samedi 28 décembre 2019

Le monde à l'envers


Pour l'atelier Mil et Une


"Image au choix"
Sujet 17/2018




Vous voyez cette devanture défraîchie ?
Là, juste au bout de la rue du Cloporte...
Eh bien, poussez-en donc la porte,
et vous serez surpris !

On m'a raconté, et cela de source sûre,
Que dès qu'on franchit le seuil
De cette vieille masure
On voit tout d'un autre œil...

On entre pour ainsi dire
Dans un monde nouveau
Un monde de délire,
Un monde de bas en haut

On y entre à pas feutrés,
On ouvre un livre aux feuilles cornées
On y plonge sans bruit
Comme en catimini

Et là, en terre imaginaire
Se dévoile tout un univers
Dans lequel peu à peu on perd
Tous ses repères
 
Les enfants y éduquent, avec grande patience, leurs parents
Les adolescents ne sont jamais mécontents,
Les femmes décident et les hommes font le ménage
Les pauvres se reposent et les riches partagent...

Les professeurs apprennent de leurs élèves
Les juges tentent de vider les prisons
Les médecins vous écoutent sans trêve
Les marchands retrouvent la raison

Les lions sont plus doux que les agneaux
Les cheminées crachent des pères noël
Les vieillards dansent le tango
La Nature, chaque jour, est plus belle

Comment ça, vous n'y croyez pas ?
Alors, tant pis pour vous, restez sur le trottoir !
Moi, je vais y rentrer à petits pas...
Juste histoire de voir...

De voir si l'impossible peut devenir possible
Si  la magie peut se faire tangible
Si les mots peuvent créer le monde
Et faire danser une autre ronde

Une ronde dans laquelle les livres
Et leurs histoires renversantes
Créent quelque chose qui vous délivre
Quelque chose qui vous réenchante...

Vous voyez cette devanture défraîchie ...
Là, juste au bout de la rue du Cloporte ?
Il paraît que derrière cette vieille porte,
On réinvente la vie !

.
La Licorne
.
 


lundi 23 décembre 2019

Jours de deuil


Pour l'atelier "Des  lettres pour un mot"

Les 12 lettres étaient :

A I I E U Y S N T Z M Q

avec la définition suivante : 

terme de chimie : qui empêche la fermentation

 J'ai trouvé : ANTIZYMIQUES

 

 

 

Il est des jours de tsunami...
des jours anti-musique
des jours tellement gris
que mille antizymiques
ne pourraient empêcher
la fermentation du chagrin
des jours où ceux que vous aimiez
quittent d'un coup votre chemin
des jours où vous vous réveillez
au creux d'un vide sans fin
ils sont partis trop tôt
ils sont partis trop loin
le manque vous transperce les os
dans le petit matin
vous entendez leur rire
leurs petits mots taquins
et tant de souvenirs
qui n'ont plus de demain...
coulent les larmes
sur ce que vous taisiez
d'un coup tout vous désarme
et vous laisse hébété(e)
Il est des jours de tsunami
et de détresse intime
où quand sonne minuit
un seul détail infime
vous jette au fond du puits
en de longues minutes
de vérité sans masque
l'absence vous azimute
et puis vous colle aux basques
elle vous remue profond
elle fouille dans vos fêlures
vous mène en déraison
au bord de la rupture
elle manie l'illusion
semant maintes fractures...





...jusqu'à ce que la Vie
vous rattrape un beau jour

...que vienne l'amnistie...
et de l'aube, le retour...



La Licorne 


(texte dédié aux familles de deux amis chers, 
tous deux décédés récemment d'un cancer)


mercredi 18 décembre 2019

Minuscule histoire sur le marché de Noël


Pour l'atelier  d'écriture Treize à la douzaine


Le soleil vient juste de se coucher sur Strasbourg. Sous l'éclairage clignotant d'une guirlande, deux petites souris grignotent avec ardeur les ficelles dorées d'un gros paquet...

- Stop ! Allez vous restaurer ailleurs ! crie le responsable du stand ...en les chassant à grands coups de balai. Une vraie calamité, ces bestioles... susurre-t-il à son confrère, occupé à vendre des cygnes et des anges de cristal, dans son édicule de bois installé sur la grand place de la cathédrale.


- Ne m'en parlez pas !...réplique ce dernier, agacé. Hier, elles ont "entamé" les deux sapins vernis électrifiés qui me servent de présentoir. Et depuis, la vidéo de simulation que j'avais installée à l'arrière du stand ne fonctionne plus ! Alors, si vous avez une idée pour me débarrasser de ces rongeurs, je suis preneur...et je suis même prêt à vous offrir un verre de vin chaud en récompense !

