“Applause… Applauses? Final cause!” Situons-nous; il faut qu’on cause : Qui fut Cybèle, sans nulle pause ?
Dans une levée de poings fermes (à l’Œuvre Noir, sous l’épiderme) Spectacle faisant société flatte le dernier coup porté à la fragile évocation d’une généreuse émotion
Oh, ces kyrielles de crécelles scandant la même ritournelle en simulacres de pucelles pour la gloire des parangons de paternelles prescriptions !
Raout et tapage, à l’envi n’accordant pardon ni merci…? Qu’exécrable, telle est vision !
Adoration des pataquès… Eructations de Damoclès… Prime !! à qui en fera des caisses !
Tant va la cruche à son miroir que s’y confond en avatars le précieux et nubile espoir en la surprise d’un regard à l’œil aimant quand, sur le tard, s’égaille tout ce tremblement
Il n’en finira donc jamais d’aller venir, traînant les pieds devant le seuil – à découvert ! où l’appellent ses prochains pairs ? Mais ouiménan… Il fait meilleur flotter dans l’heur ado’næscent…
Ô temporaire éternité d’un long quart-d’heure en satiété… C’est un tunnel, ton habitacle ! avec, bâillant de l’aile et de la haine pour bas de laine, une société de spectacles
Il
arrive un moment dans nos vies où l’on se sent vraiment perdu pour
le marxisme.
A
force de voir les uns s’affronter, s’invectiver, s’envahir et
se haïr et les autres devenir des zombi·e·s silencieux, le nez
plongé en permanence sur l’écran de leur téléphone, pareil·le·s
aux deux paysans de l’Angélus de Millet, on sent bien que l’on
prend du poids et que la société guydéborde de partout.
C’est
donc avec l’assurance d’un certain âge qu’on effectue et
affirme son choix :
1)
d’aller au spectacle
2)
de le faire venir chez soi
3) de se jeter soi-même en pâture aux lecteurs·trices, aux
auditeurs·trices, aux spectateurs·trices, même s’ils se
prénomment Pa·trice.
A
chaque fois c’est une aventure, une découverte exceptionnelle de
l’« enrichissez-vous l’âme » de mots aiguisés
plutôt que des mets à Guizot.
1)
Aller au spectacle
Samedi
soir on est allés revoir Yannick Jaulin. Cette fois-ci c’était
pour « J’ai pas fermé l’oeil de la nuit » un
spectacle d’il y a vingt ans qu’il a décidé de reprendre tous
les ans au mois de novembre en vue peut-être de mourir sur scène !
On ne dira jamais assez combien cette légende urbaine autour de la
mort de Molière travaille l’esprit des comédiens !
A-t-on
pu rire, ce soir-là, des cimetières et de la mort ! Et comme
on a serré les fesses au retour ! C’était à la nuit noire,
de Saint-Germain-sur-Ille à rennes via Saint-Grégoire, sur une
route de campagne couverte de brouillard, avec des courbes, des
carrefours, de longues lignes droites dont on n’apercevait que les
cinq premiers mètres et les ronds blancs tracés au sol, semblables
aux cailloux semés par le Petit Poucet. Une atmosphère à croiser
l’Ankou royalement perché sur son vélo pas éclairé, couvert
d’une cagoule noire et porteur d’une sacoche Uber eats pleine
d’urnes funéraires sur le dos.
Nous
sommes rentrés à bon port puisque je suis encore à jeter l’encre
sur les rives du Styx ou plutôt de la Vilaine.
2)
Faire entrer le spectacle chez soi
Alors
oui, tout petit déjà, on te donne cette petite boîte pour que tu
regardes et restes tranquille et tu absorbes le meilleur comme le
pire : Zorro, Thierry la Fronde, Nounours et Belphégor,
Dorothée, Chantal Goya, Louis de Funès et Albator.
Je
ne suis pas du genre à tout rejeter. Je n’ai pas de télé mais
j’ai des dévédés, j’en emprunte en bibliothèque et je passe
l’hiver sous la table.
Pardon,
je passe « L’Hiver sous la table » et on se régale
d’Isabelle Carré, de Roland Topor qui a écrit cette merveille de
conte théâtral, de Zabou Breitman *
qui l’a mise en scène et des autres acteurs excellents dont
Dominique Pinon et un violoniste virtuose, Liviu Badiu.
