mercredi 22 novembre 2017

Merci !

 
 
 
 
 

Merci les amis...
pour toutes vos "cortazarderies"...
et vos plumes plus qu'alertes.
 
De l'imagination à revendre,
de la tendresse, de l'amour...de l'humour...
une bonne dose d'inattendu
et de surréalisme...
et à chaque fois, ce "je ne sais quoi"
qui fait votre "indéfinissable charme"...
 
Ce fut un mois de novembre bien agréable...
 
Je vous dis un grand MERCI
et vous attends, le 1er décembre,
pour une nouvelle "balade au pays des mots"...
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La Licorne..."enchantée"
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dimanche 19 novembre 2017

JEU 30 : Paris – 1865 – Ligne E – Vers la Madeleine

 
 

 
 
Mr Zola est monté en haut de l’impériale, sa « gazette des tribunaux » sous le bras. D’habitude, il circule à pied quand il fait un soleil comme aujourd’hui. Aujourd’hui cependant, il n’a pas le temps de se balader, il travaille. Il a l’air oisif comme cela son journal déplié, le chapeau vissé sur la tête à côté des autres messieurs. Mais il n’en est rien, il suit une vieille femme et son cabas. Elle a un profil spectaculaire la vieille dame, un peu comme un bec de canard et ce profil entraperçu chez la boulangère lui a donné envie de la suivre, voir si le bec va tenir ces promesses inspirantes. Enfin bec de canard, de foulque pour être plus précis. La vieille dame en plus d’avoir un air remplumé a une voix de corneille, rauque et aigüe par moment. Elle marmonne toute seule en bas de l’omnibus.
Il est monté quasiment au terminus, boulevard Bourdon et se demande où la sorcière va descendre. Il est décidé à en faire la première héroïne de son grand roman, l’œuvre de sa vie. Elle pourrait être le départ d’une épopée autour des années 1850.
 
Elle a la tête des gens qui picolent de bon matin, nez en chou-fleur, yeux dans le vague. Elle traîne aussi la patte, est-ce l’alcool ou est-ce de naissance ?  En tout cas cette femme est bien trop vraie pour faire un personnage de roman, les critiques vont dire que je « charge trop la barque » réfléchit Emile. Je vais garder la boiterie pour la fille de cette femme. Femme si on peut dire, tant il y a chez elle une présence presque animale. D’abord lui trouver un nom …
 
Tiens déjà l’arrêt des filles du Calvaire, très bonne idée d’ailleurs ça il faudrait que la femme ait une large descendance et pourquoi pas un petit fils qui devient abbé et qui serait déchiré entre sa vocation religieuse et l’amour d’une femme. La femme descend à Capucine, je pourrais appeler mon héroïne Capucine Foulque, ce ne serait pas mal un nom de fleur accolé à un nom d’oiseau. Ou Jacinthe, Hortense, Marguerite ou alors Azalaïs, ça me plait bien ça Azalaïs Foulque, reste à me décider sur sa descendance. Asseyons-nous un moment pour noter tout cela avant que j’oublie. Mr Zola s’installe sur un banc, le journal même pas parcouru chiffonné par le trajet, en omnibus. Emile dessine dans son carnet un semblant d’arbre généalogique avec une Azalaïs Foulque, il griffonne fébrile jusqu’au moment où sonne midi. Midi ? Il sursaute et range son carnet. Pressé, il se dirige vers le café où il a rendez-vous, il en a oublié son ami qui doit déjà l’attendre.
 
Le journal est oublié sur le banc.  Chiffonné, il semble pathétique. Heureusement que le temps est sec et légèrement venteux. Vent qui le remet dans un pseudo ordre. Une femme boitillante le récupère et se rend au marché.
- J’vais vous reprendre des bettes, Mame Michaud, v’là pour les emballer, dit elle en tendant le journal.
- Ben sûr, Mame Colvert, j’vous en mets une livr’ pour vous et vot p’tiote ?
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Ne manquez pas d'aller lire (ou relire)
 la première histoire De Valentyne,
née de la même consigne:
 
 
 
 
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samedi 18 novembre 2017

JEU 30 : Un peu de chaleur...

 
  

 
Un homme prend l'autobus après avoir acheté son journal et l'avoir mis sous son bras.
"Tiens se dit-il, pourquoi cette soudaine chaleur sous mon aisselle ?
Ces quelques feuilles de papier me protégeraient-elles du froid matinal ? "
Il se saisit du dit "Journal" et, d'un air blasé et résigné, jette un œil sur les gros titres.
"Mouais ! Toujours les mêmes choses..."
Puis il tourne la page et à nouveau cette mystérieuse chaleur...
Que se passe-t-il ?
Il se sent doucement enveloppé par un halo de chaleur qui le met dans un état de bien être étonnant et troublant.
Gêné, il regarde autour de lui mais les autres usagers sont indifférents à son émoi et ne semblent rien percevoir. Chacun est dans "son" petit monde...
 
