Pour l'Atelier de Villejean
"On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans"...disait Arthur.
C'est vrai. C'est l'âge des premières amours, de celles qui vous fendent le coeur en deux, en quatre, en huit...et qu'on n'oublie jamais.
C'est l'âge où les filles tracent des lettres aussi rondes que leurs joues d'adolescentes, l'âge où elles font aussi des bulles sur les i, parce que c'est plus joli...l'âge où elles sont romantiques et encore innocentes, souvent.
C'est l'âge où les garçons veulent avoir du succès, l'âge où ils veulent montrer aux copains qu'eux aussi, ils ont des flirts, des conquêtes, l'âge où ils collectionnent les filles comme ils collectionnaient les billes...il n'y a pas si longtemps.
Alors, quand, à la sortie du lycée, la voisine de Paolo a glissé une enveloppe dans sa main en lui disant tout doucement : "Donne-la à Giambattista, s'il te plaît...c'est important", Paolo n'a pas trop écouté ce qu'elle disait...il a surtout vu ses yeux de biche et son sourire de miel, son cerveau s'est brouillé et il est rentré chez lui en serrant la lettre très fort.
Dans sa chambre, il a déchiré l'enveloppe et il a lu les mots. Dès le début, il s'est rendu compte de son erreur. "Cher Giambattista ! ". Bien sûr...ce n'était pas pour lui...c'était toujours pour le beau JB que leur coeur battait. C'était toujours lui dont la boîte à lettres s'emplissait de mots doux, tandis que la sienne restait désespérément vide.
Cette fille, il la connaissait à peine. Il l'avait croisée plusieurs fois dans les couloirs, mais il aurait été incapable de dire comment elle s'appelait. D'après la signature, c'était Coralie. Bizarre, cette signature, d'ailleurs. Elle finissait en "sac de noeuds"...sûrement une fille à problèmes.
Le message était d'une mièvrerie confondante. "Je te regarde pendant les cours et chaque jour, je t'aime davantage. Maryline m'a dit que tu lui avais dit que tu trouvais que j'avais de jolies lèvres. De celles qu'on a envie d'embrasser. Moi aussi, j'ai envie de t'embrasser."
Ah, les filles ! Toutes plus "nunuches" les unes que les autres. Mais quand même, il a de la chance, JB. Moi, avec mon acné et mes lunettes, je ne fais rêver personne. Si ce n'était pas mon meilleur pote, je la jetterais à la poubelle, cette lettre pleine de sentiments sucrés. Mais, bon, je ne peux pas lui faire ça. Je vais l'appeler :
"Allô , Mme Facchini ? Oui, vous pouvez me passer Giambattista, s'il vous plaît ? Merci à vous ! Bonne soirée, Madame. Allô, JB ? C'est Paolo. Dis, y'a une fille qui m'a donné un mot pour toi, à la sortie de la classe. Une brune, avec les cheveux longs. Son nom ? Coralie. Tu ne connais pas de Coralie ? T'es sûr ? Pourtant, c'est ce qui est écrit sur l'enveloppe : "De la part de Coralie", avec un coeur sur le "i".. Que je jette la lettre ? Tu as assez d'admiratrices en ce moment ? Tu ne veux pas t'encombrer d'une greluche de plus ? Bon, ben...écoute, c'est comme tu veux. On se voit demain, au foot, OK ? Oui, j'apporte le ballon. A bientôt, JB !"
Paolo avait posé la lettre sur son bureau, au milieu d'un tas d'autres papiers. Et puis, le lendemain, la vie avait repris. Le foot, les amis, il avait fourré les papiers dans un tiroir et puis il avait oublié.
43 ans plus tard, alors qu'il vient de prendre sa retraite, il se dit que c'est le moment de trier la valise dans laquelle il avait entassé, pêle-mêle, ses cahiers et ses notes de lycée. Entre deux pages de philo, il tombe sur une enveloppe jaunie...et en parcourant les lignes, les souvenirs enfouis remontent soudain. La fille...JB...le coup de fil.
Il regarde la signature. Et quelque chose lui saute aux yeux. Caroline ! Le prénom de la fille , c'était Caroline ! Pas Coralie.
Caroline ? Nom d'un p'tit bonhomme ! Mais il connaît une Caroline...qui était au lycée en même temps que lui.
"Dis, chérie...ta soeur, qui est en maison de repos...Caroline oui...tu m'as dit qu'elle avait toujours été dépressive. Mais en fait, elle a commencé quand exactement ... sa dépression ? Ah.....l'année du bac ? Un chagrin d'amour ? Dont elle ne s'est jamais remise ? Pourquoi je te demande ça ? Oh, comme ça. Je me demandais..."
La Licorne
.
Consigne d'écriture :
Mais
qu’est-ce qui lui a pris à Paolo d’aller fouiller dans cette valise,
pleine de cahiers et de lettres, qu’il avait presque oubliée dans son
grenier ? Voilà qu’il y a trouvé une lettre adressée à Giambattista, son
meilleur ami de ses années de jeunesse, par une certaine Coralie dont
il ne se souvient absolument plus. Il est dit dans ce courrier que Paolo
devait transmettre la lettre où elle déclare son amour à Giambattista à l'intéressé et, visiblement, il ne l’a pas fait.
Quarante-trois
ans après Paolo ne voit plus Giambattista et on ne sait rien de plus de Coralie qui, d’après la signature
ambiguë, se prénommait peut-être Caroline.
Faites
parler un ou une de ces quatre personnages à propos de cette lettre, de
cette époque, de son statut actuel de sexygénaire ou de la gestion de
ses archives personnelles.
Ou racontez une histoire similaire de lettre retrouvée ou perdue.
(Remarque : Je n'ai pas tenu compte du contenu intégral de la lettre, un peu trop explicite à mon goût. J'ai préféré imaginer autre chose, juste à partir de la photo, ça laissait plus de place à l'imagination...)