SON INSTANT
Cette nuit, la lune scintille si
peu. Elle est pâle. Une brume fine semble vouloir la dissimuler
à nos regards… à son regard.
Il est debout, là,
immobile face aux champs de blé ondulant sous la brise
fraîche.
Il se souvient de son visage, de ce
sourire éclatant qu’elle arborait chaque matin au lever
du soleil. Elle dormait peu, et pour rien au monde elle n’aurait
manqué ce rendez-vous avec l’aube qu’elle
affectionnait particulièrement. C’était SON
instant, cet instant où elle s’abandonnait, seule, à
rêver en observant la lente métamorphose du paysage.
Elle aimait regarder les premières lueurs dévoiler peu
à peu ce qui l’entourait : d’abord la cime
des sapins de la forêt proche, couronnés alors d’une
couleur dorée qui leur allait à merveille, suivaient
les champs qui tels des caméléons se fondaient dans les
teintes de saison…petit à petit se révélaient
à son regard le village, le clocher avec son coq reflétant
les rayons du soleil comme pour nous dire « C’est l’heure de se lever ! », les toits aux
tuiles orangés typiques de la région, les rues qui
commençaient à prendre vie, … Et enfin la
luminosité matinale l’atteignait tandis qu’elle
buvait un thé vert à la menthe, son préféré,
sur la terrasse en bois qu’il avait réalisé pour
elle.
C’était son instant
quelle que soit la météo, quel que soit son état
de santé ! Sa santé qui, jour après jour,
déclinait. Elle savait que chaque aurore était une
chance. Celle d’être encore en vie.
Il est debout, là,
frissonnant devant les faibles rayons de lune qui venaient caresser
les épis de blé.
Depuis le départ de celle
qu’il observait parfois à l’aube, sans qu’elle
n’ait jamais remarqué sa présence… le
départ de celle qu’il avait tant aimée… il
ne sortait plus, ne voyait plus personne, ses pinceaux n’étaient
plus sortis de leur tiroir, …sa vie avait perdu son âme
noyée dans le désespoir, sa muse n’était
plus là.
Jusqu’à ce fameux
matin. Des miaulements insistants l’ont attiré dehors.
Il faisait encore nuit. Il ne sait pas pourquoi il ne les a pas
ignorés. Il s’est levé, a ouvert la porte vitrée
qui menait sur la terrasse.
Deux petits
yeux apeurés d’un vert cristallin éblouissant,
cette couleur qu’il aimait tant peindre autrefois, le fixaient.
Et au moment où il s’apprêtait à passer sa
main sur cette petite boule de poils pour la rassurer, c’est
arrivé. Un premier faisceau lumineux a glissé sur la
forêt et lentement a chassé l’ombre qui couvrait
la forêt jusqu’à esquisser une toile rougeoyante
dont il n’arrivait plus à détacher le regard. Son
sourire. Il était toujours là… Une douce
sensation d’apaisement s’éveilla alors au plus
profond de lui. Comment avait-il pu oublier SON instant ? Cet
instant qu’elle aimait tant car il célébrait le
bonheur de pouvoir vivre encore une journée auprès de
lui et des gens qu’elle aimait.
Il est debout, là,
devant une toile vierge posée sur un trépied tout neuf,
tenant un pinceau dans sa main ferme, attendant l’instant.
Soudain le fou rire le prend.
Elle est à nouveau là, devant ses yeux, dans son cœur.
Elle y a toujours été. Il aura fallu un chaton perdu
pour le lui révéler. Les premiers rayons du soleil
viennent le caresser. Il est heureux. Et il efface tout ce qui
le mine depuis trop longtemps en quelques coups de pinceaux, tel
un jeune enfant qui avec des craies de toutes les couleurs emplit
le tableau noir de sa classe d’arc-en-ciel joyeux ! Il
dessine le visage du bonheur au milieu des vagues blondes
ondoyantes. Il rit et salue sa belle qui dissimulée dans cette
nouvelle lueur est venue lui rappeler sa chance d’être en
VIE !
Magnifique !
RépondreSupprimerEt émouvant...
Merci Mary !
Merci !
RépondreSupprimerTrès beau texte ! Mais ce petit chat qui gratte à sa porte, on peut se demander qui il est ?
RépondreSupprimerUn signe peut-être de sa bien aimée ...
Très certainement...avec ses yeux vert-espoir.
SupprimerMerci.