- Eh bien, je vais y réfléchir, cher ami... Je ne sais pas si j'aurai l'idée du siècle à ce propos... Comme vous, je suis nettement plus à l'aise avec les "souris" informatiques... :-).  Mais, étant donné les circonstances et le froid qui sévit aujourd'hui, je vous propose de le partager tout de suite ce verre, ce sera déjà ça de pris !

Attendez-moi une minute : je vais de ce pas chercher deux gobelets auprès du vendeur d'en face... 
Allez, à la vôtre, cher voisin d'infortune...

et Joyeux Noël !
La Licorne




Il fallait placer les douze mots suivants :
 
1  calamité
2 vernis
3 édicule
4 récompense
5 stop
6 circonstance
7 simulation
8 cygne
9 ficelle
10  souris
11 éclairage
12 soleil



et le 13ème pour le thème  : partage




mardi 17 décembre 2019

AI et Jeu 52 : Instructions pour naviguer jusqu'au bout de l'an



Participation à l'Agenda ironique de décembre
mis à flot par ...Carnetsparesseux.


Rappel de la consigne :
 
il fallait raconter un voyage 
à partir d’un détail de l’Atlas nautique du monde 
de Joan Martines,
 avec un zeste d’ironie, deux dates
et six mots obligés : 
Noël, échelle, demain, livre, gouffre et tatillon.
 




Instructions pour naviguer jusqu'au bout de l'an


Chers Moussaillons,

Dans ce voyage d'un bout de l'année à l'autre, 
vous voici donc pratiquement arrivés à bon port...
Dans quelques jours, vos embarcations accosteront
sur la douce île de Noël
située à quelques encâblures
de la côte du Nouvel An.

Vous qui n'aviez ja, ja, jamais navigué
en dehors de votre petite mer natale
vous avez néanmoins tous répondu à l'appel du large,
et voilà que vous vous apprêtez, à partir du premier janvier,
à quitter la Mé-mé-méditerr-Année
pour affronter les dangers du vaste Océ-An de Deumilvin

Laissez-moi vous féliciter pour les progrès effectués
durant les dernières semaines et vous donner quelques conseils 
pour la grande traversée de 366 jours qui se profile ...
traversée pour laquelle vous avez tous été
soigneusement sélectionnés.

Quelle que soit votre embarcation 
(caravelle, navire, voilier ou...galère),
sachez que vous ne manquerez pas
de subir les aléas de tout voyage
en "Merra incognita"...

Je sais bien que chacun d'entre vous rêve 
de brises légères, de grand soleil...
et d'îles paradisiaques...
mais l'expérience montre que ce n'est guère réaliste...

En tant que capitaine expérimenté, j'ai la désagréable mission
de vous faire part des dures réalités de la navigation en plein océan :

Attendez-vous à la présence de vents contraires,
et à des tempêtes imprévues...
Ne sous-estimez pas les risques de possibles voies d'eau dans la cale
et de rencontres de mammifères marins malintentionnés,
voire de "requins" en tout genre.



Préparez-vous aussi à de longues périodes de "calme plat"...
pendant lesquelles votre patience pourrait être mise à rude épreuve.

Il serait d'ailleurs bon d'avoir quelques livres dans vos bagages,
le temps vous semblera ainsi moins long...
et vous résisterez mieux aux "sirènes" de l'angoisse 
et au gouffre du découragement...

 Une plume aiguisée vous sera également utile :
elle vous permettra de consigner au jour le jour
vos aventures sur le carnet de bord...



 
Quelles que soient les circonstances
ne vous endormez pas, restez vigilants...
et n'oubliez jamais que tôt ou tard
vous trouverez une terre d'accueil...

Si vous vous sentez vraiment perdus,
déployez vos voiles en grand...
et laissez les anges vous "souffler"
de délicates inspirations...




Visez à tout moment les étoiles,
gardez le cap...et ayez toujours
la carte de mon ami Joan Martines
à portée de main...

Consultez-la régulièrement ...

Elle est parfaitement à l'échelle,
tracée avec grande minutie
(vous savez à quel point
ce cher homme est tatillon)
et c'est elle qui sera, si vous le voulez bien,
 votre repère indéfectible
jusqu'au 31 décembre...




