Sous le chapeau le papillon
Vous
la reconnaissez sur la photo ? Non, bien entendu, ou alors c'est un
hasard étonnant dont il faut se méfier. C'est Louise–Henriette de
Saint-Marcellin Duferment-Lactique, mon arrière-grand-mère. Au pied des
falaises qui débouchent du Rhône de la Canaille. Elle rêve probablement à
celui qui sera un jour mon arrière-grand-père. Elle n'est pas encore la
vieille qui marchait dans la mer à la recherche d'escargots des
jardins, qui sont ses petits–gris dont elle a grandement besoin. Fort
heureusement le célèbre psychiatre Hippocrate le Jeune, a diagnostiqué
une sorte de confusion mentale avec les bigorneaux, que malheureusement
on ne sait pas encore soigner. Pas les bigorneaux, mais la confusion.
«Entre sa somptueuse jeunesse et les méfaits du temps, elle a négocié
une sorte d’amnésie qui la préserve des regrets. » (*)
Observez
qu'elle porte un nœud papillon noir. Chacun sait que celui-ci est le
symbole de la mort et de la malchance et qu'il vaut mieux ne pas en
croiser à moins d'un mètre. Mais comme mon aïeule arbore un sourire
proche de l'extase et qu'elle relève ses jupes, ne faut-il pas
l'envisager être en proie à une excitation sexuelle, ce qui est une
autre signification d'une tradition maritime concernant les papillons
noirs. Dans ce cas c'est le signe d'une capacité à voir le bon côté de
la vie. Concluons que ce bon côté-là l'attire irrémédiablement vers le
large.
En ce cas, les deux personnes en arrière plan regardent du
mauvais côté et manifestement ont une attitude qui sent la vase
désespérante, le varech-vessie qui n'éclaire pas les lanternes. On voit
nettement qu'ils ne sont pas à l'aise près des falaises. « Être tas » à
cet endroit n'est pas digne.
Pourquoi donc mon père m'a envoyé cette photo avec ces simples mots :
«
Surtout, n'oublie jamais ! » J'aimerais tant pouvoir lui poser la
question, Malheureusement il est mort d'une crise cardiaque 24 heures
après que j'ai reçu sa missive. : « Ah ! Comme la vie est brève et
interminable dans sa brièveté ! »(*)
Mon père faisait-il allusion à
une vie de chien, à cause de l'animal à gauche ? un genre de vie qui
caractériserait notre lignée ? Parce qu'autant vous le dire clairement,
je mène une vie où je ne fais que ramer sur les flots hostiles ou dans
le sable du désert intérieur. Ça dure depuis si longtemps. Même si à
l'époque «On croyait de chaque jour qu'il était simplement le lendemain
de la veille, et puis non: il y avait des années entre les deux. » (*)
Ne
pas me poser de questions inutiles. Tout ça ce sont des vieilleries qui
osent et abondent . Comme le dit souvent un de mes amis « pourquoi
s'obstiner à faire du bouche-à-bouche à un amour mort ? » (*). Il a
raison. C'est pareil avec les défunts, quand c'est fini, c'est fini !
Je vais brûler tout ce fatras de souvenirs.
Mais
avant, et une dernière fois : « Laissez-moi contempler ce portrait.
C'est à mourir d'extase. Comme ils ont dû être fous de vous, ceux que
vous avez laissés vous approcher ! Et comme ils ont dû être comblés ceux
auxquels vous avez abandonné un tel corps ! »(*)
(*) : Ces citations sont extraites du livre de San Antonio (Frédéric Dard) auquel la consigne fait référence.
Oui, je sais, ce texte est complètement déjanté, mais je n'y peux rien dehors il fait 35° !
Oui, légèrement déjanté, ton texte, Alain ! :-)
RépondreSupprimer(mais avec San Antonio pour modèle, le "sérieux" n'est pas vraiment attendu... ;-))
J'apprécie le fait que tu aies "placé" des phrases du livre ! Belle idée !
Et aussi que la photo de Louise-Henriette t'ait mené à autant de considérations philosophiques...par 35°C, c'est plus que louable !
Au passage, je te remercie aussi, Alain, pour une dernière chose : ton titre m'a donné une idée pour mon texte à moi ! Bises (littéraires).
SupprimerBravo, AlainX !
RépondreSupprimerTu es passé bien au large de l'Île-aux-Trente-z'écueils !!
O la belle performance ! La déjante c'est du bon.
RépondreSupprimerAvec extraits incorporés.
Bravo.