Dernières nouvelles de Noé
de l'arche...et du chat
Laissant septembre s’enivrer de l’actualité changeante,
nous aborderons des sujets moins frivoles.
Tels que Noé, son arche et le chat.
Les premiers remontent à la plus haute antiquité.
Les sixième et septième chapitres de la Genèse en font foi.
Cela n’est pas rien : le chat, lui, probablement créé un jour avant l’homme,
n’y est mentionné nulle part. Cette omission du chat étonne ?
Laissons le chat sur son coussin. Revenons à l’arche.
La météo de ces dernières semaines nous y incite.
A ses moments perdus – ce sont les plus précieux –
l’homme d’aujourd’hui – en existe-t-il un autre ?-
trouvera dans l’arche bien des sujets de réflexion.
Disons-le tout net, sa construction n’en est pas un.
Noé reçut, en même temps que la commande divine, un cahier des charges
précisant la distribution intérieure, les dimensions et les matériaux :
soit tant de coudées de long, tant de large et tant de haut ;
du bois résineux enduit de poix ou de goudron pour l’étanchéité
– le pompier de service dut avoir à redire à cette association peu ignifugée,
mais en temps de déluge qui songe à crier au feu ? –
et peut-être mangea-t-on froid pendant la croisière.
Cette arche, le savant jésuite Athanase Kircher
– par ailleurs inventeur de l’orgue à chat, il fallait y penser –
lui consacre un petit opuscule de 256 pages
publié en 1675 à Amsterdam par le gendre de l’éditeur
et cartographe Jan Janszon
des vivres, du traitement des déchets et autres menus soucis
que la gestion de ce zoo flottant devait poser à son capitaine.
L’ouvrage de Kircher est si complet que rien de plus récent
n’a été publié sur cette question – c’est dire –
et le lecteur pressé et bricoleur gagnera à s’y plonger.
Mais alors, quels sujets de réflexions l’arche offre-t-elle encore
à l’homme et à la femme d’aujourd’hui ?
Laissons aux savants la grave question de savoir où se trouverait l’arche.
Le certain est qu’on ne la trouve guère où on la cherche,
le plus souvent aux alentours du mont Ararat ;
mais il parait qu’on la voit et qu’on la visite aujourd’hui dans le Kentucky.
Ne gagnerait-on pas du temps en regardant où on ne la cherche pas ?
Par exemple, sur les flancs du Puy de Dôme,
aussi dignes de ce rôle que d’autres plus pentus.
Les curieux y trouveraient des facilités d’hébergement appréciables
et l’auvergnat un revenu certain.
L’homme et la femme d’aujourd’hui s’inquiéteront plutôt
du sort des animaux embarqués comme aliments
pour leurs congénères carnassiers : sauvés du déluge
pour être mieux boulottés avant la décrue !
Attendant l’autobus, ils deviseront aussi du devenir des poissons :
nulle place dans l’arche pour eux !
On arguera certes qu’ils sont déjà dans l’eau,
mais il faut songer aux forts courants induits par la montée des eaux,
au changement du taux de salinité de l’eau, aux ruisseaux débordants,
aux lacs mis en communication avec les océans…
autant de désastres écologiques en puissance.
L’imaginatif Kircher nous offre même, page cent-cinquante-cinq,
le spectacle de monstres marins suffoquant,
rejetés hors de l’eau par l’abondance même de cet élément !
Ils s’interrogeront enfin sur le grand massacre silencieux des plantes et des arbres.
Ceux que le déluge submerge, certes.
Celles que Noé embarque, fourrage et aliment pour ses bestiaux.
Et enfin ceux qu’il abat, ébranche, écorce, tronçonne en planches,
poutres et madriers pour faire le corps même de son vaisseau.
Kircher même ne s’avance guère sur ce point,
Il ne dit rien non plus sur ce que faisaient les animaux dans l’arche.
Vue la place impartie, ils ne devaient guère jouer à chat perché.
Ils patientaient sans doute, s’aidant probablement d’énigmes et de devinettes.
On voit par là combien de langues le chat du bord
(et il devait y en avoir un, ne fusse que pour faire trotter les souris)
dut recevoir en gage.
Les rendit-il en débarquant ?
On ne sait.
A l’heure qu’il est, il dort sur son coussin et se tait.