3)
Que faire ?
C’est
la question que posait Vladimir Il’itch Oulianov dit Lénine. Face
à cette société du spectacle, n’ayant pas l’âme d’un
militant, d’un ermite ou d’un stylite ou la colère d’un
terroriste, on n’a pas grand-chose à proposer à part faire
chanter les gens, les faire écrire, les amuser, leur raconter des
histoires, leur montrer des images belles ou drôles.
C’est
peut-être d’une modestie désespérante mais au moins, pendant ce
temps-là, on n’envahit pas l’Ukraine, nous !
P.S.
Cela ne nous empêche pas pour autant de demeurer des Marxistes
convaincus (tendance Groucho ou Harpo, selon les moments) !
Avant, il n’y avait qu’une seule chaîne. La lucarne magique arriva
impromptue d’un seul coup d’un seul dans le salon de nos petites têtes
pas toutes si blondes.
Pas de télécommande, juste un bouton rond et obstiné : marche ou arrêt, comme la vie. Hypnotique.
La télé commande. Alors, les soirs d’hiver, les enfants s’asseyaient
trop près, aimantés par le rectangle lumineux qui avalait le monde. On y
voyait défiler les Indiens, les cowboys, Zorro, le justicier masqué, et
parfois un générique de Noël où des rennes scintillaient entre deux
pubs de soupe.
Aux anniversaires, et sous le sapin, les cadeaux réels prolongeaient
la fiction rêvée : pistolets en plastique, à amorces ou à bouchons, arcs
minuscules, flèches ventouses, panoplies d’Indiens, de cowboys, de
Zorro. Les batailles se poursuivaient dehors, dans la cour, jusqu’au
fond du jardin, quand la vraie neige tombait. Si un jouet manquait à
l’appel, les bâtons, les pierres étaient là,
Les années passèrent, la musique remplaça les westerns. L’écran
resta, l’écran dansa. D’abord en scopitones. Puis dans les années 80 les
clips envahirent les écrans, les idoles se dandinèrent en play-back, la
chanson de Madonna, Thriller, et puis aussi la chanson de Lio qui devint
un rituel d’ironie amoureuse. On l’écoutait sans comprendre qu’elle
annonçait déjà la guerre des sexes à venir.
“Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.” G, Debord
Puis vint l’écran d’ordinateur : le spectacle déménagea, là. Sur le
bureau. Un site d’écriture, des pseudos, des aminautes, des dialogues,
des défis à thème.
Et la même fascination que jadis : on regardait, on commentait, on
applaudissait. C’était la société du spectacle, mais en version clavier.
Moi, j’étais Cavalier. : il n’est pas de hasard, il n’est que des rendez-vous.
Et comme dans tout forum, il y avait toujours un ou une Kevin pour faire du grabuge.
La nôtre, c’était une femme : mordante, moqueuse, incontrôlable.
Une marylin numérique qui faisait trembler les fils de discussion à coups d’ironie mal digérée.
Avec Pépitoune, ma complice de plume, on en eut vite assez. On décida de lui rendre la politesse : à notre manière.
On écrivit un texte, en duo, une parodie vengeresse. Une tragédie communautaire, punitive par les mots, sans filtres.
C’était du théâtre noir, du sarcasme de l’ironie à la Zorro.
Fallait pas commencer
« Et toi dis-moi que tu m’aimes Même si c’est un mensonge ».
Jacqueline la coiffeuse fredonnant une chanson de Lio pour Pisano son amant ? Pas sûr… Elle ne compte pas pour des prunes… »
Un cabriolet jaune dans la ville endormie, les roues crissent, frein à
main, se tanque devant l’horrible bâtiment, une robe rouge furibonde
surgit hors de la nuit, créoles gitanes, une robe rouge vole dans
l’escalier, et haut des marches la robe rouge, déchirée, lamelles, en
éclats de dentelle.
L’hidalgo demande : Qué passa ?
Voix dépitée masque la colère : Qué hace esta rubia en tu cama ?
(La peroxydée dans ton lit, c’est une vision ?)
Lui, enjôleur : Mais c’est ma cousine, tu sais bien qu’on n’a pas de chambre d’amis !
Elle, pas dupe : Mais PauLo (PL), tu sais bien que tu n’as pas de cousine !
La blonde, consciente de déranger, ramasse ses affaires et saute par la fenêtre du troisième étage.
