mercredi 20 novembre 2019

JEU 51 : Requiem pour un f....

 



C'est vendredi matin 
que ces deux types en noir t'ont emmené...

Pendant plusieurs minutes, 
j'ai regardé en silence
le lourd parallélépipède fermé 
quitter la maison sur leurs épaules...
je les ai regardé le déposer
précautionneusement
à l'arrière de leur fourgon,
et c'est là j'ai réalisé
que je ne te reverrais plus.

La  tendre chaleur qui émanait de toi 
n'est déjà plus qu'un souvenir.
Je réalise soudain que plus jamais,
lors des longues soirées d'hiver, 
je ne me rapprocherai doucement de toi 
pour me réchauffer
et pour m'imprégner de ton odeur rassurante.
Pas facile à accepter. 

 D'autant que tu t'es éteint d'un coup. 
Sans prévenir.
Il est vrai que ces derniers temps,
j'avais remarqué que tu fumais de plus en plus..
et que tu montrais certains signes d'épuisement...
une résistance plus faible....
mais de là à imaginer que c'était la fin...
Non.
Je n'y avais pas pensé.
Je n'étais pas prête.

Après vingt ans, 
nous étions parfaitement habitués l'un à l'autre.
C'était une douce habitude, un compagnonnage...
je te connaissais dans les moindres détails...
et je savais que je pouvais compter sur toi.

Tu me rendais tant de services
que je ne manquais pas une occasion
de faire ton éloge et de vanter tes mérites
à ceux qui passaient à la maison. 

Aujourd'hui, pour me consoler, 
on me dit que tu étais déjà très âgé, 
que je trouverai bien à te remplacer...
que d'autres sont bien meilleurs que toi.
C'est dur à entendre, tu sais...
Ceux qui disent cela ne te connaissaient pas,
et ils n'ont aucune idée de tout ce que tu as fait 
pour moi pendant ces longues années. 

Je me souviens
de tous les délicieux petits plats 
que tu m'as préparé tant de fois :
poissons en papillotte, gratins en tous genres,
tartes au fromage blanc et gros gâteaux moelleux...
et j'ai la larme à l'oeil...
en même temps qu'une drôle de sensation
au creux de l'estomac...

Allez, je peux bien te le dire maintenant :
je t'appréciais vraiment...
mon vieux four...
Qu'est-ce que tu vas me manquer !
.

La Licorne
.



  

lundi 18 novembre 2019

JEU 51 : Adieu l'écriture




Cette fois, c’est décidé, j’écris ! L’ami qui m’a déposé dans cette  maisonnette perdue en pleine campagne avec un carton de nourriture doit passer me rechercher dans dix jours. Il fallait quitter la ville : je connais trop les pièges des bibliothèques, emplies de livres qui me narguent, et des cafés où l’on espère glaner des « pépites brutes de vraie langue de tous les jours », excuse fallacieuse qui amène à prendre en sténo les conversations ineptes des pauvres types des tables voisines. Quant à écrire chez moi, plus jamais ! qui ne sait le temps perdu dans les zigzagues des internets…

Dehors il pleut et je hais la campagne : pas de distraction, pas d’atermoiement possible. Je suis seul avec une chaise et une table en bois, une ramette de 500 feuilles blanches et mon stylo noir. Alors, écrire ; mais quoi ? Un roman maritime ? Après tout, ça n’a pas rebuté Stevenson… Mais sitôt que j’ai rêvé les grandes lignes  – il y aurait un marin au passé mystérieux, un naufrage, un trésor caché, une carte…. la lassitude me prend. Vite, autre chose ! Une fresque historique ? Un essai dépouillé et subtil ? Non, toujours non…

Et puis je me dis qu’écrire, quelque soit le sujet choisi, c’est toujours un peu parler d’écriture. Alors l’idée (avec un i majuscule, presqu’un h !), lumineuse, limpide, me vient ; je vais laisser la plume à mon stylo. Après tout, quoi que je raconte, c’est lui qui devra écrire, ligne à ligne : qui mieux que lui mérite d’être, pour une fois, le sujet ? Oui, bien sûr, le papier a son rôle, qui n’est pas négligeable. Mais qui écrit vraiment ? ça n’est tout de même pas la feuille qui trace les lettres !

Donc, le raconter. Dire notre rencontre chez le buraliste. Comment je l’ai trouvé – ou bien est-ce lui qui m’a choisi ? Nos premiers pas, liste de courses, gribouillis… les moments de lassitude, aussi, de machouillage de capuchon… les abandons au profit du clavier et de l’écran, ou d’un bête crayon-mine qui n’avait d’autre qualité que d’être là. Et puis toujours les retrouvailles triomphantes devant les grilles de mots croisés ! Oui il faudra être honnête, et dire tout cela.

J’écris de longues minutes , emporté par l’inspiration, où, plus exactement, la main agrippée au stylo qui se démène et allonge ses lignes de page en page… tous les mots que je crois écrire viennent de lui ; pas une rature, pas un repentir, il connait son sujet, et grâce à lui je deviens écrivain.

