Regarde : on consent à tout
En deux clics, clac, on est pris
Le collier du p'tit toutou,
Il est virtuel, mon ami
L'IA fait tout à ta place
Ton cerveau se ramollit
Et on te suit à la trace
Mais bof...qui s'en soucie ?
En langage pop :
Regarde : on consent à tout
En deux clics, clac, on est pris
Le collier du p'tit toutou,
Il est virtuel, mon ami
L'IA fait tout à ta place
Ton cerveau se ramollit
Et on te suit à la trace
Mais bof...qui s'en soucie ?
En langage pop :
Les âges de la vie
Dans la main tremblante, une photographie : le passé s’y abrite comme une flamme fragile. Le visage jeune s’y dessine, clair, lisse, plein d’élan. Pourtant, derrière lui, le présent veille, marqué de rides comme un livre feuilleté par le temps.
La mémoire s’invite dans ce dialogue secret. Elle murmure des noms, des rires, des instants oubliés que seule l’âme conserve. Chaque souvenir est une étoile suspendue au-dessus des années.
La fragilité n’est pas une faiblesse : elle est la tendresse du corps qui a tant vécu, la délicatesse de la peau qui raconte l’histoire mieux que les mots. Elle est le tremblement discret d’une vie qui se sait précieuse.
Et dans ce contraste éclate la beauté. Non pas celle des traits immobiles, mais celle du passage, du chemin parcouru, de la lumière qui habite encore les yeux. La beauté qui persiste, différente mais intacte, comme une vérité que rien ne peut effacer.
Ainsi, les âges de la vie ne s’opposent pas : ils se superposent, s’étreignent et se prolongent. Et dans cette rencontre fragile entre hier et aujourd’hui, se révèle l’éternelle grâce d’exister.
Miroir, mon beau miroir
Les âges de la vie semblaient passer sur Hélène sans laisser de trace. C'est ce qu'elle pensait en tout cas ! Elle était belle certes, mais plus que tout, elle était imbue de sa beauté. Tellement infatuée d’elle-même qu’elle n’acceptait d’amies qu’en tant que faire-valoir. Au milieu de ces filles pas obligatoirement moches mais toujours insipides, elle brillait comme une rose dans un champ d’orties. Bien qu’elle eût pu s’en dispenser elle passait de longues heures devant son miroir à parfaire sa beauté, usant et abusant de crèmes et d’onguents parfumés. Elle guettait anxieusement sur l’ovale pur de son visage, l’apparition de la moindre imperfection qui en eût troublé l’harmonie ou terni la fraîche carnation. Bouton, éphélide, trace de couperose, veinule disgracieuse, rougeur suspecte, ridule traîtresse…Rien n’échappait à cette quotidienne et minutieuse inspection qui lui permettait en outre de se contempler à tout propos, ce qui lui procurait le plus ineffable des plaisirs. Tout lui était bon pour s’arrêter, fût-ce un bref instant devant son reflet ! Rien ni personne dans la vie ne l’intéressait plus qu’elle-même.. Elle s’étalait avec complaisance sur les multiples qualités dont la nature l’avait si généreusement dotée. À l’en croire, toutes les fées s’étaient penchées sur un seul berceau : le sien et de toutes les grâces dont elle elles l'avaient dotée, son visage était sans conteste le joyau le plus précieux ! Elle se délectait sans complexe de l’admiration béate qu’elle suscitait chez ses amies et elle acceptait comme un tribut à sa souveraine beauté les qualificatifs dithyrambiques dont l’abreuvait la cohorte de ses soupirants. Elle était persuadée qu’elle représentait à elle seule, l’incarnation de l’idéal féminin, la quintessence de la séduction, la perfection faite femme. Elle ignorait les risques que lui faisait courir son monumental ego !
