette.
.
La Licorne
.
Pour l'Atelier d'écriture de Villejean
(image)
et pour l'atelier Mil et Une
qui demandait cette semaine
de placer les mots suivants :
1962
Ou quand
La société des enfants
Se donne en spectacle
» Vive les vacances,
À bas les pénitences,
Entrez dans la danse,
Les écrans au feu,
La Télé … au … milieu ! «
Assis en rang d’oignons devant la télé,
les cinq mini-spectateurs ont l’air de participer
à une réunion très sérieuse de la Société des Enfants Qui Ne Bougent Pas,
fière institution de notre société moderne.
L’un d’eux semble négocier mentalement
pour savoir s’il peut s’approcher de cinq centimètres de l’écran
sans que les adultes surgissent en criant :
« PAS TROP PRÈS ! »
Le vieux téléviseur, lui, fait son possible :
il essaie de ne pas tousser,
il chauffe, il grésille,
il hésite entre montrer un dessin animé
ou une tempête de neige involontaire.
La lampe à côté supervise la scène
comme une tante un peu trop jugeante :
« Et dire que j’ai survécu aux années 70 pour voir ça… »
Mais les enfants s’en fichent.
Pour eux, c’est l’événement du siècle,
un spectacle digne des plus grandes soirées.
Un épisode incroyable,
un moment solennel,
un rite sacré :
regarder la télé… en toute immobilité collective.
On dirait presque qu’ils s’attendent à recevoir
un diplôme à la fin :
“Félicitations, vous avez tenu trente minutes sans bouger.
Vous êtes officiellement des experts en télévision.”
.
.
C'est rouge de confusion que je publie (avec grand retard)
le texte d'Alain pour le défi de novembre...
Je l'avais purement et simplement "oublié"...
au fond de ma boîte mail.
Mille excuses.
La comptine infernale
Ils étaient cinq assis devant une télé et le petit dit : Éteignez ! Éteignez !
Personne n'éteignit et la télé criait, l'image faisait peur, le cinquième tomba endormi.
Ils étaient quatre assis devant une télé et le petit dit : Éteignez ! Éteignez !
Personne n'éteignit et la télé gueulait, l'image montrait l'horrible, le quatrième tomba dans le coma.
Ils étaient trois assis devant une télé et le petit dit : Éteignez ! Éteignez !
Personne n'éteignit et la télé vomissait des cadavres par centaines, le troisième explosa.
Ils étaient deux assis devant une télé et le petit dit : Éteignez ! Éteignez !
Personne n'éteignit et la télé leur montrait comment violer puis décapiter, le deuxième s'enfuit. On le retrouva noyé.
Il était seul devant une télé et se mit à crier : Éteignez ! Éteignez !
Personne n'entendait, tétanisé et horrifié son cœur de gosse préféra le lâcher.
La télé indifférente continua à débiter ses émissions déglinguées : Regardez ! Regardez !
------------
Inspiré de la comptine : « Poussez-vous, poussez-vous ! »
https://www.youtube.com/watch?v=IHV6nntFbr4
Depuis quelques semaines,
Yuja Wang est déprimée.
Elle en a assez de son piano !
Elle en assez de tout d'ailleurs...
La célébrité lui pèse.
Les admirateurs l'exaspèrent.
La Philharmonie de Paris l'ennuie.
Elle veut du calme, de la tranquillité...
rêver sous la nitescence de la lune,
dormir tout son saoul,
ne rien faire du tout.
Par un soir de novembre,
devant son fourneau à bois,
elle prend une grande décision :
Elle va se calfeutrer chez elle
pour toute la saison.
C'est décidé :
fini les concerts, les représentations...
à partir de maintenant,
elle entre en hibernation.
Elle enfile son pyjama rouge en pilou pilou,
troque ses cheveux couleur corbeau
contre une tignasse digne de sa flamboyance,
et pour mieux chasser le noir,
se met à la guitare...
Dzing ! Dzing !
La Diva de la musique
entame une nouvelle carrière...
Mais par où commencer ?
Ses doigts aux cordes
ne sont pas exercés.
Changer d'instrument
n'est pas chose si aisée.
Comptant sur la sérendipité,
elle farfouille alors avec alacrité
dans le tas de vieilles partitions
et tombe sur une petite chanson.
Une comptine pour enfants...
Parfait !
Commençons doucement...
Ne brusquons pas les choses...
Comme disait mon grand-père :
"Un escargot pressé perd sa maison"...
Enfin, je ne suis plus tout à fait certaine
de l'expression...
N'était-ce pas plutôt :
"Un escargot percé perd la raison" ?