En haut d’une page, la ligne noire et nette s’estompe. Alors, plein de sollicitude, je réchauffe mon stylo entre mes paumes. Je l’encourage en silence, je l’exhorte à  mi-voix, je le maudis aussi : il ne peut pas m’abandonner maintenant, paumé au Diable-Vauvert entre une caisse de conserves et quatre-cent-quatre-vingt-dix-sept pages nues ! Je tente toutes les ruses : appuyer moins fort sur la feuille, multiplier les pauses, souffler sur la pointe. En vain : les lignes suivantes se noient de grisaille. Puis, exsangue, il griffe le papier une dernière fois et ne laisse plus qu’une entaille blanche en travers de la feuille, un filigrane de cinq lettres que je déchiffre malaisément :  
a d i e u.



dimanche 17 novembre 2019

JEU 51 : Hommage posthume à ta carte vitale





Hommage posthume à ta carte vitale que j'ai rendu hier: une minute
Pour t'effacer, mettre du blanc sur tes traces alors que ton silence
Remplit le vide béant: un chouette type qu'ils disent tous, c'est l'histoire
D'un mec, le mien, rendez-le moi, " C'est mon homme


[1] http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2019/11/13/mistinguett-mon-homme-version-1938-6190068.html

samedi 9 novembre 2019

JEU 51 : Un joli vase que j'aimais





IL ÉTAIT UNE FOIS... 
UN JOLI VASE QUE J'AIMAIS

 ll y a plus d’un an déjà…
Nous dînions en famille.
Mon chat en une minute
saute sur le secrétaire.
C’était la première fois
       qu’il s’intéressait à cet endroit.
      À défaut de fleurs j’avais disposé là, 
       dans un vase, quelques jolies plumes.
         Timidement il avance une patte…
puis une autre…

Enorme silence dans l’assemblée,
puis mon gendre, 
en se servant un grand verre de blanc
me dit dans son plus beau « franglais »
« be careful il va le casser
ton beautiful vase »
Impossible qu’il me fasse ça !
Suspens… 
et mon chat a épargné l’objet
en sautant prestement au sol.

Tout est bien qui finit bien…
Mais ce serait trop simple…
Plus d’un an après, j’admire mon joli vase
    souvenir d’un voyage en Espagne....
    "Pffff... pourquoi ce type, enfin mon gendre, 
       a t il osé imaginer que mon chat, le vase, etc......"
Je l’avais acheté à Cordoue en 1989. 
Il a 30 ans déjà !

  Je vais cool dans ma chambre 
lire… en paix.
Pas pour longtemps. 
J’entends alors un curieux bruit 
qui vient rompre le calme de
ce bel après midi d’été 2019.
« Serait ce le chat qui joue ? 
Avec quoi ? »

Facile de deviner la suite et... fin de mon vase.
Il était là, sous mes yeux, en morceaux.
Quand même pourquoi est-ce arrivé précisément
à l’instant où je repensais à ce dîner
et à la réflexion de mon gendre ?
Les chats, aussi câlins soient ils,
seraient ils devins, diaboliques ?

Je lui ai pardonné.
Après tout un vase c’est quoi ?
DU MATÉRIEL…
 Mon chat, c’est qui ?
MON AMOUR.

   .
    

vendredi 8 novembre 2019

JEU 51 : Eloge funèbre d'un doudou




C’était mon copain, c'était mon ami. 
Tu étais mon doudou, mon ninnin, mon consolateur,
 je t’emmenais partout, pas une minute sans moi, 
 tu prenais si peu de place. 
Tu absorbais tout, les odeurs les parfumées
comme le plus fétides.
Tu te colorais au contact des autres objets ; 
je me souviens encore du jour 
où tu as épongé les traces du rouge à lèvres cerise, 
ouvert maculant le fond de mon sac :
de blanc tu es devenu cramoisi. 
 Tu te roulais en boule ou au contraire 
tu t’étirais à te réduire comme une crêpe dentelle.
 Tu savais te loger dans les plus coins et recoins 
au point de disparaître parfois !

Tant de souvenirs en commun. 
Je me souviens encore de cette fois, cette soirée mémorable 
où alors que nous étions tout un groupe de filles à la piscine 
et où tu es tombé malencontreusement de mon sac de sport.
Une finaude t’a ramassé, t’a pris pour un simple chiffon 
et ô bonheur a commencé avec les autres une partie de passe à dix.
Dans l’eau tu t’étalais comme une tache bariolée 
glissant en silence au gré de l’eau au milieu du bleu du bassin.
 Les filles t’attrapaient et te pressaient avec force 
avant de faire une boule serrée 
comme si elles te transmettaient leur affection. 
J’étais jalouse ! 
Cette affection il n’y avait que moi qui pouvais te la donner,
 Que moi qui dégoulinais d’un amour fou…

Mais vois-tu aujourd’hui tu me quittes pour toujours
 comme ton propriétaire,
ce type infâme, ce Tristan
qui me quitte pour une moins jolie 
mais plus jeune forcément

Alors toi, Tristan,
ton vieux slip kangourou, 
tu le reprends…
.
.






vendredi 1 novembre 2019

JEU 51 : Hommage posthume







Sujet de novembre :

Un objet cher à votre coeur
vient de finir sa vie...
Ecrivez son hommage posthume...

...tout en incluant les cinq mots suivants :
minute - blanc - silence - type - fois






avant le 21 novembre 2019
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La Licorne