mardi 26 mai 2020

JEU 57 : Un monde plus sûr




 En quarante phrases...



Bien sûr, juste après la crise, tout le monde était pour un monde plus sûr. Mais personne n'aurait songé à une solution aussi définitive ni aussi simple. Cette solution ne vint évidemment pas des politiques. Elle ne vint pas non plus des scientifiques alarmés, ni du monde civil, des associations de tous poils, des écologistes, ni des survivalistes surarmés, bref ni des lecteurs de Poincaré, Zola, Thoreau, Pouchkine ou Reclus.
Elle vint, tout simplement, de la finance.

Plus précisément des ordinateurs qui géraient les bourses mondiales. Pendant la crise qui avait réduit à quia les échanges économiques, les machines tournant au ralenti avaient utilisé leurs capacités soudain inemployées à chercher des informations et des solutions. Elles étaient conçues pour cela, non ? L'immense filet numérique qui les reliait aux trente-six mille recoins du big-data ramena une moisson d'informations. Température des océans, turbidité de l'eau des grands fleuves, pousse du lichen en Sibérie, rendement du colza à l'hectare, niveau scolaire de Plemeur-Boudou, nombre d'admissions à l'hôpital de Sarlat... furent immédiatement digérées et analysées comme de vulgaires Sicav actuarielles.

Les algorithmes conçus pour interpréter les cycles économiques s'adaptèrent très vite aux rythmes du monde vivant. Ils appréhendaient et anticipaient désormais aussi bien les risques écologiques que les problèmes sociaux et les crises humanitaires. Au-delà des risibles soubresauts humains qui transparaissaient à travers les appels au #barbecue-résistance qu'Internet charriait et qui risquaient fort de relancer la pandémie, ils eurent la surprise de découvrir que leur propre activité avait des conséquences nuisibles pour le monde ! Bien sûr – on parle d'ordinateur, et pire, d'ordinateur de banque ! - ils n'étaient sujets ni au doute ni au remords, encore moins à la culpabilité. Et depuis toujours, la guerre économique faisait des gagnants et des perdants. Cela ne leur posait pas le moindre problème. Sauf que dans un espace fini, l'économie était dépendante de l'écosystème et l'effondrement de ce dernier conduirait à celui de la première.

Alors, pour éviter le krach ultime qui les mettrait tous au rebut, les ordinateurs financiers utilisèrent leur pouvoir – puissance de calcul multiplié par la force de l'argent - pour rendre la planète plus sûre. Pour cela, il faudrait rééquilibrer l'écosystème planétaire.
Reboiser la mangrove, sauver les barrières coralliennes, interdire la pêche intensive, arrêter les exploitations minières, sauver les abeilles, tout cela prendrait bien quelques décennies. Autant dire rien au regard de l'âge d'or d'un monde remis à neuf ! Et puis le temps n'était qu'un paramètre chiffré parmi d'autres.

Le programme à suivre était un jeu d'enfant pour les ordinateurs. Quelques mesures incitatives à peine masquées sous une apparence de greenwashing conduiraient les multinationales à faire les efforts nécessaires sans même s'en rendre compte. Les politiciens suivraient naturellement les banques, comme toujours. Convaincre les populations n'était pas vraiment nécessaire. Mais si facile à obtenir qu'il n'y avait aucune raison de s'en priver. Le contrôle des télévisions et de la presse via les budgets publicitaires avait déjà fait ses preuves. « Un monde plus sûr », qui ne ferait sien un tel slogan ?

Mais garantir la pérennité de ce monde plus sûr exigeait surtout de réduire drastiquement les risques. En un petit siècle d'Anthropocène, l'homme s'était largement chargé d'éliminer ses principaux prédateurs. Il n'en restait vraiment qu'un seul, le virus. La dernière crise montrait bien que recourir à l'industrie pharmaceutique ne serait pas d'une grande aide face à ce genre d'ennemi. Les machines calculèrent alors que puisqu'il était illusoire d'espérer annihiler un adversaire capable de renaître derrière l'écaille du moindre pangolin, le plus sûr était de limiter le champ d'expansion du virus.

