
Vole, âge volage !
Vole, âge volage !
Il naquit dans la sciure, sous un ciel de toile bleue et rouge, quelque part entre deux routes. Enfant, il croyait que le monde entier sentait le crottin tiède, le foin humide et la mandoline de son père. L’école n’était pas une maison fixe mais une roulotte où l’on apprenait à compter avec les billets du guichet et à lire dans les yeux des spectateurs. Cet âge fut celui de l’émerveillement, quand chaque chute était un jeu et chaque gifle de farine ou de sciure une caresse.
Puis vint l’âge du travail acharné. Zavatta s’inventa clown-musicien : accordéon en bandoulière, banjo, trompette… Il apprit à se casser la figure avec élégance, à s’offrir en maladresse pour mieux révéler la grâce. Le public riait, riait toujours, et parfois, il l’espérait, pleurait un peu. Derrière le maquillage, lui savait combien les os souffraient, combien la route était longue, combien il fallait de courage pour lever un chapiteau chaque matin.
L’âge de la gloire arriva comme une fête tardive : la télévision s’enticha de ce visage barbouillé, de ce clown tendre et jamais méchant. Zavatta entra dans les foyers comme un vieil oncle drôle. Mais la gloire est une amante capricieuse : elle éclaire et elle brûle. Le cirque traditionnel s’essoufflait, les enfants se tournaient vers d’autres écrans, et le vieux clown sentit qu’il devait lutter contre l’oubli.
Et puis l’âge des ombres. Les muscles refusaient, le cœur se
serrait, les routes semblaient trop longues. Le maquillage cachait mal
la fatigue. On ne rit pas toujours des rides nouvelles. Alors Zavatta
chercha des lieux de silence, là où le rire n’est pas exigé.
Alors, dans la grange en contrebas, s’est jouée une autre scène :
celle d’un mulet têtu et d’un clown musicien sans fard, réunis autour
d’un piano fatigué et d’un bol tibétain.
Case 1— Découverte / Épreuve
Visuel : Finistère répond à la note fluette, joue un accord
maladroit ; une grande tige jaillit du bol tibétain et s’enroule autour
d’une chaise.
Les nourrices observent, perplexes.
Grand-mère : « Chut. Il compose. »
Finistère, concentré : « Si je force, ça devient une forêt ? »
Case 2 — Le pèlerin démystifié (vignette courte, plan poitrine)
Visuel : Entrée du pèlerin, le clown musicien, nouveau compagnon de
route ; il s’assoit sur un tabouret, essuie son maquillage d’un geste
lent. Les traits du visage redeviennent humains. On voit de la sciure
sur ses manches.
Texte narratif (encadré, doux) : « Parfois, les masques se rangent comme des outils. »
Clown, presque en murmurant : « J’ai gardé un coin de papier, pour si jamais… »
Case 3— Le poème
Visuel : Le clown, sans maquillage, écrit sur le revers d’une
affiche déchirée. Une plume improvisée, quelques taches d’encre.
Finistère écoute, une oreille attentive.
Poème (dans une bulle-légende, court, fragile) :
« Quand la note tombe,
la terre la cueille ;
quand je me démaquille,
le rire devient poignée de terre.
On n’emporte pas le cirque,
on emporte une poignée de poussière. »
Finistère, avec un petit sourire : « C’est beau. On dirait une plante qui apprend à parler. »
Case 4 — Conséquence dramatique / Quasi-climax
Visuel : Finistère et le clown jouent une mélodie entière,
maladroite, magnifique, et la grange se couvre en quelques secondes de
fleurs et de pousses : pissenlits, vigne, un petit bouleau même. Les
nuages au loin s’écartent.
Texte narratif : « Leur musique ne sauvait rien. Elle faisait pousser autre chose : des doutes, des chemins. »
SFX : RUMBLE léger, chant d’oiseau.
Case 5— Plan final, image forte
Visuel : Plan serré sur Finistère debout sur le banc du piano,
regard vers l’horizon, sabots sur les touches, le clown musicien à ses
côtés écrivant la dernière ligne. La montagne respire.