Mais attention :
lorsque vous voudrez faire escale,
veillez, je vous en prie,
 à ne pas jeter l'encre n'importe où :
évitez les endroits inhospitaliers...
et choisissez  de préférence
un site de confiance...

Je vous en indiquerai volontiers un ou deux...
aux alentours de l'Isle de France (*).
On y trouve, paraît-il,  de "drôles d'oiseaux",
tous avantageusement "emplumés",
qui, une fois par mois, se retrouvent
pour d'épiques ébats lit-terre-air...
;-)




Bon...maintenant, il convient, je pense,
d'arrêter ce flot de recommandations en tous genres...
et de vous souhaiter bonne chance ...
pour ce grand périple mari"time"
(à prononcer à l'anglaise :
"mari-taïme" :-)

Allez, moussaillons,
larguons les amarres :
"cap sur 2021"..."hissez haut !"...
et "que Dieu vous protège" !
.

Vice-amiral 
Wybrand van Warwijck

.





(*) L'isle de France n'est autre que l'ancien nom de l'île Maurice,
île sur laquelle le vice-amiral Wybrand van Warwijck
découvrit, en l'an 1598, le fameux...dodo !
.



vendredi 13 décembre 2019

JEU 52 : Instruction pour rêver d'en rire

 

 

Instruction pour rêver d’en rire

 

Installez-vous confortablement
Partez en nuage
Oubliez sur terre vos bagages
A grandes cuillerées, dégustez pains en douce folie
Ouvrez grand vos bouches en oreilles
Planez en sourires
L’air en mélancolie transformée, fleur sage déboutonnez
N’ayez crainte de faner, sagesse envolée,
Coeur débordé, fêtez-vous en légèreté
Baillez à respirer l’arôme nouveau,
Sentez vous bergamote et joli papillon
De branches en branches, d’une envolée soyez liane,
Jungle des sentiments étouffés, décrochez ces instants cauchemars
Libre regardez-vous
Offrez-vous ce sourire enguirlandé de rires
Cadeau de vie, la vôtre, soyez comme vous êtes.
.
.


mercredi 11 décembre 2019

AI et JEU 52 : Instruction pour un corbeau





Au pied de l’arbre, le renard agite la carte.
Où se l’est-il procuré ? Est-ce bien nécessaire de préciser ce point ? On a déjà dit combien il était rusé, filou, astucieux, retors, et bien d’autres choses encore. Sans compter qu’il peut aussi l’avoir acheté, ou même que quelqu’un la lui a offerte. Bref, il brandit sa carte et vante à l’adresse du corbeau les beautés de l’instruction !
« Voir le monde, apprendre, voilà ce qui est beau, Corbeau : le monde est vaste, tu ne vas tout de même pas rester toute ta vie perché sur un arbre ! »
C’est peu dire qu’il est enthousiaste : il pointe une à une les villes et leurs petits – et grands – drapeaux, les îles, les côtes zigzagantes, les fleuves et les monts.





Où aller en premier ?
Les campagnes, les collines, les montagnes ? on connait déjà. Les villes si pimpantes sous leurs si jolis drapeaux, leur toits et leurs clochetons sont plus tentantes. Et puis on lui a rapporté qu’il y avait là des bibliothèques remplies de livres – là-dedans, il parait qu’on peut apprendre à lire et à compter : de l’instruction condensée ! Mais les villes sont closes de toutes parts d’épais remparts veillés par de hautes tourelles. Il faudrait une longue échelle pour passer par-dessus. Certes, il y a des portes que franchissent des charriots emplis de vivres, de tissus, d’or et d’argent. Mais aux portes il doit y avoir des gardiens tâtillons, sans parler des bobinettes et des chevillettes, des verrous et des cadenas. Il faudra certainement montrer patte blanche à l’huis. Un demi-sourire : ce serait facile pour lui, qui a plus d’un tour dans son sac. Mais soupire : quoi, encore berner les gens ? Non, désormais, il veut vivre honnêtement et partager en frère : l’instruction, c’est la seule chose au monde qui augmente quand on la partage !