Cette sensation qu’éprouve Wanda, la brune trompée, seule la jalousie peut la donner.
À distance, Zorro la devine.
Il a beau galoper comme un dératé, se retourner vers des poursuivants
fantômes, il résiste. Son intégrité, la satisfaction de sentir sur sa
nuque la belle souffler court de désir.
Mais… de la bâtisse déjà à une centaine de mètres devant lui, on ne
saurait dire qu’elle rutile. La vision mérite un autre qualificatif.
Elle ruine.
Entraînant brutalement la marylin, il pousse la porte, et le
spectacle graisseux s’offre à lui. Garcia a opté pour la Grande Bouffe
huilée. Les doigts boudinés agrippés aux lardons dégoulinants. La bouche
édentée, pleine, béante. Garcia sourit de plaisir.
Et Zorro, las, offre la marylin aux soudards : pour rire, pour l’exorcisme, pour la farce.
Les soudards
Ils n’attendaient que ça. Émergeant durement des vapeurs la bande s’ébranle :
« Les brunes comptent pas pour des prunes, » dit l’un des gardes.
« Mais un petit noyau tout mouillé blond et nu, pour une fois… » répond un autre.
Les rires sont gras, les métaphores indignes.
Ils ne brandissent que des mots, mais les mots frappent sec.
« Allez, soldats, sabre au clair !Vengeons notre site ! »
Ils hurlent comme dans un péplum. Les verres tintent, les phrases claquent.
Ils parlent tous comme des animaux, de toutes les chattes, ça parle mal.
En rejouant la bataille des forums, sans comprendre qu’ils ne font que copier le monde qu’ils méprisent.
Ils se vengent à coups de satire, de sous-entendus, de vanité.
Leurs plumes sont des baïonnettes de papier, et la salle des gardes pue la fanfaronnade.
Marylin s’efface. Elle aussi. Elle devient concept, voeu pieux, cible, proie et chienne rimée d’un soir, trophée d’écriture.
Et dans la salle d’arme, chacun croit avoir gagné.
L’entrée du Chevalier de cuir
Un bruit de sabots, net et saccadé !
Les soudards se figent, ravalent leurs phrases.
La porte claque.
Un homme entre, freluquet, silhouette mince et droite, maigrelet sous son manteau long.
On dirait Thierry la Fronde s’échappant d’une rediffusion de Melody.
Le Chevalier de cuir lève la main :
« Fin de scène. Allez, on remballe le cirque. »
Sa voix n’est pas celle d’un juge, mais d’un type qui a vu trop de mascarades.
Il traverse la pièce, s’approche de la marylin, la relève, doucement.
Les soudards détournent le regard.
La vengeance fond comme du sucre mouillé.
Dehors, le vent souffle sur la cour numérique.
L’écran clignote, puis s’éteint.
Le spectacle est terminé.
Houf nous l’avons échappé belle.
(Annexe : clip de Lio, “Fallait pas commencer”, 1983 — à
visionner, bien sûr, pour mesurer la distance entre le glamour
télévisuel et la satire d’un forum en guerre.)
(+ Clip d’angèle balance ton quoi … avec la scène culte de Pierre Niney :
car non c’est non … nan mais …)
“Pour savoir écrire, il faut avoir lu, et pour savoir lire,
Bégayage de le et même dû à l’âge, opération survie, Diable ! Cre-do in u-num de-um…
À voir toutes ces émissions de télé-réalité d’aventure, je devine
bien que votre monde actuel tourne un peu blasé. C’est devenu la société
du spectacle. À outrance. À mon époque ce ne fut pas mon cas, car moi
je dus survivre. À la vie, à la mort.
Mon esprit, lui, se promène librement sur votre monde, et j’ai sans
doute mérité ceci, grâce à mes peurs bleues et grâce à toutes mes
souffrances endurées de mon vivant.
En effet, il y a bientôt cinq cent ans que mon navire a sombré dans
la nuit, et que je me suis retrouvé, seul, sur un banc de sable
salvateur au large du Pérou.
Mais au petit jour le constat est sans appel, le banc de sable est
minuscule, il n’y a pas de végétation, pas de gibier, pas d’eau potable.
Ce n’est que du sable, sans un caillou, et de quelques mètres de
hauteur.
N’ai-je survécu à ce naufrage pour venir périr ici d’une lente agonie ?