Bon, moi, ce que je perds, manifestement,
c'est la mémoire...
Et puis zut,
j'ai perdu mes lunettes aussi...
"Tant pis, ce n'est pas grave,
annonce-t-elle de sa voix melliflue,
je vais retrouver les paroles toute seule...
Après tout, tout le monde la connaît
cette chansonnette...
Allons-y ! "
"Oh, l'escargot, quelle drôle de petite bête
Il vit chez lui comme un anachorète...
Mais sa maison qu'il porte en bandoulière
Il la dépose parfois pour boire une bière
J'l'ai vu, j'l'ai vu, la semaine dernière
J'l'ai vu, j'l'ai vu, quand il était tout nu !"
Hum...attendez...
ce n'est pas tout à fait ça...
N'était-ce pas plutôt :
"Ah, l'escargot, quelle drôle de petite bête
Il ferait bien d'ach'ter une trottinette
Il gagnerait des heures, des heures entières
Même si, même si, parfois il accélère
J'peux plus, j'peux plus, passer mon temps derrière
J'peux plus, j'peux plus, non, lui coller au ..."
Médor !
Qu'est-ce que tu penses
de mes accords ?
Je progresse, non ?
Médor...Où es-tu ?
Reviens, Médor, reviens !!!!
.
La Licorne
.
Pour l'atelier Mil et Une
(image)
et pour l'Agenda ironique de novembre
proposé par John Duff,
hébergé par Tiniak
.
Sur le thème "hibernation",
il convenait de placer l'expression :
"Un escargot pressé perd sa maison"
ainsi que les mots suivants :
"sérendipité", "nitescence", "melliflu",
"alacrité", "anachorète" et "Yuja Wang"
.


Il arrive un moment dans nos vies où l’on se sent vraiment perdu pour le marxisme.
A force de voir les uns s’affronter, s’invectiver, s’envahir et se haïr et les autres devenir des zombi·e·s silencieux, le nez plongé en permanence sur l’écran de leur téléphone, pareil·le·s aux deux paysans de l’Angélus de Millet, on sent bien que l’on prend du poids et que la société guydéborde de partout.
C’est donc avec l’assurance d’un certain âge qu’on effectue et affirme son choix :
1) d’aller au spectacle
2) de le faire venir chez soi
3) de se jeter soi-même en pâture aux lecteurs·trices, aux auditeurs·trices, aux spectateurs·trices, même s’ils se prénomment Pa·trice.
A chaque fois c’est une aventure, une découverte exceptionnelle de l’« enrichissez-vous l’âme » de mots aiguisés plutôt que des mets à Guizot.
1) Aller au spectacle
Samedi soir on est allés revoir Yannick Jaulin. Cette fois-ci c’était pour « J’ai pas fermé l’oeil de la nuit » un spectacle d’il y a vingt ans qu’il a décidé de reprendre tous les ans au mois de novembre en vue peut-être de mourir sur scène ! On ne dira jamais assez combien cette légende urbaine autour de la mort de Molière travaille l’esprit des comédiens !
A-t-on pu rire, ce soir-là, des cimetières et de la mort ! Et comme on a serré les fesses au retour ! C’était à la nuit noire, de Saint-Germain-sur-Ille à rennes via Saint-Grégoire, sur une route de campagne couverte de brouillard, avec des courbes, des carrefours, de longues lignes droites dont on n’apercevait que les cinq premiers mètres et les ronds blancs tracés au sol, semblables aux cailloux semés par le Petit Poucet. Une atmosphère à croiser l’Ankou royalement perché sur son vélo pas éclairé, couvert d’une cagoule noire et porteur d’une sacoche Uber eats pleine d’urnes funéraires sur le dos.
Nous sommes rentrés à bon port puisque je suis encore à jeter l’encre sur les rives du Styx ou plutôt de la Vilaine.
2) Faire entrer le spectacle chez soi
Alors oui, tout petit déjà, on te donne cette petite boîte pour que tu regardes et restes tranquille et tu absorbes le meilleur comme le pire : Zorro, Thierry la Fronde, Nounours et Belphégor, Dorothée, Chantal Goya, Louis de Funès et Albator.
Je ne suis pas du genre à tout rejeter. Je n’ai pas de télé mais j’ai des dévédés, j’en emprunte en bibliothèque et je passe l’hiver sous la table.
Pardon, je passe « L’Hiver sous la table » et on se régale d’Isabelle Carré, de Roland Topor qui a écrit cette merveille de conte théâtral, de Zabou Breitman * qui l’a mise en scène et des autres acteurs excellents dont Dominique Pinon et un violoniste virtuose, Liviu Badiu.
