samedi 7 novembre 2020

JEU 62 : Terre, Mer ou Ciel


 

 

Un gamin joue dans les bois. Accroupi, il agite l’eau et gratte la boue avec une branche cassée quand trois hommes l’entourent et commencent à pérorer tour à tour.

Moi, dit le premier, j’ai toujours eu les pieds sur terre. Bien équilibré, bien planté sur mes jambes, en toutes circonstances. On m’a toujours fait confiance et toujours considéré comme quelqu’un de fiable. D’ailleurs je n’ai exercé que des métiers de confiance. On savait qu’on pouvait s’appuyer sans crainte sur moi. Mes épaules étaient suffisamment solides pour supporter un poids énorme de travail mais aussi une pression sous laquelle les autres auraient facilement cédé.
Et donc, je l’affirme haut et fort, si nous avançons de quelques pas, nous resterons bien droits, les pieds supportés par le sol que rien n’ébranlera.

Moi, dit le deuxième, j’ai passé à ma vie à naviguer sur les mers et les océans. Je ne peux m’endormir que bercé par le mouvement d’un bateau. Si on me maintient à terre, je deviens irascible à force de rester trop longtemps éveillé. Il fait trop calme, trop immobile à terre, le sommeil me fuit alors qu’à bord, en pleine tempête, quand le navire oscille, se tord en gémissant sous le vent, je dors comme un bébé. Mon élément c’est l’eau, même que je suis né sous le signe des Poissons, si ça ce n’est pas une preuve !
En foi de quoi, je t’assure mon petit que tu peux poser sans crainte le petit bateau que tu as fabriqué ce matin avec une feuille de papier blanc. Il voguera sans aucun risque de couler puisque nous sommes face à une belle étendue d’eau.

Vous n’avez rien compris, dit enfin le troisième en secouant la tête, vous n’avez pas les yeux en face des trous voyons. L’année dernière encore, j’étais commandant de bord dans une compagnie nationale d’aviation. J’ai passé plus de la moitié de ma vie dans le ciel, à flotter parmi les nuages, à rêver à ces autres horizons que je découvrais peu à peu. Ah, j’en ai visité des pays, mais pas de ceux où on va en voiture ou même en bateau. Ceux dont je vous parle se trouvent tellement loin qu’il n’y a qu’en survolant terres et mers qu’on peut s’y rendre en un temps raisonnable.
Prépare donc tes avions en papier mon petit et n’écoute pas ces deux ignorants parce que là, ce que tu vois c’est évidemment le ciel et rien d’autre.

Le gamin partit d’un grand éclat de rire et leur dit : « moi je vois juste de la gadoue, j’adore taquiner les têtards qui s’y trouvent, former des tas de boue pour les embêter puis creuser des rigoles et regarder couler l’eau fangeuse. Tous vos palabres ne m’intéressent pas et si vous pouviez choisir une autre flaque un peu plus loin pour vous amuser, ça me ferait drôlement plaisir ! » 

 

Photonanie

 

 

2 commentaires:

  1. Une belle façon d'inviter Terre, Mer et Ciel ...
    en trois personnages !

    Et la franchise de l'enfance...

    Merci pour ton texte, Photonanie...

    J'ai moi-même été bien occupée (à plein d'autres choses) pendant ce mois...et je n'ai rien écrit.

    Je sens que je vais me faire une autorisation à moi-même...et cocher la case "???" pour avoir le droit de "sortir" un texte après le 21 ! :-)

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  2. Fais-toi plaisir, dit la Belge qui peut sortir sans autorisation ;-)

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