Les amoureux du Pont-Neuf
En
ce temps-là, la symbolique de l'amour était au cadenas. On se rendait
sur le nouveau pont parisien avec l'accessoire indispensable aux ébats
amoureux. Depuis longtemps plus personne ne convolait en justes noces,
c'eût été ringard en diable. Même Cupidon n'était pas loin de débander
son arc. L'amour se voulait cadenassé et pour qu'il ne s'enfuit pas, on
jetait la clé par-dessus le parapet et : plouf !
C'est là-bas que
j'ai photographié Firmin et Angèle les bouches collées, lui l'enfermant
par les épaules pour qu'elle comprenne bien que désormais elle était sa
possession légitime puisqu'elle avait accepté le cadenas. La chose
était entendue. Elle, le sac pendant au bout du bras s'apprêtait à le
lâcher. Ce serait le signe de son abandon total à tous ses désirs, même
les plus fous, les plus invasifs, les plus interdits.
Quand il décolla ses lèvres, Angèle s'écria : « que serais-je sans toi ? »
Firmin aussitôt répondit : « et moi, que serais-je sans Toit ! » Songeant que sans elle il serait toujours à la rue.
Témoin involontaire de ces paroles je me suis forgé un dicton personnel :
« jamais Toi sans Toit », pensant bien trouver la photo d'une maison cossue dans ma collection.
Ainsi donc ils seraient heureux !
Tout cela avait le poids de la passion fermée à clé.
Bien plus tard, lorsque le pont s'écroula sous le poids des cadenas, ceux-ci partirent à vau-l'eau jusqu'à la mer.
Angèle
et Firmin avaient dès lors laissé tomber à l'eau leur projet amoureux
et les baisers mouillés de larmes leur faisaient prendre conscience
qu'ils auraient mieux fait de garder la clé…
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Consigne du jeu
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