3) Que faire ?
C’est la question que posait Vladimir Il’itch Oulianov dit Lénine. Face à cette société du spectacle, n’ayant pas l’âme d’un militant, d’un ermite ou d’un stylite ou la colère d’un terroriste, on n’a pas grand-chose à proposer à part faire chanter les gens, les faire écrire, les amuser, leur raconter des histoires, leur montrer des images belles ou drôles.
C’est peut-être d’une modestie désespérante mais au moins, pendant ce temps-là, on n’envahit pas l’Ukraine, nous !
P.S. Cela ne nous empêche pas pour autant de demeurer des Marxistes convaincus (tendance Groucho ou Harpo, selon les moments) !
* ici on boucle la boucle : Zabou Breitman est la fille de Céline Léger qui tenait le rôle d’Isabelle dans Thierry la Fronde !
...
Réécouter les génériques de notre enfance, quel plaisir !
J'ai eu envie de vous les partager ...
C'est comme une grosse bouffée de souvenirs du passé
De ce temps où nous rêvions à notre avenir
Devant des histoires qui aujourd'hui nous font sourire...
On les écoutait après avoir fait nos devoirs
Et à ces héros de télé, on ne faisait pas semblant d'y croire !
Est-ce un peu grâce à eux si on a pu traverser
Les difficultés de la vie ?
Mine de rien, ils nous ont appris à"oser" !
.
La Licorne
.
A partir de la photo du Jeu 112
et pour l'atelier Mil et Une
dont voici la consigne de la semaine :

Les spectacles de notre société
Avant, il n’y avait qu’une seule chaîne. La lucarne magique arriva
impromptue d’un seul coup d’un seul dans le salon de nos petites têtes
pas toutes si blondes.
Pas de télécommande, juste un bouton rond et obstiné : marche ou arrêt, comme la vie. Hypnotique.
La télé commande. Alors, les soirs d’hiver, les enfants s’asseyaient trop près, aimantés par le rectangle lumineux qui avalait le monde. On y voyait défiler les Indiens, les cowboys, Zorro, le justicier masqué, et parfois un générique de Noël où des rennes scintillaient entre deux pubs de soupe.
Aux anniversaires, et sous le sapin, les cadeaux réels prolongeaient la fiction rêvée : pistolets en plastique, à amorces ou à bouchons, arcs minuscules, flèches ventouses, panoplies d’Indiens, de cowboys, de Zorro. Les batailles se poursuivaient dehors, dans la cour, jusqu’au fond du jardin, quand la vraie neige tombait. Si un jouet manquait à l’appel, les bâtons, les pierres étaient là,
Les années passèrent, la musique remplaça les westerns. L’écran resta, l’écran dansa. D’abord en scopitones. Puis dans les années 80 les clips envahirent les écrans, les idoles se dandinèrent en play-back, la chanson de Madonna, Thriller, et puis aussi la chanson de Lio qui devint un rituel d’ironie amoureuse. On l’écoutait sans comprendre qu’elle annonçait déjà la guerre des sexes à venir.
“Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.” G, Debord
Puis vint l’écran d’ordinateur : le spectacle déménagea, là. Sur le
bureau. Un site d’écriture, des pseudos, des aminautes, des dialogues,
des défis à thème.
Et la même fascination que jadis : on regardait, on commentait, on
applaudissait. C’était la société du spectacle, mais en version clavier.
Moi, j’étais Cavalier. : il n’est pas de hasard, il n’est que des rendez-vous.
Et comme dans tout forum, il y avait toujours un ou une Kevin pour faire du grabuge.
La nôtre, c’était une femme : mordante, moqueuse, incontrôlable.
Une marylin numérique qui faisait trembler les fils de discussion à coups d’ironie mal digérée.
Avec Pépitoune, ma complice de plume, on en eut vite assez. On décida de lui rendre la politesse : à notre manière.
On écrivit un texte, en duo, une parodie vengeresse. Une tragédie communautaire, punitive par les mots, sans filtres.
C’était du théâtre noir, du sarcasme de l’ironie à la Zorro.

Fallait pas commencer
« Et toi dis-moi que tu m’aimes
Même si c’est un mensonge ».
Jacqueline la coiffeuse fredonnant une chanson de Lio pour Pisano son amant ? Pas sûr…
Elle ne compte pas pour des prunes… »
Un cabriolet jaune dans la ville endormie, les roues crissent, frein à main, se tanque devant l’horrible bâtiment, une robe rouge furibonde surgit hors de la nuit, créoles gitanes, une robe rouge vole dans l’escalier, et haut des marches la robe rouge, déchirée, lamelles, en éclats de dentelle.