 


Une fois la surprise passée, il scrute les pages ouvertes où une succession de messages publicitaires sont imprimés.
Il y en a pour tous les goûts : Véhicules - Maison - TV - Téléphones - Machine à laver - Robots - Voyages - Vêtements - Cinéma - Restaurants - Piscines...
Et puis d'autres mots encore : Carrières - Relations - Amis - Réunions - Club - Coaching - Solitude - Gymnastique - Sports...
Achats/Vente/Consommation/ Besoins... 


Agacé, il tourne la page et là, une photo de deux jeunes personnes assises face à face autour d'une table dans un restaurant attire son attention.
C'est un couple. L'homme et la femme fixent chacun leur téléphone et en pianotent fiévreusement les touches minuscules... 


Tout à coup, miraculeusement, la photo s'anime.
Les deux personnages se lèvent et jettent leur téléphone à toute volée...
Puis les images de la TV, de la maison, des robots, voyages, resto, vêtements ondulent lentement et enfin toutes les images publicitaires se mettent en mouvement pour s'envoler au loin.
A ce moment là, l'homme et la femme de la photo regardent le monsieur et lui disent en chœur :
"Jette le superflu. Lâche ton fardeau et Vis le moment présent"
 
 


 
Puis tout s'efface et le journal se transforme en un paquet de feuilles imprimées sans intérêt...
Le monsieur sort du bus, le regard empreint d'une certaine sérénité comme s'il venait de faire une découverte extraordinaire... Une clef, peut être...

Il abandonne les feuilles sur un banc. 


 
Quelques secondes plus tard, une vieille dame fatiguée, avec un air un peu triste s'assied sur le banc.
"Mmmm ! Comme il fait chaud ici !
Tiens, un journal ! "
Elle le prend, l'ouvre et est aussitôt surprise par une légère vague de chaleur.
Un peu comme si elle se rapprochait d'un feu de bois.
Bizarre !
 

Les deux pages sont couvertes de mots imprimés en gros caractères gras.
La dame réajuste ses lunettes et peut lire :
SOURIRE - JOIE - FRERE - ENSEMBLE - MAIN - COEUR - AMITIE- FEMME - HOMME - SOLEIL - ENFANTS - DECES - AMOUR- SOLITUDE - CHAGRIN - BONHEUR - etc, etc...
Une succession de mots qui lui parlent... de sa vie passée...

Sur la page suivante se trouve une seule photo d'un couple marchant, main dans la main, dans la campagne verdoyante et ensoleillée.
Seuls...
Il s'en dégage une certaine paix...

Et puis la photo s'anime.
L'homme et la femme tournent la tête vers la vieille dame.
Elle semble se reconnaître en plus jeune.
Et l'homme , ne serait-il pas mon...
Le couple d'une même voix prononcent deux mots avec une infinie douceur: "Aie Confiance. Continue ta Vie !"

Puis tout s'efface et le journal redevient un paquet de feuilles imprimées...

La vieille dame qui se laissait un peu dépérir depuis que son vieux mari était parti fut bouleversée par ces mots et décida de se faire un bon plat de blettes, le plat préféré de son homme.

"Et cet après midi, j'irai donner un coup de main aux "Restos du Coeur".
Ils ont toujours besoin de bénévoles..."

"Les feuilles de blettes seront très bien empaquetées dans ce journal." 
 
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vendredi 17 novembre 2017

Quelques citations de Julio Cortazar






 
Instructions pour remonter une montre.

 Là-bas au fond il y a la mort, mais n'ayez pas peur.
Tenez la montre d'une main, prenez le remontoir entre deux doigts,
tournez-le doucement. Alors s'ouvre un nouveau sursis,
les arbres déplient leurs feuilles, les voiliers courent des régates,
le temps comme un éventail s'emplit de lui-même
 et il en jaillit l'air, les brises de la terre,
 l'ombre d'une femme, le parfum du pain.

 Que voulez-vous de plus?
 Attachez-la vite à votre poignet, laissez-la battre en liberté,
imitez-la avec ardeur. La peur rouille l'ancre,
toute chose qui eût pu s'accomplir et fut oubliée
 ronge les veines de la montre, gangrène le sang glacé de ses rubis.
Et là-bas dans le fond, il y a la mort si nous ne courons pas
et n'arrivons avant et ne comprenons pas
que cela n'a plus d'importance.
.
"Cronopes et fameux"
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C'est drôle, les gens croient que faire un lit,
 c'est toujours faire un lit ;
que donner la main,
 c'est toujours donner la main ;
qu'ouvrir une boite de sardines,
c'est ouvrir indéfiniment 
même boite de sardines.
 "Tout est exceptionnel au contraire",
 pense Pierre en tirant
sur le vieux couvre-lit bleu.
.
"Les armes secrètes"
.
 