Le corbeau reste coi. Renard reprend : il y a aussi les distances : la carte est toute petite tandis que le monde est vaste. Lui, renard, s’userait en vain les coussinets… Bien sûr, il pourrait se laisser porter par l’eau, descendre les fleuves impassibles. Mais là, il doit avouer qu’une vague crainte de peaux-rouges le retiennent. Alors, franchir les côtes, voguer sur le grand océan, regarder les grands poissons qui soufflent et plongent ? Voilà qui serait nouveau. Mais il faut avoir le pied marin. Ou des ailes.
Toujours coi, le corbeau, en proie à une curieuse impression de déjà-vu. Le renard poursuit : longer les rivages, aller au bout du monde pour rendre visite aux cousines bêtes qui campent dans les marges. Et, là, jeter un coup d’oeil au delà des marges : qu’il y a-t-il après la carte ? un gouffre ? d’autres cartes ? D’y penser le vertige le prend. Il se surprend à chuchoter e pericolo sprogersi… puis s’exclame :

« Ah, compère Corbeau, vois comme les choses sur cette terre sont bien mal partagées : d’un vol plané, tu pourrais tout savoir de la diversité du monde et de sa forme, et tu te bornes à attendre Noël planté sur cette vieille bûche qui te sert d’arbre ! Tu pourrais faire cela pour moi.
Moi, si j’avais tes larges ailes noires au lieu de mes quatre maigres pattes rouges, je partirais avant demain, j’irais là, là et là (il pointe de sa patte les dessins sur la carte) et je reviendrais vite te raconter ce que j’aurais vu ! »

A ces mots, le corbeau, qui sait d’expérience que le monde est rond et crémeux et non pas sec et plat comme la fallacieuse carte qu’agite ce benêt rouge, ouvre son large bec pour détromper son malheureux compère.
On connait la suite.

Carnets paresseux 



mardi 10 décembre 2019

AI et JEU 52 : Instructions pour voyager


 pour l’Agenda Ironique de décembre. 
Il a eu la bonne idée de récapituler la consigne: 
un voyage inspiré de l’atlas de Joan Martines, 
deux dates, six mots avec une demi-douzaine de liens,
et j’en ai retenu un, celui des instructions élémentaires. 



Voyage au bout de l'an

Instructions pour voyager


N’emportez pas une échelle même si elle est en graphène, c’est juste trop volumineux, et prévoyez de revenir avant Noël, ou partez après. On ne sait jamais si les rennes cette année avaient enfin l’idée de venir avec the red guy et le traîneau rempli de cadeaux ce 24 décembre, ce serait dommage de les manquer. J’espère simplement que vous n’avez pas prévu partir demain, parce que là c’est trop tard pour lire attentivement les instructions qui suivent et trop tôt pour préparer minutieusement votre matériel et votre esprit.
Étalez d’abord quelques cartes routières récentes sur la table et observez. Ah vous n’en avez pas, et bien il faudra faire sans. Un petit conseil, ignorez celles où les villes sont trop visibles, nombreuses et très étendues, repliez-les immédiatement car vous n’aurez pas l’impression de changer de capharnaüm habituel et finalement ce sera un gouffre financier pour votre bourse.
Regardez plutôt celles qui présentent de grandes étendues, où vous pourrez aller respirer et vous détendre. Et si toutefois quelques lieux notés vous inspirent, c’est là qu’il faut aller ou fermer les yeux et écouter.

Si quelques signalisations de sites et châteaux sont mentionnées, votre séjour n’en sera que plus intéressant. Soyez attentifs et respectueux des lacs, rivières, littoraux… L’eau est précieuse, autant que des diamants ou les étoiles. L’ambiance doit être agréable et les points de vue magnifiques. Toutefois, sans être trop tatillon, préférez un seul littoral visible à la fois, sinon vous risqueriez de choisir une île et vous en aurez vite fait le tour. Méfiez-vous d’une région de lagune où la bande de terre est étroite et étriquée voire même infestée de moustiques, et là… Vérifiez que votre trousse à pharmacie soit bien dans votre sac et facilement accessible. Quoique… si vous partez avec des amis, il en auront sûrement une aussi, alors laissez tomber la trousse, et votre sac en sera moins lourd.
Ne vous encombrez pas inutilement et déchargez immédiatement vos objets et ustensiles qui vous paraîtraient superflus. Et si vous êtes vraiment avec de bons amis, vous partagerez facilement entre vous ce qui manque à l’un ou l’autre.

Ah oui, un truc important à connaitre, car il y a toujours un moment où l’atmosphère est malgré tout plus ou moins électrique. Apprenez à chanter pour divertir et calmer les plus énervés. Ou jouer de la guitare mais là, il faudra la transporter, et c’est fragile et encombrant. Alors apprenez à souffler dans un harmonica, et peut-être même que vos amis vous féliciteront pour votre sens pratique et votre don de musicien.