L’hidalgo demande : Qué passa ?
Voix dépitée masque la colère : Qué hace esta rubia en tu cama ?
(La peroxydée dans ton lit, c’est une vision ?)
Lui, enjôleur : Mais c’est ma cousine, tu sais bien qu’on n’a pas de chambre d’amis !
Elle, pas dupe : Mais PauLo (PL), tu sais bien que tu n’as pas de cousine !

La blonde, consciente de déranger, ramasse ses affaires et saute par la fenêtre du troisième étage.
Cette sensation qu’éprouve Wanda, la brune trompée, seule la jalousie peut la donner.
À distance, Zorro la devine.
Il a beau galoper comme un dératé, se retourner vers des poursuivants fantômes, il résiste. Son intégrité, la satisfaction de sentir sur sa nuque la belle souffler court de désir.
Mais… de la bâtisse déjà à une centaine de mètres devant lui, on ne saurait dire qu’elle rutile. La vision mérite un autre qualificatif. Elle ruine.
Entraînant brutalement la marylin, il pousse la porte, et le spectacle graisseux s’offre à lui. Garcia a opté pour la Grande Bouffe huilée. Les doigts boudinés agrippés aux lardons dégoulinants. La bouche édentée, pleine, béante. Garcia sourit de plaisir.
Et Zorro, las, offre la marylin aux soudards : pour rire, pour l’exorcisme, pour la farce.

Les soudards
Ils n’attendaient que ça. Émergeant durement des vapeurs la bande s’ébranle :
« Les brunes comptent pas pour des prunes, » dit l’un des gardes.
« Mais un petit noyau tout mouillé blond et nu, pour une fois… » répond un autre.
Les rires sont gras, les métaphores indignes.
Ils ne brandissent que des mots, mais les mots frappent sec.
« Allez, soldats, sabre au clair ! Vengeons notre site ! »
Ils hurlent comme dans un péplum. Les verres tintent, les phrases claquent.
Ils parlent tous comme des animaux, de toutes les chattes, ça parle mal.
En rejouant la bataille des forums, sans comprendre qu’ils ne font que copier le monde qu’ils méprisent.
Ils se vengent à coups de satire, de sous-entendus, de vanité.
Leurs plumes sont des baïonnettes de papier, et la salle des gardes pue la fanfaronnade.
Marylin s’efface. Elle aussi. Elle devient concept, voeu pieux, cible, proie et chienne rimée d’un soir, trophée d’écriture.
Et dans la salle d’arme, chacun croit avoir gagné.
L’entrée du Chevalier de cuir
Un bruit de sabots, net et saccadé !
Les soudards se figent, ravalent leurs phrases.
La porte claque.
Un homme entre, freluquet, silhouette mince et droite, maigrelet sous son manteau long.
On dirait Thierry la Fronde s’échappant d’une rediffusion de Melody.
Le Chevalier de cuir lève la main :
« Fin de scène. Allez, on remballe le cirque. »
Sa voix n’est pas celle d’un juge, mais d’un type qui a vu trop de mascarades.
Il traverse la pièce, s’approche de la marylin, la relève, doucement.
Les soudards détournent le regard.
La vengeance fond comme du sucre mouillé.
Dehors, le vent souffle sur la cour numérique.
L’écran clignote, puis s’éteint.
Le spectacle est terminé.
Houf nous l’avons échappé belle.
(Annexe : clip de Lio, “Fallait pas commencer”, 1983 — à visionner, bien sûr, pour mesurer la distance entre le glamour télévisuel et la satire d’un forum en guerre.)
(+ Clip d’angèle balance ton quoi … avec la scène culte de Pierre Niney :
car non c’est non … nan mais …)
“Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire,
il faut savoir vivre.”
G. Debord
.
Bégayage de le et même dû à l’âge, opération survie, Diable ! Cre-do in u-num de-um…
À voir toutes ces émissions de télé-réalité d’aventure, je devine bien que votre monde actuel tourne un peu blasé. C’est devenu la société du spectacle. À outrance. À mon époque ce ne fut pas mon cas, car moi je dus survivre. À la vie, à la mort.
Mon esprit, lui, se promène librement sur votre monde, et j’ai sans doute mérité ceci, grâce à mes peurs bleues et grâce à toutes mes souffrances endurées de mon vivant.
En effet, il y a bientôt cinq cent ans que mon navire a sombré dans la nuit, et que je me suis retrouvé, seul, sur un banc de sable salvateur au large du Pérou.