 
Écoute, je ne demande pas grand-chose,
 seulement ta main, la tenir
 comme une rainette qui dort contente ainsi.
J'ai besoin de cette porte que tu m'offrais
pour entrer dans ton monde, ce petit bout
 de sucre vert, joyeux de sa rondeur.
Me prêtes-tu ta main cette nuit
de fin d'année et de chouettes enrouées ?
 Tu ne le peux pas pour des raisons techniques. Alors
 je la tisse avec l'air, ourdissant chaque doigt,
 la pêche soyeuse de la paume
 et le verso, ce pays d'arbres bleus.
Je la prends ainsi et je la soutiens, comme
si de cela dépendaient
beaucoup des biens du monde,
 la suite des quatre saisons,
 le chant des coqs, l'amour des hommes.
.
"Crépuscule d'automne"
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Julio Cortázar
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(Et si vous souhaitez
 découvrir un peu plus cet auteur,
 vous pouvez cliquer sur ce lien)







mercredi 15 novembre 2017

JEU 30 : Un monsieur prend l'autobus





Un monsieur prend l’autobus après avoir acheté le journal
et l’avoir mis sous son bras. 
Il a aussi acheté un croissant à la boulangerie,
celle qui se trouve  à l’angle de la rue Deschamps. 
Dans le bus, il hésite à manger son croissant.
Il est encore chaud dans le sachet 
et l’arôme qui s’en échappe ne laisse pas indifférente
la gamine qui se trouve à côté de lui.


Il devine son regard gourmand revenir régulièrement vers lui. 
Il pourrait lui proposer le journal,
juste pour voir la moue qu’elle ferait 
— mécontente ? Agacée ? Tragique ? — 
Peut-être le déchirerait-elle avec rage comme ces gosses capricieux
qu’il croise en faisant ses courses.
Quoique elle semble un peu vieille pour un caprice de la sorte
— treize ou quatorze ans, estime-t-il —, 
mais bon, de nos jours allez savoir comment réagissent les jeunes. 

Une demi-heure plus tard, il descend avec le même journal sous le bras.  
Mais ce n’est plus le même journal, c’est maintenant un tas de feuilles imprimées, 
un tas de feuilles dont la dérive des mots filent vers d’autres lieux, 
des lieux qui disparaissent à leur tour, s’abandonnent au vent, 
il n’en faut pas davantage pour que, une fois sa lecture terminée
ce monsieur abandonne à son tour 
le tas de feuilles imprimées sur un banc de la place.

A peine est-il seul sur le banc que le tas de feuilles imprimées redevient un journal, 
comme pour justifier les nouvelles du jour qui s’affichent à la une, 
pour justifier aussi son usage, le journal attend sur ce banc de la place 
où les passants se pressent vers d’autres lieux, 
jusqu’à ce qu’une vieille femme le trouve, le lise et le repose, 
transformé en un tas de feuilles imprimées.

Elle se ravise et l’emporte et, chemin faisant,
elle s’en sert pour envelopper un demi-kilo de blettes, 
qu’elle vient d’acheter chez le primeur, c’est toujours utile les vieux journaux, 
ça se recycle presque à l’infini, c’est aussi ce que pense la gamine qui le dérobe 
sur la table de la cuisine de sa grand-mère,
laissant choir les blettes sur la table cirée. 
« Un journal qui voyage », c’est le sujet d’étude pour son cours d’art. 
La gamine est contente d’avoir de la matière première à sa disposition. 

Un peu plus tôt dans la matinée,
elle a bien tenté de subtiliser le journal du monsieur dans le bus 
mais il paraissait sur ses gardes — il tenait fermement son journal sous le bras 
et tout autant son sachet contenant un croissant, dans sa main. 
Sans doute ne l’avait-il pas encore lu,
elle s’était dit qu’il voulait peut-être manger son croissant 
en lisant le journal, elle l’avait alors imaginé savourer la viennoiserie
en tournant les pages du journal, 
et pensé que finalement c’était mieux de le lui laisser.