Une dernière chose. N’emportez pas de bijoux, vous risqueriez de les égarer. Après tout, si vous partez c’est pour faire de jolies rencontres. Et tisser des liens avec les autochtones seront toujours possibles. Ils vous offriront bien un souvenir du pays, et s’ils vous donnent le choix, optez  pour un bijou. N’acceptez pas n’importe quoi, restez vigilant sur le volume et le poids… et l’effet beauté bien sûr. Si besoin, vous pourrez le refiler à quelque de vos amis pour un service rendu, ou si l’ambiance et électrique à cause de vous et que vous n’auriez pas eu le temps d’apprendre à chanter ou à jouer d’un instrument. Voilà, vous êtes prêt.

Repliez votre carte quand vous aurez fait le choix de votre destination et glissez-la dans votre sac, réservez vos billets ou faites le plein d’essence, à votre convenance, car on peut très bien voyager pas trop loin de chez soi. Surtout faites bon voyage.

Dans le cas où vous n’auriez pas envie de voyager seul et que vous n’auriez pas encore décidé vos amis pour vous accompagner, griffonnez joliment un message mystérieux. Emballez cette carte-trésor dans un papier cadeau comme vous le feriez pour un livre à offrir. Et déposez ce paquet dans la main de quelqu’un qui vous la tendra dans la rue un soir de ce mois.
Faites-le. Avant le 31 décembre. Et qui sait ? il appréciera votre geste, et je suis pratiquement sûre qu’il vous offrira un sourire en retour.






dimanche 8 décembre 2019

Une histoire vraie


Participation au jeu de Lilousoleil :
"Des lettres pour un mot"




De l'avis général, je fus un "beau bébé".
 Ventre grassouillet, joues rebondies, fossettes triomphantes :
 je faisais honneur à ma mère et à ses qualités nourricières. 
Son lait généreux et débordant me transforma en quelques mois à peine 
en un petit bouddha replet et repu, qui exhibait fièrement ses formes 
et qui laissait, sur le plan de la croissance, 
tous les autres nourrissons de la région loin derrière.

Au début des années soixante, 
époque où l'on ne plaisantait pas avec les vertus maternelles 
et où l'on se souvenait encore des jours faméliques 
de la deuxième guerre mondiale, 
je partais avec un avantage certain sur mes camarades. 
A deux ans, je les dépassais tous d'une tête.

Pourtant, par un de ces mystères 
que la vie vous réserve parfois,
ce splendide appétit s'émoussa d'un coup 
vers l'âge de cinq ou six ans.
A l'âge où l'on a envie de quitter le giron maternel,
je me mis, pour une raison que j'ignore,
à inverser mon rapport à la nourriture.
Alors que jusque-là, je croquais la vie à pleines dents,
je commençai à regarder mon assiette d'un air sceptique.
Tout ce que j'adorais auparavant me sembla soudain sans attrait.

  Tel un pigeon indécis, 
je me mis à picorer de ci-de là,
une miette à la fois.
Du pain, je ne voulais plus que le croûton.
Du poulet rôti, je ne goûtais qu'une moitié d'aile,
que je suçais pendant trois-quarts d'heure, 
comme le chien rogne son os au fond de sa niche.

Je ne supportais pas qu'on me serve 
plus d'une cuillerée à la fois. 
Mais, quelques minutes plus tard,
il n'était pas rare de me voir "piocher",
fourchette en avant, quelques petits morceaux
dans le plat. 

A chaque fois, cela mettait mon père 
dans une colère noire :
que je picore dans mon assiette, passe encore,
mais "chiper" dans le plat familial,
c'était hors de question.

Croulant sous les reproches, 
je m'enfuyais alors, avant la fin du repas,
dans le recoin le plus proche,
en serrant mon poing dans ma poche.

En proie à l'incompréhension familiale, 
je me murai dans le silence,
et, en réaction à l'orgie alimentaire d'autrefois, 
je mangeai de plus en plus parcimonieusement.

A sept ans, j'étais devenue longue et osseuse.
Tel le héron de la fable, 
je dédaignais la plupart des plats qu'on me proposait
et j'avais fait du grignotage "pingre"
mon mode habituel de fonctionnement.

Je n'étais plus alors que la pâle copie de moi-même.
Cela faisait longtemps qu'Oncle Henri avait cessé
de me "pincer" les joues...
et de temps à autre, on me faisait remarquer
que ma copine Corine,
autrefois frêle comme le roseau, était maintenant 
deux fois plus imposante que moi.

Ce comportement d'opposition dura jusqu'à l'adolescence.
Jusqu'à ce que, vers douze ou treize ans,
je découvre les joies de la cantine du collège...
Loin de la pesanteur du regard familial,
je redevins moi-même...
et je me réconciliai rapidement
avec la nourriture.