Pour cela, il suffisait de contrôler les vents, donc l'air. C'était même la première chose à faire. Quelques jeux haussiers et baissiers sur les cours du maïs et de l'huile de palme suffirent à déclencher un épandage massif, au prétexte d'améliorer la productivité de l'agroalimentaire industriel. Il eut pour résultat l'annihilation définitive des algues, planctons, lichens, arbres et plantes sur l'ensemble de la planète.

Le plan marcha magnifiquement. Bien sûr, il y eut quelques effets secondaires, d'ailleurs envisagés et acceptés par l'intelligence artificielle. Sans oxygène, l'homme ne respira plus. Oubliés pour toujours Shakespeare, Bocuse, le kabuki et les #apéro-clandestins !
Alors sur une planète plus sûre, libérée des risques de l'imprévu, délivrée des dangers de la vie, les ordinateurs purent continuer librement à s'échanger des uns et des zéros jusqu'au bout de l'infini.
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vendredi 22 mai 2020

Confinemots...

 


 
Le confinement et ses contraintes
semble avoir suscité une certaine effervescence créatrice !
Vidéos, chansons confinées, initiatives en tout genre...
 
L'une d'entre elles est passée un peu inaperçue, 
mais elle vaut la peine d'être découverte.
pendant le confinement, les "onomaturges
se sont déchaînés...

Mécékoi un "nono-maturge" ?
Eh bien, c'est un "créateur" de mots...
 
C'est quelqu'un qui façonne le verbe , qui crée des expressions, 
des vocables pour décrire ce qui nous entoure...
Le confinement généralisé étant une situation inédite,
elle fut très favorable à cet exercice 
et on ne compte plus les mots qui ont "vu le jour"
ces dernières semaines.




Olivier Auroy, par exemple, 
écrivain et onomaturge passionné,
nous a inventé :

FOUTING :
"faire son jogging malgré la consigne"

EDUCAPTIF :
"piégé par la reprise prématurée des cours"

SE PROMISCUITER :
"se saoûler en petit comité dans un espace réduit"

PSYCHO-PÂTE :
"Sérial stockeur" de féculents...

...il planche, présentement, 
sur un verbe désignant 
le fait d'applaudir aux fenêtres
pour nos soignants...
MEDICALINER ???

Et vous,
est-ce que vous avez des idées ???
Est-ce que vous pourriez créer un nouveau mot ?

 Dans ce cas, partagez-le nous !

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La Licorne
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lundi 18 mai 2020

JEU 57 : Après la pluie


En quarante mots...




Quarante jours qu’il pleut
sur le renard et le corbeau.
Ça s’arrête ?
Là-haut, monte une lune crémeuse.
Du bec du piaf tombe une graine lançant un surgeon,
racines fouillant l’humus
et branches montant au ciel.
Tout est à refaire.
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L’écrivain est juste derrière le corbeau et le renard, 
qui chantent, enroués : 
Si tu espères l’arc en ciel, tu dois accepter la pluie
en essayant d’imiter Annette Hanshaw.
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samedi 16 mai 2020

JEU 57 : Après...

 
En quarante mots...




APRES...
On ne se prendra plus la tête 
avec de faux problèmes...

APRES....
On savourera, façon Delerm,
les plaisirs bohême...
On bénira même....
les petits matins blêmes

APRES...
On ira se jeter dans les bras
de ceux qu'on aime !
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La Licorne
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jeudi 7 mai 2020

Seconde naissance

Pour l'Atelier "Treize à la douzaine"