C’était déjà beaucoup de se croire la plus belle, c’était bien pis de faire croire à ses amies qu’elles ne l’étaient pas, de leur reprocher à mots à peine couverts leur manque de charme, leur manque de goût ou d’originalité. Leur manque de tout en somme. Ces « pauvres filles oubliées de la nature » pensait-elle sans le leur dire, rêvaient de lui ressembler sans y parvenir jamais. Avaient-elles la moindre chance ? De toute façon, elle n’eût admis pour rien au monde que l’une d’entre elles pût la rejoindre sur ces hauteurs qui devaient demeurer inaccessibles. Les conseils qu'elle leur prodiguait, magnanime, n’avaient d’autre but que de les enfoncer plus encore dans la boue de leur imperfection tout en la confortant, elle, sur son impérial trône.
Un jour l’une de ses fans les plus fidèles se lassa de subir sans broncher ses remarques à la fois mielleuses et fielleuses. Elle était fatiguée de se prosterner devant cette marmoréenne idole qui jamais ne consentait à descendre de son piédestal. Si fatiguée qu’elle prit enfin conscience que ce parangon d’orgueil et d’égoïsme recevait sans jamais rien donner en retour. Alors, prenant le ciel ou l’enfer à témoin, elle fit un vœu qui se réalisa bien au-delà de ses espérances les plus secrètes :
« Fasse que les miroirs continuent à la refléter belle et que chaque fois qu'elle s'y admirera, elle devienne vieille et laide comme un pou sans même s’en apercevoir ! Ce ne serait que justice à la fin !» Ce fut une pensée fugace mais d’une telle force qu’elle en fut secouée et regretta aussitôt de l’avoir eue. Trop tard ! Le sort en était jeté et ainsi fut fait.
À partir de ce jour, le destin de la belle Hélène bascula à son insu. Chaque fois que même incidemment elle se lorgnait dans un miroir, il lui renvoyait traîtreusement l’image parfaite qu’elle s’attendait à y voir. Cependant, chaque fois aussi, y apparaissait une ride qu’elle ne voyait pas. Jour après jour, ride après ride, qu’il fût fortuit ou intentionné, chaque regard qu’elle s’adressait au travers d’un miroir ou de la moindre surface réfléchissante, lui façonnait un nouveau visage que les autres découvraient peu à peu mais dont elle-même n’avait pas conscience. Elle ne voyait pas non plus les mines de plus en plus apitoyées de ses ex admirateurs qui continuaient néanmoins à lui débiter des fadaises pour ne pas la vexer ni encourir ses foudres. Seules ses amies, se réjouirent de pouvoir enfin lui retourner ses moqueries. Quand elles la rencontraient, elles souriaient l’air entendu et lui assénaient en jubilant intérieurement :
- Tu as pris un sacré coup de vieux ma belle !
- Vous êtes jalouses ! Rétorquait l’offensée.
Un jour, celle qui avait inconsidérément formulé le vœu funeste et que le remord tarabustait, lui dit gentiment :
- Je t’en supplie, rends-toi à l’évidence, tu vieillis Hélène ! Et d’ajouter pour tempérer quelque peu son propos : - Hélas ! Comme tout le monde ma chère !
- C’est impossible ! s’indigna l’orgueilleuse.
Mais elle dut lire la cruelle vérité dans le regard malheureux de l’autre car elle rentra séance tenante. Dans la salle de bain, plantée devant son miroir, affligée, elle vit enfin : là, au coin des yeux, de vilaines pattes d’oie qu’elle ne se connaissait pas. Et sur son front, deux rides profondes. Désemparée, il lui fallut quelques minutes pour se reprendre et encore quelques autres pour passer de l’abattement à la colère outragée. Elle étala devant elle tous ses petits pots de crèmes miraculeuses et se mit au travail, bien décidée à ne pas remettre un pied dehors tant que les disgracieuses rides ne seraient pas totalement effacées. Et bien sûr, tout le temps qu’elle passa devant le miroir maudit à essayer de vaincre le mal, celui-ci, au contraire, ne fit qu’empirer. Tandis que son corps demeurait jeune et ferme, sur son visage, la vieillesse gagnait du terrain. Chaque jour dans la glace, le masque hideux gravé de rides profondes lui faisait face. Atterrée, elle se s'enferma chez elle déterminée à venir à bout du mal étrange qui ravageait son visage Prétextant un virus très contagieux, elle n’ouvrit plus à personne, pas même à ses parents inquiets à juste titre. Et moins encore aux amies qu’elle avait si souvent vexées ! Elle fit la sourde oreille à leurs appels répétés. Recluse volontaire dans sa maison, sans presque manger ni boire, elle continua à observer de près l’implacable progression du mal inconnu qui la défigurait irrémédiablement. Désormais son visage sillonné de mille rides était méconnaissable. Pire, chaque fois qu’elle le regardait, il paraissait se graver de nouveaux sillons que nul onguent miraculeux ne parvenait à gommer. La rage au cœur, elle brisa tous les miroirs de la maison et obscurcit toutes les fenêtres de lourdes tentures noires. Elle ne voulait plus se voir. Jusqu’à l’eau du lavabo qui lui renvoyait l’image du désastre galopant ! Alors elle cessa de se laver. Un soir, lasse et déprimée au-delà de tout, elle se coucha pour attendre la mort et ne se releva plus. Mais le Destin facétieux et cruel lui refusait cette dernière faveur. Son corps, toujours bien entretenu, ne lui obéissait plus. Même privé de soins, d’eau et de nourriture, il s’obstinait à fonctionner comme une machine parfaitement huilée.