Le journal maintenant prend enfin la dimension qui lui convient, 
la gamine use de ses ciseaux dans tous les sens avec dextérité 
et transforme une dernière fois les pages imprimées. 
Au bout de ses doigts, dans le mouvement des ciseaux,
elle crée une multitude d’oiseaux, 
ceux qui partent à l’autre bout du monde quand change la saison. 
Comme les mots, se dit-elle, ils voyagent loin. 
C’est ce à quoi servent tous les journaux 
après avoir subi ces excitantes métamorphoses.
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mardi 14 novembre 2017

JEU 30 : Rencontre à l'abri-bus

 
Jeu 30 : Deuxième proposition
 
 
 


Elle: - Dites, vous savez quand passe le prochain bus ?
Lui : - Dans 20 minutes, il me semble...
- Hum...ça va être long, avec le temps qu'il fait...
- Je vous prête un bout de parapluie, si vous voulez...
- Eh bien ce n'est pas de refus...je vous remercie. Le parisien n'est pas aimable d'habitude, ça fait du bien de rencontrer des gens qui ont encore un peu d'humanité.
- Il y en a encore, je vous l'assure...Et puis l'étudiant n'est pas pressé, fin juin...
- Ah bon, vous êtes étudiant ? Vous avez déjà passé vos examens ? Et qu'est-ce que vous faites de vos journées, si ce n'est pas indiscret ?
- Et bien, je me promène, je visite la ville, je vais dans les musées...et puis bientôt, j'irai passer quelques jours à la montagne, pour me reposer et faire le point...
- Hummm...je vois. je me souviens de cette période...la fin des études...une vraie libération  ! Enfin, temporaire, à vrai dire...parce qu'après, il faut intégrer le monde du travail...et ça , c'est une autre histoire...Tiens, je crois que mon bus est arrivé. Et le soleil est revenu ! Merci encore pour votre gentillesse...je vous souhaite de bonnes vacances...
-  Je vous en prie, tout le plaisir fut pour moi...
 
 Il ne ment pas, il n'a pas vu passer les vingt minutes...tout occupé à observer la courbe de ses joues et son délicieux sourire...Quel âge peut-elle avoir ? Vingt-cinq, vingt-six ans ?
Elle monte dans le bus...et c'est à ce moment-là que le jeune homme aperçoit un objet tombé sur le trottoir. Un grand carnet bleu.  Format A4.
 
 - Attendez, attendez...!!!
Le bus est sur le point de partir. Il se jette sur la porte et réussit à monter in extremis. Mais il y a tellement de monde qu'il reste coincé au niveau du conducteur, sans pouvoir avancer. Le bus démarre. Quatre mètres plus loin, l'inconnue lui tourne le dos et regarde dans l'autre sens...elle ne l'a pas vu . Il jette un rapide coup d'œil au carnet. La couverture épaisse est barrée par un élastique. Hum...trop tentant. Il essuie de la manche les quelques gouttes qui luisent, écarte l'élastique et feuillette rapidement les pages, sur lesquelles on a collé une dizaine de textes courts édités à l'ordinateur.
On dirait un journal...oui, c'est ça...un journal intime...Sur la première page, un prénom s'étale en lettres majuscules : Marianne.
Ah, mais voilà que le bus stoppe déjà. En levant les yeux, il l'aperçoit qui descend. Tout excité, il s'apprête à faire de même quand soudain...un grand échalas d'un mètre quatre-vingt-quinze enlace la belle par la taille et se met à l'embrasser fougueusement...
Gêné, il hésite quelques secondes.
En arrêt entre la porte coulissante et la rue. En suspens.
Alors, vous descendez ou pas...?  grogne le conducteur.
- Euh...non...finalement, je ne descends pas...
- Faut savoir...j'suis pressé moi...c'est mon dernier trajet...l'équipe de remplacement m'attend.
L'étudiant échaudé se rassoit. Pas de chance. Pas de chance.
Heureux aux examens...malheureux en amour, comme dit un de ses copains.
Il reste encore là une demi-heure, assis sur son siège usé, à lire distraitement des textes d'amour et des poèmes...qu'il aurait rêvé de recevoir ...
Et puis il descend en face du  musée d'Orsay et...ne sachant plus trop qu'en  faire, se résout à abandonner  le cahier bleu sur un banc.
 
Cinq minutes plus tard, une vieille dame s'assied sur ce même banc. Elle trouve le journal et l'ouvre...
Zut ! Elle n'a pas ses lunettes...Quel dommage...Elle le repose.. puis elle se met à fouiller dans son grand sac de courses...et s'aperçoit que le sac en papier des blettes s'est déchiré.
Alors, elle arrache une à une les feuilles imprimées du journal et reconstitue l'emballage comme elle peut ...en se disant qu'un carnet comme celui-là, c'est bien utile et que les feuilles blanches qui restent seront bien pratiques...pour noter ses futures embplettes.
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La Licorne
 
 
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P-S: Pour m'amuser  j'ai ajouté un "jeu dans le jeu" : 
saurez-vous repérer les 10 noms de journaux 
qui se sont "glissés" dans le texte ? ;-)