Buisson Adam, lycéen
La vie secrèt' des écrivains
par kyrielles, dans tous ses plis
plis aux scènes des rachidiens
pliques sièges de maladies...
Sans prendre ombrage des cris vains
(gargarismes de malappris)
invective ou aboi de chiens
n'inquiètent en rien ses écrits
Du cri primal au souffle éteint
du caillou jusqu'à la fourmi
elle inspire cet écrivain
qui sommeille en nos appétits
Inquiet
de la réaction de M. Radpoil, l'élève debout sur l'estrade plonge son
regard dans les entrelacs de ses chaussures boueuses. C'est qu'à
présent, il aimerait autant ne pas avoir à affronter le regard de ses
camarades de classe. D'autant que le silence se fait pesant, tandis que
M. Radpoil relit le texte de son cru dont il tient la copie en main et
sous le feu trouble de ses demi-lunes.
"- Fort bien. Fort bien,
déclare enfin le vieil enseignant avec un enthousiasme aussi modéré que
sentencieux. Le sujet est respecté en tout point, sur le fond, du moins.
Mais, pour ce qui relève de la forme, je vous avais expressément fait
commande d'un acrostiche. Or, il ne m'apparaît pas que cela soit le cas.
Pouvez-vous m'en donner une explication, élève Buisson ?"
Le lycéen, sans lever le nez, obtempère et dit en manière d'explication :
"-
Ben, c'est bien un acrostiche, monsieur, ose affirmer l'élève Buisson,
masquant sa bravade sous son air contrit. Il se lit à l'initiale de
chaque strophe, monsieur."
L'enseignant, connu pour sa passion
rigoriste à l'égard de la langue de Molière, baisse à nouveau les yeux
sur la copie du jeune homme, puis s'étonne :
"- Vous dites ?... Attendez... La-Sans-Du ? Pardon, mais c'est particulièrement abscons, élève Buisson.
"-
Pas le premier mot, monsieur, la première lettre; l'initiale, quoi,
fait remarquer sur le même ton, l'effronté qui jubile intérieurement."
" - L-S-D... L-S-D... Non, je ne vois pas."
La plupart de la classe ne peut alors contenir un soudain gloussement moqueur.
Mais M. Radpoil de poursuivre, interloqué, comme entré en lui-même :
"- Non, je ne vois pas... Toujours pas... 'Comprends pas..."
Sauvé
par le gong, l'élève Buisson quitte l'estrade. Tandis que le vieil
enseignant rappelle à la ronde les consignes pour le prochain cours, le
lycéen attrape ses affaires de classe et se joint à ses camarades, pour
profiter avec eux d'un bon quart de récréation, dans la cour battue par
les vents de l'automne.
Il se retrouve bientôt, flanqué de ses trois collègues favoris, sous l'horloge rivée à l'angle du bâtiment de l'intendance.
"- On est d'accord, les gars ? C'est ce soir qu'on lui fend la gueule à cette satanée horloge..."
Le
groupe acquiesce d'un air entendu, avant de passer les grilles du lycée
pour regagner leur quartier caennais, d'entre tous leur favori : la
Demi-Lune.
J'adore!!!
RépondreSupprimerUn enseignant qui n'est pas encore ouvert à la poésie "psychédélique"...;-), et un élève futé qui manie l'acrostiche obscur...
Voilà un texte qui se lit avec délectation !
Merci Tiniak !
J'adore ce petit côté "apparu de Saint-Agil" !
RépondreSupprimerOu Caen le roi de Polésie vient nous chanter "La vie en prose" !
@Dame Licorne : Merci en retour pour l'illustration, bien vue ! ;)
RépondreSupprimer@Onc'Joe : Et puisque tu me jappes au nez, by the way, je te pose cette question : ça t'a pris combien de temps la Conduite de Zéro, pappy B. ?