Décidée à en finir, elle utilisa le peu d'énergie qui lui restait pour accomplir son dernier geste. Avant, elle appela ses parents. «Je m'en vais !», leur annonça-t-elle d'une voix éteinte. Le lendemain, rongés par l'angoisse, ils forcèrent sa porte, et la découvrirent, pâle, les yeux clos, étendue sur la courtepointe satinée de son lit. Elle s’était tailladé les veines des poignets avec l’arête aiguisée d’un éclat de miroir brisé. Sur l'oreiller blanc, son visage lisse et sans défaut se détachait. Elle ressemblait à la belle au Bois dormant qui n’attend que le baiser du Prince charmant pour se réveiller. Jamais elle ne saurait que le mot d’explication qu’elle leur avait laissé les plongerait non seulement dans un immense chagrin mais aussi dans une profonde perplexité. En effet, par un étrange et dernier pied de nez du Destin ironique, la Mort lui avait restitué toute sa beauté.
(Texte écrit en 2015, remanié pour l'occasion)

Vole, âge volage !
Il naquit dans la sciure, sous un ciel de toile bleue et rouge, quelque part entre deux routes. Enfant, il croyait que le monde entier sentait le crottin tiède, le foin humide et la mandoline de son père. L’école n’était pas une maison fixe mais une roulotte où l’on apprenait à compter avec les billets du guichet et à lire dans les yeux des spectateurs. Cet âge fut celui de l’émerveillement, quand chaque chute était un jeu et chaque gifle de farine ou de sciure une caresse.
Puis vint l’âge du travail acharné. Zavatta s’inventa clown-musicien : accordéon en bandoulière, banjo, trompette… Il apprit à se casser la figure avec élégance, à s’offrir en maladresse pour mieux révéler la grâce. Le public riait, riait toujours, et parfois, il l’espérait, pleurait un peu. Derrière le maquillage, lui savait combien les os souffraient, combien la route était longue, combien il fallait de courage pour lever un chapiteau chaque matin.

L’âge de la gloire arriva comme une fête tardive : la télévision s’enticha de ce visage barbouillé, de ce clown tendre et jamais méchant. Zavatta entra dans les foyers comme un vieil oncle drôle. Mais la gloire est une amante capricieuse : elle éclaire et elle brûle. Le cirque traditionnel s’essoufflait, les enfants se tournaient vers d’autres écrans, et le vieux clown sentit qu’il devait lutter contre l’oubli.
Et puis l’âge des ombres. Les muscles refusaient, le cœur se
serrait, les routes semblaient trop longues. Le maquillage cachait mal
la fatigue. On ne rit pas toujours des rides nouvelles. Alors Zavatta
chercha des lieux de silence, là où le rire n’est pas exigé.

Alors, dans la grange en contrebas, s’est jouée une autre scène :
celle d’un mulet têtu et d’un clown musicien sans fard, réunis autour
d’un piano fatigué et d’un bol tibétain.