Mais au petit jour le constat est sans appel, le banc de sable est minuscule, il n’y a pas de végétation, pas de gibier, pas d’eau potable. Ce n’est que du sable, sans un caillou, et de quelques mètres de hauteur.
N’ai-je survécu à ce naufrage pour venir périr ici d’une lente agonie ?
La marée rogne mon espace, et je me réfugie bien au centre le plus en hauteur possible. Le soleil est inexorable, alors je me protège dans les flots. Jusqu’au cou. J’ai faim et surtout je commence à avoir très soif. C’est l’enfer sur terre, ici bien au milieu de l’océan.
Mais je me dis, non Pedro, il te reste ton couteau… et ton cerveau. Je fouille les algues apportées par la marée, j’y trouve des crevettes, je creuse dans le sable et j’avale quelques coques bien salées.
Tout à coup de grosses tortues de mer. Elles viennent prendre un bain de soleil. Mon sang ne fait qu’un tour, je me précipite le couteau à la main et j’en égorge une sur le champ. Je me désaltère et je boucane sa chair découpée au soleil. J’ai très soif, je retourne la carapace vide. Dieu m’enverra peut-être de l’eau ?
Les averses viennent chaque nuit. Les tortues, chaque jour Les carapaces servent d’abri, de réserves d’eau. De là à dire que c’est un peu la routine…
Pedro Serrano, il te faut signaler ta présence. Il faut faire du feu. Je mets ce goémon à sécher, et je cherche un caillou. Rien, rien de rien… je regrette … Charles dixit. Alors, il me faut plonger. Et replonger. Au bout de deux mois, en plongeant plus profondément, je finis par trouver quelques galets. Un couteau, une pierre à feu, l’étincelle, et c’est le commencement du monde des hommes.
Des hommes, oui, et le plus incroyable c’est que trois ans plus tard j’ai trouvé mon Vendredi ! Un naufragé arrive à quatre pattes sur le sable, un matin. Surpris, affolés, nous croyons tous deux voir le Diable en personne… horrifié par mon apparence pileuse il s’enfuie en hurlant, et moi je hurle en fuyant. En un beau raffut primordial !
Puis l’autre diable tout à coup inspiré par je ne sais quoi entonne un « Cre-do in u-num de-um… « , ce chant fameux universel, Credo le plus célèbre de la chrétienté, un peu comme la chanson « Imagine » de Lennon, de vos jours, oui, imagine… je lui réponds. Nous tombons dans les bras l’un de l’autre.
Alors, on se partage les tâches, on se dit tout, on se raconte nos secrets, nos exploits, nos aventures, nos femmes, et ce pendant une année entière…
Puis la haine arrive avec ses méchancetés, ses insultes, ses bagarres…
On se réconcilie, par intervalle, faute de mieux, et Miguel et moi, on alimente le feu, et on attend.
Quatre ans ont passé à guetter l’horizon, quand un jour, un navire intrigué par la fumée du feu arrive et envoie une chaloupe. Mais tout à coup, les marins voyant s’agiter deux beaux diables velus et hirsutes sur le rivage, font demi-tour : « Signons-nous, et éloignons-nous de ces lieux maudits ! »
Alors unissant nos forces, Miguel et moi entonnons désespérément d’une seule voix tonnante et tonitruante à tue-tête le Credo !
Quelque jour après, Miguel mon compagnon meurt sur le chemin du retour. De trop d’émotions sans doute. Depuis en Europe, ayant barbe gardée comme une preuve, je vais de foire en foire exhibé à demi-nu comme une bête curieuse. Il me faut bien manger.
L’Empereur Charles Quint roi d’Espagne qui a eu vent de mon histoire, me fait mander en Allemagne, et me fait don d’une bourse d’or de quatre mille pièces de huit reals. En rente. Un trésor dont je compte bien profiter un peu chez moi au Pérou, en face de mon île, mais j’ai la mauvaise idée de mourir sur le chemin, à Panama, là, entre les deux océans… Ce n’était pas demander le Pérou pourtant…
Depuis, j’erre de par le monde, et je vous observe. Je regarde la Télé, la lucarne magique ou du moins ce qu’il en reste, et je suis sur Internet aussi. Pour passer le temps. Mais mon état d’esprit ne risque pas d’évoluer, car quand je tombe sur Dual survival, Bear Grylls, Bienvenue dans ma tribu, Koh-lanta, Survivor ou The Island voire Kenji Girac Vs Maître Gims and so on … Je suis mdr top trop grave, grave … Grave !