A quatorze ans, 
je mangeais à nouveau de tout, 
sans problème.
Mon époque "anorexique" 
était définitivement derrière moi.

Mais pour être tout à fait honnête, 
 j'avoue que j'aime encore, 
entre la poire et le fromage, 
"pignocher" un peu
dans le plat...
.
La Licorne
.



Règle du jeu :
Les mots en gras ont été créés
à partir des lettres suivantes :

mercredi 4 décembre 2019

JEU 52 : Instructions pour survivre à la mort de son mari






Ecouter les paroles de réconfort
Mais pas les formules à ressort
Que tu te prends en plus du reste
En pleine figure

Ecouter les conseils d’une oreille
Garder une pincée de celle
Ci et laisser de côté les critiques
Du mort et de celle qui reste

Ecouter ta voix qui me murmure
Encore que je suis belle et forte
Et qu’ensemble
C’est plus fort que la mort
.
.



dimanche 1 décembre 2019

JEU 52 : Instructions élémentaires


MERCI aux participant(e)s de novembre...

Je tiens vraiment à rendre  hommage...à vos hommages ,
et à votre façon, toujours inattendue et personnelle,
de traiter les sujets que, dans ma solitude plus ou moins inspirée,
je  laisse tomber sur la page, chaque premier du mois...

C'est toujours un plaisir énorme de vous lire.


Ceci dit, la fin de l'année approche,
et encore une fois,
je me suis trituré les méninges
et je me suis demandé,
la tête entre les mains,
ce que je pourrais bien vous proposer...
comme point de départ
pour entamer une nouvelle aventure scripturale...





Et si, ce mois-ci, nous partions un peu...
en déraison ?
Dans ce pays où tout est possible,
 dans ce pays où le probable et le certain
n'ont plus cours...
et où la poésie côtoie sans cesse
le bizarre et le loufoque ?

Ce pays de "douce folie",
c'est le pays de Julio Cortazar...
Oui, oui, vous connaissez ce nom, 
vous l'avez déjà croisé une fois dans ce blog,
c'était ICI.

Aujourd'hui, je vous confie trois de ses textes,
(à lire lentement et la bouche fermée)





Instructions pour monter un escalier (extrait)

Les escaliers se montrent de face 
car en marche arrière ou latérale ce n’est pas particulièrement commode. 
L’attitude la plus naturelle à adopter est la station debout, bras ballants, 
tête droite mais pas trop cependant 
afin que les yeux puissent voir la marche à gravir, 
la respiration lente et régulière. 
Pour ce qui est de l’ascension proprement dite, 
on commence par lever cette partie du corps située en bas à droite 
et généralement enveloppée de cuir ou de daim et qui, sauf exception,
 tient exactement sur la marche. 
Une fois ladite partie, que nous appellerons pied pour abréger, posée sur le degré, 
on lève la partie correspondante gauche (appelée aussi pied mais qu’il ne faut pas confondre
 avec le pied mentionné plus haut) et après l’avoir amenée à hauteur du premier pied, 
on la hisse encore un peu pour la poser sur la deuxième marche 
où le pied pourra enfin se reposer, tandis que sur la première le pied repose déjà. 
(Les premières marches sont toujours les plus difficiles,
 jusqu’à ce qu’on ait acquis la coordination nécessaire. 
 La coïncidence des noms entre le pied et le pied rend l’explication difficile. 
Faites spécialement attention à ne pas lever en même temps le pied et le pied.
Parvenu de cette façon à la deuxième marche, 

il suffit de répéter alternativement ces deux mouvements 
jusqu’au bout de l’escalier. 
On en sort facilement, avec un léger coup de talon
 pour bien fixer la marche à sa place et l’empêcher de bouger
 jusqu’à ce qu’on redescende. 





Instructions pour chanter

Commencer par casser tous les miroirs de la maison, 
laissez pendre vos bras, regardez vaguement le mur, oubliez-vous. 
Chantez une seule note, écoutez à l'intérieur.

Si vous entendez (mais cela ne se produira que plus tard) 
quelque chose comme un paysage plongé dans la peur, 
avec des feux entre les pierres, avec des silhouettes à demi nues et accroupies
je crois que vous serez sur la bonne voie, de même si vous entendez
 un fleuve où descendent des barques peintes de jaune et de noir, 
si vous entendez une saveur de pain, 
un toucher de doigt, une ombre de cheval.