Case 1— Découverte / Épreuve
Visuel : Finistère répond à la note fluette, joue un accord
maladroit ; une grande tige jaillit du bol tibétain et s’enroule autour
d’une chaise.
Les nourrices observent, perplexes.
Grand-mère : « Chut. Il compose. »
Finistère, concentré : « Si je force, ça devient une forêt ? »
Case 2 — Le pèlerin démystifié (vignette courte, plan poitrine)
Visuel : Entrée du pèlerin, le clown musicien, nouveau compagnon de
route ; il s’assoit sur un tabouret, essuie son maquillage d’un geste
lent. Les traits du visage redeviennent humains. On voit de la sciure
sur ses manches.
Texte narratif (encadré, doux) : « Parfois, les masques se rangent comme des outils. »
Clown, presque en murmurant : « J’ai gardé un coin de papier, pour si jamais… »
Case 3— Le poème
Visuel : Le clown, sans maquillage, écrit sur le revers d’une
affiche déchirée. Une plume improvisée, quelques taches d’encre.
Finistère écoute, une oreille attentive.
Poème (dans une bulle-légende, court, fragile) :
« Quand la note tombe,
la terre la cueille ;
quand je me démaquille,
le rire devient poignée de terre.
On n’emporte pas le cirque,
on emporte une poignée de poussière. »
Finistère, avec un petit sourire : « C’est beau. On dirait une plante qui apprend à parler. »
Case 4 — Conséquence dramatique / Quasi-climax
Visuel : Finistère et le clown jouent une mélodie entière,
maladroite, magnifique, et la grange se couvre en quelques secondes de
fleurs et de pousses : pissenlits, vigne, un petit bouleau même. Les
nuages au loin s’écartent.
Texte narratif : « Leur musique ne sauvait rien. Elle faisait pousser autre chose : des doutes, des chemins. »
SFX : RUMBLE léger, chant d’oiseau.
Case 5— Plan final, image forte
Visuel : Plan serré sur Finistère debout sur le banc du piano,
regard vers l’horizon, sabots sur les touches, le clown musicien à ses
côtés écrivant la dernière ligne. La montagne respire.
Texte narratif (encadré, phrase-lame) : « Il n’avait pas brisé la boucle. Il l’avait seulement éclairée d’une autre lumière. »
Finistère, tranquille : « Demain, on essaiera Chopin. Ou on plante un arbre. »
Zavatta repartit du Mont, plus léger, comme si la montagne avait accepté de porter un peu de son fardeau.
Les marques du grand soir...
Et quand je dis mon âge
Je vois bien dans les yeux
De ceux qui me font face,
Qu'ils se disent : "Oh mon Dieu !
C'est triste le temps qui passe !"
Mais ce qu'ils ne savent pas
Ces mesureurs de temps
Ces jeunes pleins d'éclat
Qui me voient "décrépie"
C'est que j'ai en même temps
Tous les âges de la vie.
Je change à chaque instant
D'âge dans mon esprit !
Parfois je suis alerte
Vive et aventureuse
Encore jeune plante verte
Espiègle, malicieuse
Parfois, je me sens lasse
Epuisée par le bruit
Du monde-populace
Qui s'agite et se fuit
Parfois, je suis soleil
Qui darde ses rayons
Fruit mûr, rond et vermeil
Je chante ma chanson
Parfois, je suis enfant
Qui se plaint et qui geint
Mais où es-tu maman ?
Tu ne tiens plus ma main ?
Parfois je suis jeune femme
Et je me fais coquette
J'ai le coeur qui s'enflamme
Le sourire en goguette
Parfois je suis songeuse
Comme un sage Bouddha
Qui attend la faucheuse
Sans en faire tout un plat...
Je souffle mes bougies
Sans en compter le nombre
Je vis dans l'infini
Entre lumière et ombre
Et quand on me rappelle
Les limites de mes jours
Je déploie l'arc-en-ciel
De mon sens de l'humour :-)
Dans le grand kaléidoscope
De mes années passées
Je fais un choix hop, hop
Pour chaque nouvelle journée
Je les ai toutes en rayon
C'est ça la grande chance
De tous les vieux croûtons...
L'or de toute existence.
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La Licorne
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