mardi 7 mai 2019

JEU 46 : La belle invention de Victor-la-Victoire

 


Non, Hugo Victor ne connait pas Victor Hugo ; aussi incroyable que cela paraisse, c’est vrai.
Oh, disons tout de go que l’inverse est vrai aussi ; Victor Hugo le granthomme ignore tout d’Hugo Victor, son anonyme homonyme, mais ça s’explique par la différence d’époque et de géographie, le plus illustre des bisontins logeant au Panthéon depuis 1885.
Tandis que l’autre Victor Hugo, çuilà qu’il est question ici, crèche présentement dans un garni de la porte de Belleville, ousqu’il est né aux alentours de juillet 1919, fruit du mariage patriotique et hasardeux, scellé à la mairie du 21e arrondissement en novembre de l’an passé entre une cousette du quartier et un rescapé de la Der-des-ders fraichement tombé du train ; d’où son prénom, Victor-la-Victoire.
Rien que cela explique bien que l’illustre ignore l’autre ; et l’autre, même s’il a entendu parler de l’immortel auteur des Misérables, serait-ce qu’à la communale, il n’en a rien lu d’écrit, rien vu de joué au théâtre ou au cinématographe, rien entendu dire à la radio ou au bistrot, et encore moins à l’atelier où il turbine désormais.
Et qu’est-ce qu’il fait, dans cet atelier ?

Dame, il y répare des automobiles, des vélomoteurs, usine des pièces, brique des capots, raccommode des pignons, redresse des ailes, bref, fait son petit boulot onze heures par jour et la perruque en plus.
Apprenti qu’il y est rentré tout minot, le Victor, et maintenant il a son établi rien qu’à lui, petit coin où personne n’oserait lui emprunter un tournevis ou une clef de douze sans y demander d’abord.
Mais lui, ça n’est pas ça qu’il veut : la mécaniquauto, oui c’est moderne et ça rapporte des sous, mais l’huile et l’essence, ça coute, c’est salissant et ça pue.
Et puis si les prix augmentent, ou si les puits se vident ?

Dire qu’il entrevoit la fin des énergies fossiles, faudrait pas pousser jusque-là, ni lui tailler un bleu de pré-écologiste convaincu.
En vrai, ce qui lui plait, c’est le vélo : silence et vitesse raisonnable, le mollet comme seule limite, la vraie liberté elle est là !

Pédalier, braquet, guidon, chaine, selle, cadre, tout, jusqu’à la sonnette, il a tout démonté et remonté, et même s’est bricolé quelques jolis prototypes qu’il essaie le soir dans les côtes du quartier et le dimanche sur les bords du canal de l’Ourcq.
Au point qu’à force d’essayer des trucs, d’améliorer des machins, il a fini par inventer une jante en aluminium ultra légère et hypra solide.
Rien que ça, oui, du durable, du presqu’éternel, qui roulerait deux ou trois cents ans s’il se trouve un cycliste assez endurant pour tenter le coup.
Il a pris grand soin de déposer le brevet, et maintenant, comme un bon petit patron du dimanche, il va lancer une gentille campagne de réclame sur le marché de la rue des Pyrénées.
Son  truc, c’est tout bêtement de distribuer des petites affichettes bien imprimées chez le typo d’à côté, avec une belle vignette montrant un fier cycliste, un petit texte vantant la longévité et la légèreté de son invention avec son nom à lui, Hugo Victor, dit la-Victoire, le tout sous un titre en grandes capitales bien grasses, la Lège, jante des siècles.

***



10 commentaires:

  1. Ah, ah...je ne l'avais pas vu venir... la chute !

    Quelle belle idée que cette histoire d'homonymes...et de vélocipèdes...
    la fabuleuse acrost'riche histoire de Victor la Victoire !

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    1. heu, c'est plutôt de l'accro's'triche dans mon cas; la chute, je l'avais dans le colimateur depuis le début, forcement...yavait plus qu'à faire rouler le petit vélo !

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    2. Euh...je ne l'avais dit dans ce sens-là...
      C'est pas de la triche, c'est du talent !
      Tout romancier qui prévoit la fin de son récit et qui, ensuite, déroule le centre de l'histoire fait oeuvre de conteur et non de tricheur.

      C'est par exemple comme ça que J.K. Rowling a écrit Harry Potter et je ne crois pas que personne l'ait jamais accusée d'avoir "triché" ! ;-)

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  2. Il a dû mouiller le maillot, le Dodo, pour pondre un texte aussi virtuose !
    Moi, j'en perds les pédales !
    :-)

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    1. Merci Andréa ; je me suis surtout amusé à courir après la fin (qui justifie le moyeu, comme diraient les cyclistes)
      (mais y a eu quelques suées :)

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  3. Oui, Andrea...,
    je lui décerne d'ailleurs le gilet, euh, pardon...le maillot jaune des acrosticheurs ! ;-)

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  4. il fallait le trouver ces deux là : Hugo Victor et Victor Hugo ! drôle comme tout ! Bravo à Victor la victoire

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