Texte narratif (encadré, phrase-lame) : « Il n’avait pas brisé la boucle. Il l’avait seulement éclairée d’une autre lumière. »
Finistère, tranquille : « Demain, on essaiera Chopin. Ou on plante un arbre. »
Zavatta repartit du Mont, plus léger, comme si la montagne avait accepté de porter un peu de son fardeau.
Pour l'Agenda ironique de septembre
chez Sabrina
Pour l'atelier Mil et Une
Ah, les quatre filles du docteur March
On peut se demander si quelquefois les quatre filles du docteur courent
Si à d’autres moments les quatre filles du docteur volent
Et si, de temps à autre, les quatre filles du docteur March nous vengent
Ah les quatre filles du docteur March
On ne perdra pas de vue qu’à une période elles n’étaient que trois
Ce qui est valable pour deux
Une remarque plus que singulière pour une, l’aînée
Et je suis prêt à parier que secrètement lorsqu’elles furent quatre
Elles se dirent qu’enfin elles pourraient jouer aux Trois Mousquetaires.
Et leurs parents déploraient-ils qu’elles descendaient l’escalier quatre à quatre
Pour Des March, plainte légitime, non ?
Voilà (CQFD) pourquoi elles se tenaient là,
à carreau.
.
.
File d'attente
Étranges
inconnues élégantes, fines,
Amies
ou frangines,
Leur
badinage, leur allure de belle dame
Distrait
le quidam.
Le
nez dans son livre, intrigué, curieux
Le
petit monsieur,
L’air
de rien écoute leur babillage.
Sourire
malicieux.
Une
attente paisible, sans impatience
Un
hall, un guichet
Le
train en retard, aucune importance,
Chacun
son ticket.
Ces
dames se moquent bien du curieux voisin.
Lui,
part au boulot,
Elles
vont toutes dans les Grands Magasins,
Voilà
le tableau !
.
.
Hippodrome de Longchamp. 1956.
Au guichet du stade :
Quatre tickets, s'il vous plaît. Séparément.
A quel nom ? "March"...oui, comme le mois.
Prénoms ? Caro, Line, Mona, Coralie...
Date de naissance ? Vous en avez vraiment besoin ?
4 mars 1934.
Les trois autres ? Eh bien, exactement la même...
Non, non, je vous assure, je ne me moque pas de vous.
Nous sommes quadruplées, nous sommes nées le même jour.
Comment est-ce possible ? Demandez à notre père.
Le Docteur March. Docteur en génétique.
Lieu de naissance ? Monaco.
Adresse ? 4 place de Montquatre. Paris 4ème
Ne me regardez pas avec ces yeux-là...
nous sommes des filles superstitieuses.
Le 4 nous porte chance, voyez-vous.
Notre mère s'appelle Catherine...
et nous aimons tout ce qui nous rappelle ce chiffre...
Les carrés...les carreaux...le quarté (*) et André Carrus.
Ce sera tout, vous voulez notre pointure aussi ?
Là, vous allez être déçue, ce n'est pas du 44...
mais comme vous pouvez le constater,
nous achetons nos chaussures et nos vêtements à 4.
C'est bon, cher monsieur, on peut en finir ?
Alors, pour moi, dans l'ordre : 4,2,1,3. Quarante francs.
Je laisse mes soeurs vous donner leurs paris.
Mona, tu as fini de lire les pronostics ?
.
La Licorne
.
( *) Oui, je sais, on nage en plein anachronisme...:-)
Histoire (authentique) de quadruplées "identiques"
Retour vers le futur
Avec leur cher papa, Meg, Jo, Beth et Amy, les quatre filles du Docteur March, qui soit dit au passage, n'est pas docteur mais pasteur, font un voyage dans le Temps totalement inattendu. En manteaux à carreaux et chapeaux élégants, les quatre demoiselles font la queue devant un guichet pour reprendre un train qui les ramènera à Concord où elles ont vécu leur enfance et connu les heures sombres d'une terrible guerre fratricide.