Après quoi, achetez des partitions, un habit et, de grâce,
 ne chantez pas du nez et laissez Schumann en paix. 
.

 Julio Cortazar
"Cronopes et Fameux"
.






Voilà c'est fait ?
Vous avez réussi l'exercice ?
Alors , c'est bon, vous êtes fins prêts
pour le  défi de ce mois...;-)

Voilà de quoi il s'agit :

A votre tour, vous écrirez 
vos "Instructions pour...."
ce que vous voulez...


Utilisation impérative...de l'impératif
...et fantaisie recommandée.



Envoi de vos textes 
à undeuxtrois4@orange.fr
avant le 21 décembre 2019
.

La Licorne
.




mercredi 20 novembre 2019

JEU 51 : Requiem pour un f....

 



C'est vendredi matin 
que ces deux types en noir t'ont emmené...

Pendant plusieurs minutes, 
j'ai regardé en silence
le lourd parallélépipède fermé 
quitter la maison sur leurs épaules...
je les ai regardé le déposer
précautionneusement
à l'arrière de leur fourgon,
et c'est là j'ai réalisé
que je ne te reverrais plus.

La  tendre chaleur qui émanait de toi 
n'est déjà plus qu'un souvenir.
Je réalise soudain que plus jamais,
lors des longues soirées d'hiver, 
je ne me rapprocherai doucement de toi 
pour me réchauffer
et pour m'imprégner de ton odeur rassurante.
Pas facile à accepter. 

 D'autant que tu t'es éteint d'un coup. 
Sans prévenir.
Il est vrai que ces derniers temps,
j'avais remarqué que tu fumais de plus en plus..
et que tu montrais certains signes d'épuisement...
une résistance plus faible....
mais de là à imaginer que c'était la fin...
Non.
Je n'y avais pas pensé.
Je n'étais pas prête.

Après vingt ans, 
nous étions parfaitement habitués l'un à l'autre.
C'était une douce habitude, un compagnonnage...
je te connaissais dans les moindres détails...
et je savais que je pouvais compter sur toi.

Tu me rendais tant de services
que je ne manquais pas une occasion
de faire ton éloge et de vanter tes mérites
à ceux qui passaient à la maison. 

Aujourd'hui, pour me consoler, 
on me dit que tu étais déjà très âgé, 
que je trouverai bien à te remplacer...
que d'autres sont bien meilleurs que toi.
C'est dur à entendre, tu sais...
Ceux qui disent cela ne te connaissaient pas,
et ils n'ont aucune idée de tout ce que tu as fait 
pour moi pendant ces longues années. 

Je me souviens
de tous les délicieux petits plats 
que tu m'as préparé tant de fois :
poissons en papillotte, gratins en tous genres,
tartes au fromage blanc et gros gâteaux moelleux...
et j'ai la larme à l'oeil...
en même temps qu'une drôle de sensation
au creux de l'estomac...

Allez, je peux bien te le dire maintenant :
je t'appréciais vraiment...
mon vieux four...
Qu'est-ce que tu vas me manquer !
.

La Licorne
.



  

lundi 18 novembre 2019

JEU 51 : Adieu l'écriture




Cette fois, c’est décidé, j’écris ! L’ami qui m’a déposé dans cette  maisonnette perdue en pleine campagne avec un carton de nourriture doit passer me rechercher dans dix jours. Il fallait quitter la ville : je connais trop les pièges des bibliothèques, emplies de livres qui me narguent, et des cafés où l’on espère glaner des « pépites brutes de vraie langue de tous les jours », excuse fallacieuse qui amène à prendre en sténo les conversations ineptes des pauvres types des tables voisines. Quant à écrire chez moi, plus jamais ! qui ne sait le temps perdu dans les zigzagues des internets…

Dehors il pleut et je hais la campagne : pas de distraction, pas d’atermoiement possible. Je suis seul avec une chaise et une table en bois, une ramette de 500 feuilles blanches et mon stylo noir. Alors, écrire ; mais quoi ? Un roman maritime ? Après tout, ça n’a pas rebuté Stevenson… Mais sitôt que j’ai rêvé les grandes lignes  – il y aurait un marin au passé mystérieux, un naufrage, un trésor caché, une carte…. la lassitude me prend. Vite, autre chose ! Une fresque historique ? Un essai dépouillé et subtil ? Non, toujours non…

Et puis je me dis qu’écrire, quelque soit le sujet choisi, c’est toujours un peu parler d’écriture. Alors l’idée (avec un i majuscule, presqu’un h !), lumineuse, limpide, me vient ; je vais laisser la plume à mon stylo. Après tout, quoi que je raconte, c’est lui qui devra écrire, ligne à ligne : qui mieux que lui mérite d’être, pour une fois, le sujet ? Oui, bien sûr, le papier a son rôle, qui n’est pas négligeable. Mais qui écrit vraiment ? ça n’est tout de même pas la feuille qui trace les lettres !