La marée rogne mon espace, et je me réfugie bien au centre le plus en
hauteur possible. Le soleil est inexorable, alors je me protège dans
les flots. Jusqu’au cou. J’ai faim et surtout je commence à avoir très
soif. C’est l’enfer sur terre, ici bien au milieu de l’océan.
Mais je me dis, non Pedro, il te reste ton couteau… et ton cerveau.
Je fouille les algues apportées par la marée, j’y trouve des crevettes,
je creuse dans le sable et j’avale quelques coques bien salées.
Tout à coup de grosses tortues de mer. Elles viennent prendre un bain
de soleil. Mon sang ne fait qu’un tour, je me précipite le couteau à la
main et j’en égorge une sur le champ. Je me désaltère et je boucane sa
chair découpée au soleil. J’ai très soif, je retourne la carapace vide.
Dieu m’enverra peut-être de l’eau ?
Les averses viennent chaque nuit. Les tortues, chaque jour Les
carapaces servent d’abri, de réserves d’eau. De là à dire que c’est un
peu la routine…
Pedro Serrano, il te faut signaler ta présence. Il faut faire du feu. Je mets ce goémon à sécher, et je cherche un caillou. Rien, rien de rien… je regrette
… Charles dixit. Alors, il me faut plonger. Et replonger. Au bout de
deux mois, en plongeant plus profondément, je finis par trouver quelques
galets. Un couteau, une pierre à feu, l’étincelle, et c’est le
commencement du monde des hommes.
Des hommes, oui, et le plus incroyable c’est que trois ans plus tard
j’ai trouvé mon Vendredi ! Un naufragé arrive à quatre pattes sur le
sable, un matin. Surpris, affolés, nous croyons tous deux voir le Diable
en personne… horrifié par mon apparence pileuse il s’enfuie en hurlant,
et moi je hurle en fuyant. En un beau raffut primordial !
Puis l’autre diable tout à coup inspiré par je ne sais quoi entonne un « Cre-do in u-num de-um… « , ce chant fameux universel, Credo le plus célèbre de la chrétienté, un peu comme la chanson « Imagine » de Lennon, de vos jours, oui, imagine… je lui réponds. Nous tombons dans les bras l’un de l’autre.
Alors, on se partage les tâches, on se dit tout, on se raconte nos
secrets, nos exploits, nos aventures, nos femmes, et ce pendant une
année entière…
Puis la haine arrive avec ses méchancetés, ses insultes, ses bagarres…
On se réconcilie, par intervalle, faute de mieux, et Miguel et moi, on alimente le feu, et on attend.
Quatre ans ont passé à guetter l’horizon, quand un jour, un navire
intrigué par la fumée du feu arrive et envoie une chaloupe. Mais tout à
coup, les marins voyant s’agiter deux beaux diables velus et hirsutes
sur le rivage, font demi-tour : « Signons-nous, et éloignons-nous de ces lieux maudits ! »
Alors unissant nos forces, Miguel et moi entonnons désespérément d’une seule voix tonnante et tonitruante à tue-tête le Credo !
Quelque jour après, Miguel mon compagnon meurt sur le chemin du
retour. De trop d’émotions sans doute. Depuis en Europe, ayant barbe
gardée comme une preuve, je vais de foire en foire exhibé à demi-nu
comme une bête curieuse. Il me faut bien manger.
L’Empereur Charles Quint roi d’Espagne qui a eu vent de mon histoire,
me fait mander en Allemagne, et me fait don d’une bourse d’or de quatre
mille pièces de huit reals. En rente. Un trésor dont je compte bien
profiter un peu chez moi au Pérou, en face de mon île, mais j’ai la
mauvaise idée de mourir sur le chemin, à Panama, là, entre les deux
océans… Ce n’était pas demander le Pérou pourtant…
Depuis, j’erre de par le monde, et je vous observe. Je regarde la
Télé, la lucarne magique ou du moins ce qu’il en reste, et je suis sur
Internet aussi. Pour passer le temps. Mais mon état d’esprit ne risque
pas d’évoluer, car quand je tombe sur Dual survival, Bear Grylls, Bienvenue dans ma tribu, Koh-lanta, Survivor ou The Island voire Kenji Girac Vs Maître Gims and so on … Je suis mdr top trop grave, grave … Grave !