Pour l'atelier d'écriture "Mil et une"
(sujet 64)
Toute ressemblance avec des faits existants ou ayant existé
serait bien sûr...purement fortuite. :-)
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Dessin de Martin Vidberg
2035.
Cela faisait déjà une vingtaine d'années que l'on avait entrepris de rebaptiser tout ce qui, de près ou de loin, pouvait offusquer ce que l'on appelait les "minorités".
Au début, le changement avait été discret, presque invisible. On s'était à peine aperçu que le titre du roman "Dix petits nègres" d'Agatha Christie avait été remplacé par : "Ils étaient dix". Et puis, bon, le mot "nègre", n'est-ce pas...on n'allait quand même pas le défendre. Cela faisait déjà bien longtemps que Banania avait renoncé à son "Y'a bon" et que l'on mangeait des "têtes-choco" ou des "boules meringuées".
Mais petit à petit, le mouvement avait pris de l'ampleur. On avait commencé à ne plus supporter ce qui ressemblait à de l'anti-féminisme. On avait, par exemple, interdit "Les femmes savantes" de Molière, sous prétexte qu'il les caricaturait un peu trop.
On avait ôté des écoles tous les manuels qui représentaient une mère en tenue de ménagère ou en bigoudis, en train de repasser ou de raccommoder. Idem avec la BD "Tintin" : trop de personnages masculins, elle ne respectait pas la parité.
Enfin, on avait fini par évacuer des bibliothèques tous les livres datant d'avant le milieu du 20ème, qui montraient des femmes au foyer, soumises et sans droit de vote ou des hommes ayant une mentalité trop "patriarcale". Cela fait, il ne restait certes pas grand-chose. Quelques documentaires et des manuels pratiques. Mais le 21ème siècle compte bien assez de romanciers talentueux pour qu'on puisse se passer des anciens, nous avait-on expliqué.
Par la suite, les imprimeurs avaient décidé de rééditer la plupart des ouvrages qui ne satisfaisaient pas aux nouvelles règles grammaticales : métiers féminisés, écriture inclusive, pronom "iel"...etc.
Certains lecteurs s'étaient plaint du peu de lisibilité de ces phrases aux multiples accords...mais on les avait traités de ringards. Ringards, ils l'étaient, d'ailleurs, par le seul fait de lire encore...des ouvrages complets, ce que plus personne ne faisait. La grande majorité se contentait de résumés, publiés sur internet.
Ces dernières années, les lobbys avaient obtenu plus encore : la réécriture de tout ce qui ne contenait pas au moins un passage louant les mérites de la communauté LGBTQIA+. Même le cinéma avait été touché : tout film devait désormais comporter un personnage de couleur, un personnage en surpoids, une personne handicapée, un vieux, un gay, un trans et une lesbienne.
Enfin, sur tous les livres d'enfant illustrés de licornes et d'arcs-en-ciel, on avait tamponné la mention : "Ce logo est la propriété exclusive du mouvement LGBT".
Dernièrement, nous avons appris que le ministère de la culture venait d'annoncer une nouvelle mesure : toutes les histoires comportant le mot "fin" seront retirées des rayons.
Pourquoi ? Paraît que ça discrimine les "gros" !