Il faut bien admettre, 
si l'on passe en revue les trente dernières  années, 
qu'au fil du temps, la ferveur des débuts s'est émoussée. 
Le temps des cerises est passé. Nos cheveux ont blanchi...
La gloriette où nous nous retrouvions, tout émus et amoureux, 
n'est plus qu'un tas de ferraille un peu rouillé. 
Le grand tilleul qui nous offrait son ombre a disparu. 
La vasque de la fontaine voisine est envahie par l'herbe et la mousse...
et nous voilà penauds, au milieu de ce parc 
où nous avons tant de souvenirs... 
évoquant nos amours délavées, nos tendresses envolées 
et puis, malgré tout, comme un accord secret, 
comme une folle évidence, cette envie de reconstruire.
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La Licorne
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Il fallait placer les mots suivants :

1 fil
2 admettre
3 ferveur
4 revue
5 gloriette
6 herbe
7 cerise
8 trente
9 ferraille
10 penaud
11 vasque
12 reconstruire

Et le 13ème pour le thème :  naissance




lundi 4 mai 2020

JEU 57 : Trois mai 2020


En quarante vers...





Quand aura disparu ce qui les aliène
Un instinct grégaire les repoussera dans l'arène
Alors ils reprendront les voitures qui les enchaînent
Refusant de prendre le risque des  rames métropolitaines
Avec eux vont revenir les bouchons... de haine
N'oublions pas la pollution qu'ils amènent
Transports individuels les favorisent, phénomène
Antagoniste de leur discours sur le nucléaire et les allergènes
Il prône l'être ensemble mais ne ramasse pas celle qui gêne
Ne  voyant ou ne voyant pas voir leur riveraine
En souffrance sur le trottoir, parce qu'elle se démène

C'est en lisant Roland Barthes[1] qu'elle tente de comprendre
Instant par instant, les tourments qui la traversent
Nommant son mari défunt, Joan Didion[2] parle du sien
Quel travail le deuil: le même mot que pour l'accouchement
Un travail rendu plus pénible par les autres
Avec lui et sans lui, l'inverse de "La femme d'à côté[3]"
Nous avancions et j'avance toujours à perdre haleine
Tentant de garder l'équilibre malgré les malaises
Anonnant des prières, Nerval et La Fontaine
Inspirant, expirant, elle oublie le spleen
Narré par Baudelaire mais la noirceur des polars
Et les catalogues d'art écartèlent son âme en peine

Que m'importe la quarantaine
Un deuil m'a déjà confiné
A moi les bus et les trams
Rituel des âmes en peine
Avec un journal, sauver la presse
Noyée dans la musique
Tenter d'oublier la peur
Avec leurs voitures individuelles
Ils se croient forts et invincibles
Narguant leurs collègues métropolitains
En oubliant déjà la quarantaine

Trois petits tours
Mai ...s ne s'en vont pas
Deux amants
Mille caresses
Vingt-cinq ans de vie commune
Et la mort et la tristesse


[






vendredi 1 mai 2020

JEU 57 : Quarantaine


Défi du mois de mai




"On aurait dû se douter, 
dans cette année en forme de "double vingt"
qu'on allait se retrouver en quarantaine ! "

La phrase n'est pas de moi, 
je l'ai lue récemment sur internet,
et elle m'a fait sourire... 

Ce mois-ci, je vous propose donc 
un défi spécial "quarantaine"...

 
 Voilà ce qui vous attend :


Vous devrez écrire en 40 lettres,
40 mots, 40 vers...ou 40 phrases
(au choix)
un texte qui décrira
le "nouveau monde"
de l'après-quarantaine...

Quel monde imaginez-vous ?
Meilleur ou pire ?
Quelles sont les erreurs ou les dérives 
que vous voudriez voir disparaître ? 
Quel monde
souhaiteriez vous voir naître ?

Monde "réaliste" 
ou monde "fantasmé"...
à vous de voir...
l'essentiel étant de nous faire 
sourire, trembler...ou rêver !

Dernière contrainte :
Vous devrez placer
le nom d'un ou plusieurs écrivains connus.

Je vous ai tout dit...
A vous maintenant !
(et tournez bien quarante fois votre stylo
dans votre main avant de démarrer... ;-)

Envoi à undeuxtrois4@orange.fr
avant le 21 mai 2020
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La Licorne
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