Donc, le raconter. Dire notre rencontre chez le buraliste. Comment je l’ai trouvé – ou bien est-ce lui qui m’a choisi ? Nos premiers pas, liste de courses, gribouillis… les moments de lassitude, aussi, de machouillage de capuchon… les abandons au profit du clavier et de l’écran, ou d’un bête crayon-mine qui n’avait d’autre qualité que d’être là. Et puis toujours les retrouvailles triomphantes devant les grilles de mots croisés ! Oui il faudra être honnête, et dire tout cela.

J’écris de longues minutes , emporté par l’inspiration, où, plus exactement, la main agrippée au stylo qui se démène et allonge ses lignes de page en page… tous les mots que je crois écrire viennent de lui ; pas une rature, pas un repentir, il connait son sujet, et grâce à lui je deviens écrivain.

En haut d’une page, la ligne noire et nette s’estompe. Alors, plein de sollicitude, je réchauffe mon stylo entre mes paumes. Je l’encourage en silence, je l’exhorte à  mi-voix, je le maudis aussi : il ne peut pas m’abandonner maintenant, paumé au Diable-Vauvert entre une caisse de conserves et quatre-cent-quatre-vingt-dix-sept pages nues ! Je tente toutes les ruses : appuyer moins fort sur la feuille, multiplier les pauses, souffler sur la pointe. En vain : les lignes suivantes se noient de grisaille. Puis, exsangue, il griffe le papier une dernière fois et ne laisse plus qu’une entaille blanche en travers de la feuille, un filigrane de cinq lettres que je déchiffre malaisément :  
a d i e u.



dimanche 17 novembre 2019

JEU 51 : Hommage posthume à ta carte vitale





Hommage posthume à ta carte vitale que j'ai rendu hier: une minute
Pour t'effacer, mettre du blanc sur tes traces alors que ton silence
Remplit le vide béant: un chouette type qu'ils disent tous, c'est l'histoire
D'un mec, le mien, rendez-le moi, " C'est mon homme


[1] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2019/11/13/mistinguett-mon-homme-version-1938-6190068.html

samedi 9 novembre 2019

JEU 51 : Un joli vase que j'aimais





IL ÉTAIT UNE FOIS... 
UN JOLI VASE QUE J'AIMAIS

 ll y a plus d’un an déjà…
Nous dînions en famille.
Mon chat en une minute
saute sur le secrétaire.
C’était la première fois
       qu’il s’intéressait à cet endroit.
      À défaut de fleurs j’avais disposé là, 
       dans un vase, quelques jolies plumes.
         Timidement il avance une patte…
puis une autre…

Enorme silence dans l’assemblée,
puis mon gendre, 
en se servant un grand verre de blanc
me dit dans son plus beau « franglais »
« be careful il va le casser
ton beautiful vase »
Impossible qu’il me fasse ça !
Suspens… 
et mon chat a épargné l’objet
en sautant prestement au sol.

Tout est bien qui finit bien…
Mais ce serait trop simple…
Plus d’un an après, j’admire mon joli vase
    souvenir d’un voyage en Espagne....
    "Pffff... pourquoi ce type, enfin mon gendre, 
       a t il osé imaginer que mon chat, le vase, etc......"
Je l’avais acheté à Cordoue en 1989. 
Il a 30 ans déjà !

  Je vais cool dans ma chambre 
lire… en paix.
Pas pour longtemps. 
J’entends alors un curieux bruit 
qui vient rompre le calme de
ce bel après midi d’été 2019.
« Serait ce le chat qui joue ? 
Avec quoi ? »

Facile de deviner la suite et... fin de mon vase.
Il était là, sous mes yeux, en morceaux.
Quand même pourquoi est-ce arrivé précisément
à l’instant où je repensais à ce dîner
et à la réflexion de mon gendre ?
Les chats, aussi câlins soient ils,
seraient ils devins, diaboliques ?

Je lui ai pardonné.
Après tout un vase c’est quoi ?
DU MATÉRIEL…
 Mon chat, c’est qui ?
MON AMOUR.

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