Cette étonnante aventure a commencé tout à fait par hasard. Ayant fait leur vie chacune de leur côté, les quatre sœurs ont décidé d'entreprendre ensemble un genre de pèlerinage à Concord, la ville qui les a vu naître. Elles ont accepté que Robert, leur père les accompagne. Lui aussi voulait revoir la ville où il avait été pasteur. Elles sont donc parties de Washington où se sont installés leurs parents. Mary March n'a pas voulu se lancer dans un tel périple ! En route pour le Massachussets, à mi-chemin de leur destination, leur train brinquebalant a été pris dans un violent orage. Il faisait tellement sombre qu'on aurait pu croire que la nuit était tombée. De gros dégâts sur la voie ont obligé le train à s'arrêter dans une gare perdue...presque un siècle plus tard ! Tout a changé sans même qu'elles s'en soient rendu compte : le train, le décor, leurs tenues à la pointe d'une mode qui n'a plus rien à voir avec leurs longues robes si peu commodes...Elles sont descendu de leur wagon pour en avoir le cœur net. Leur père les a suivies, aussi bouleversé qu'elles. Il faut reconnaître que commencer un voyage en 1868 et être catapulté en cours de route près d'un siècle plus tard, a de quoi terrifier même quelqu'un d'aussi téméraire que Jo par exemple ! Laquelle aurait pourtant bien aimé explorer un peu plus cette époque bizarre, image d'un futur qu'elle n'aurait jamais pu aborder sans cette défaillance du flux temporel ! Un sacré roman à écrire ! Mais ses trois sœurs et son père n'ont qu'une envie, retrouver leur monde, leur siècle, leur vie bien rangée. Dans celui-ci ils ne se sentent pas à leur place ! Le journal qu'a acheté Robert avec l'argent qu'il a trouvé dans une des poches de sa veste, parle d'un conflit mondial qui a eu lieu quelques années auparavant. Une guerre tellement plus cruelle et meurtrière que celle qu'il a connue ! Les hommes de ce temps sont devenus fous !
«Nous devons rentrer à Washington ! Votre mère, vos époux nous attendent ! » A-t-il décrété. Montrer son autorité paternelle lui fait oublier sa terreur grandissante à l'idée que ce soit impossible !
. Amy s'occupe des billets de retour. Meg et Beth tournent le dos . Regardent-elles vers ce passé qu'elles ont quitté, alors que Jo, la plus intrépide des quatre est résolument tournée vers le futur ? Le nez dans son journal, leur père prie intérieurement qu'aucun orage ne vienne perturber leur retour. Sans savoir d'où lui vient cette idée, il soupçonne en effet cet épisode météorologique tumultueux d'avoir changé le cours du Temps
Le train arrive enfin ! Les cinq voyageurs égarés en 1950 s'y engouffrent, soulagés. Ils sont si épuisés par leur étrange aventure qu'ils ne tardent pas à sombrer dans un sommeil de plomb. Ni les quatre jeunes femmes ni leur père ne se doutent que ce voyage de retour va effectivement les ramener à Washington en...2025 !
Gare de Concord, ambiance animée
Meg prend les billets pour un départ
au manoir ancestral, près de Gloucester
Leur tante March et son affreux chien,
les y attend comme chaque année
pour un séjour à travers champs et rivières
Jo, exaspérée que sa soeur Meg prenne toujours les devants,
rage de partir vers ces lieux vieillots ,
elle boude et tourne résolument le dos
Berth lit un roman à l’eau de rose :
elle attend sagement la suite des évènements
Amy se mire vaniteusement dans les grandes baies vitrées de la gare :
elle est satisfaite du reflet !
Et leur père, ce brave le pasteur de campagne est plongé
dans les évangiles et dans l’inquiétude .
Pour une fois c’est lui qui est aux commandes
dans son for-intérieur il se demande comment diriger
ses filles aux caractères bien trempés,
car Marmée son épouse, n’a pas suivi la troupe .
C’est elle qui se charge habituellement de tout !
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