dimanche 18 juillet 2021

JEU 66 : "A la recherche du temps perdu" - La Licorne

 

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L'image qui me paraît la meilleure pour faire comprendre le sens de mon oeuvre, c'est peut-être celle d'un télescope braqué sur le temps, car le télescope fait apparaître des étoiles qui sont invisibles à l’œil nu, et j'ai quant à moi tâché de faire apparaître à la conscience des phénomènes inconscients qui complètement oubliés sont quelquefois situés très loin dans le passé.

Marcel Proust 

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A en juger par la jupe crayon et l'allure de la voiture, cette photo date des années cinquante. 

Les années cinquante, je ne les ai pas connues. Je ne les connais que par ce que m'en ont dit mes parents...Oh, pas grand-chose, en vérité, car ils parlaient beaucoup plus, et c'est normal, des années de guerre, des privations et des conditions de vie difficiles de l'époque. 

"On n'a pas eu de jeunesse", répétaient-ils. J'ai mis quelque temps à comprendre à quel point c'était vrai...Etre adolescent entre 39 et 45, à une époque où l'adolescence n'existait pas (il y avait l'enfance, puis le certificat d'étude, et ensuite c'était, sans transition, en tout cas dans les milieux modestes, le travail et les tâches "d'adulte"...)

Donc, les années cinquante, c'était quoi ?

Je ne sais pas trop, en fait. 

J'en ai une vague idée grâce aux films et aux vieilles revues qui traînaient chez nous. Des revues qui montraient des femmes élégantes mais un peu engoncées dans leurs vêtements...des robes serrées à la taille et des jupes toujours au-dessous du genou. 

Très importante, à l'époque, la longueur de la jupe. Je me souviens que ma mère (qui cousait ses vêtements) jugeait "au millimètre" cette fameuse "longueur autorisée", qui, d'après elle, changeait chaque année. Cette année, la mode est un tout petit peu plus longue, disait-elle...en ajustant les épingles sur l'ourlet.

Bon, le pantalon, pour les femmes, ça n'était pas possible...on n'osait pas. Quant aux trucs mini, mini, qui se démocratiseraient dix ans plus tard... ça faisait encore scandale...C'était bon pour les actrices...et les dévergondées.

Ces années-là, je les imagine à la fois austères (on ne rigolait pas avec les conventions) et enjouées (la guerre était passée, le pire était derrière). 

On avait "reconstruit le pays"...Le progrès commençait à pointer son nez...Certains avaient une voiture...Mes parents, non...Pas encore. Mais j'avais un grand-oncle, parisien et chauffeur de taxi, qui lui, promenait fièrement sa femme aux quatre coins de la France...

Quand elle montrait au retour ses photos (en tenue très élégante, car elle ne se refusait rien, la tantine), je voyais bien que les autres avaient un petit sourire ambigu, dont on ne savait trop s'il était d'admiration ou de jalousie.

Elle me les a montrées à moi aussi, ces photos. C'était vingt ans plus tard...et j'ai souri aussi.  Pose de "star" devant le capot lustré d'une belle voiture noire. Manteau de fourrure et chapeau chic...La classe.

Elle était la seule, dans la famille, à mener la "grande vie", à aller à l'opéra , à jouer au bridge...Pour mes parents, c'était ça, la "vie parisienne"...

Son mari est décédé  assez jeune. Elle a moins voyagé. Mais elle a continué à vivre à Paris...elle s'est remariée et elle est morte presque centenaire, sans enfants...avec, au coeur, la nostalgie de ses années de jeunesse.

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La Licorne

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3 commentaires:

  1. Je pense qu'on à tous un peu la nostalgie de notre jeunesse.

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    1. Oui, c'est vrai...
      Même si pour certain(e)s , c'était plutôt "jeans" et "2CV"... ;-)

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  2. Le temps perdu de la tantine n'a d'égal que les courbes de l'aronde 54, les lignes droites des vêtements et nos interrogations sur une époque dont il ne reste que photos !

    Merci aussi pour cette photo de Robert Doisneau que je ne connaissais pas et qui m'a rappelé, au début, les nouvelles de Raymond Carver.

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