SOURICIÈRE POLICIÈRE
Qu’est-ce que c’était beau une ville, la nuit, en ce temps-là !
Même si à l’époque il y avait plus de « cops » que d’apocopes. On parlait encore des automobiles et non des autos bien que certaines tirassent déjà leur révérence en devenant des tires, des bagnoles ou des caisses. « Mais où sont les limousines d’antan ? » se lamentaient alors les nostalgiques de la Haute-Vienne à qui tout ce progrès filait des "Nom De Dion de boutons".
Au 36 quai des Orfèvres on buvait sec – sic ! -. Qu’est-ce qu’il en est monté, de la brasserie Dauphine, des bières et des sandwiches vers les propos fumeux, les bureaux enfumés, les interrogatoires fameux des passeurs à tabac, Maigret, Janvier, Lucas, Torrence…
- Mets-toi à table, Paulo ! Crache le morceau ou sinon tu vas déguster !
Dans le Paris d’avant les errances modianesques les néons clignotaient porte de Clignancourt, les caves se rebiffaient et touchaient au grisbi et à Pigalle parfois quelqu’un brisait la glace. Police ! Secours ! C’est alors qu’hurlaient les sirènes, n’évoquant qu’à grand’ peine le fleuve Mississippi dont tout le monde ignorait l’orthographe parce qu’on préférait rêvasser par-dessus la Seine au pont Mirabeau et danser dans les caves et la nuit de Saint-Germain des Prés. Des estafettes queue-de-pie arrivées près des danseuses du gai Moulin rouge sortaient des pèlerines, des képis et des bâtons blancs, des inspecteurs melvilliens en imper et chapeau, passagers de la nuit aux traits encore plus tirés que ceux d’un pianiste de bar louche.
C’était encore plus beau, ces descentes aux enfers, lorsque la pluie tombait et que se reflétait la lune dans le caniveau.
A parcourir les rues de la grande truanderie on ne comprenait pas toujours tout. C’est que la dame du lac n’était pas HPI et que c’est compliqué, à la fin de la nuit, aux fins fonds de l’Amérique, le grand sommeil quand la ville dort dans le parfum des dahlias noirs.
Aujourd’hui que le crime est à plus grande échelle, que les autocrates élus relancent les guerres, que les mômes de quinze ans se flinguent pour des histoires de points de deal, je veux qu’on m’attribue deux points sur mon permis… de vider mon grenier !
J’ai éteint le néon qui faisait scintiller le nom de Simenon sur le Livre de poche. Paradoxalement, c’en est fini, du noir ! J’ai trié mes Goodis, mes Chandler, mes Westlake, mes Malet, mes Irish et mes Brown. Après la corrida sur les Champs-Elysées et la fièvre au Marais, le soleil naît derrière le Louvre : les plaques des rues de Paris, la pipe à tête de taureau et la poire Belle-Hélène de Nestor « Dynamite » Burma sont de nouveau en vente au Secours populaire !
Quoi qu’il advienne du futur
Nous n’aurons pas connu l’ennui
Dans la bonne ville de Paris.
Nous fîmes partie de ceux qui lurent
Ces jolis récits d’aventures
Jusque parfois tard dans la nuit.
Hum...un bon roman policier...ça se passe forcément la nuit...
RépondreSupprimeret à Paris !
Ou ça se passait ?
Tout fout l'camp...de nos jours
Les "rats" de bibliothèque, qui dévoraient et grignotaient
toutes les histoires qui passaient, à Paris ou au parc Montsouris...
et puis rongeaient leur frein en attendant de connaître la fin,
ne trouvent plus grand-chose à se mettre sous la dent.
On préfère désormais les séries Netflix,
à tous ces auteurs prolixes...
Merci, Joe, de ramener ces romans de "Série noire"
à notre mémoire !