J'attends.
Quoi ?
La nuit.
Je l'attends même si, d'une certaine
façon, elle est déjà là. En moi.
"La nuit noire de l'âme", comme certains l'appellent.
Le vide. Le vertige.
Celui qui vous prend parfois dès le réveil...avec les questions sans réponse qui vous taraudent et qui ne vous lâchent plus : Qu'est-ce que je fais là ? Qu'est-ce que ce monde, dans lequel je n'ai jamais trouvé ma place ? Pourquoi est-ce que je vis ?
Tout là-haut, j'attends que le soir tombe...
Assise sur le bord de la terrasse. Au huitième étage. Ce n'est pas raisonnable, je sais. Mais la raison m'a quittée depuis longtemps. Ne reste même pas le frisson de la peur. Juste une indifférence à tout. Une vacuité sans émotions.
Oui, je pourrais glisser...
Et alors ? Qui s'en soucierait ?
Mon père ? Je ne sais même pas où il est parti, depuis son divorce. Aucune nouvelle. Ma mère ? Elle sombre peu à peu dans un Alzheimer "précoce" et "joyeux". Bientôt, elle ne connaîtra même plus mon prénom. Mais pour elle, tout va bien. Ma soeur ? On est fâchées depuis deux ans. Depuis l'enfance, on ne se comprend pas. Mes amis ? Je ne sais pas, je ne sais plus si ce sont des amis...Ils ont leur vie...leur famille, leurs soucis.
Soyons lucide : personne ne m'attend.
Des souvenirs lointains remontent.
Je suis assise dans un coin de la cour de récréation. J'ai sept ans, huit ans peut-être. Pas plus. Je regarde les autres enfants jouer, piailler, courir et se chamailler. Je me dis que je ne suis pas comme eux. Ils sont insouciants, joyeux. Je ne suis ni l'un ni l'autre.
Je me
dis : "Ils ne se rendent pas compte." De quoi ? Je ne sais pas. Mais je
sens que ne suis pas au même degré d'insouciance, d'inconscience. Je suis différente.
Et je me sens seule. Seule dans mon monde. Seule au milieu des autres.
Ce sentiment me poursuivra pendant toute l'enfance. Et toute l'adolescence aussi.
J'ai attendu.
Attendu une raison de vivre. Une raison d'aimer...de rire...ou de pleurer.
Mais rien ne vient. Rien ne vient jamais.
La solitude m'enveloppe de sa douceur triste.
C'est comme une couverture que je traîne depuis toujours. Une couverture que je n'ai pas choisie. Une couverture aux couleurs fanées. Une couverture trouée, qui ne me tient pas chaud, mais qui m'encombre et me pèse. Une couverture de silence. Et d'ennui.
Je n'ai que trente ans. Mais j'ai l'impression d'avoir cent ans. Cent ans de solitude derrière moi.
Et j'attends.
Obstinément.
Les minutes, les heures passent. Le bleu du ciel fonce peu à peu. Il devient profond. Une sorte de bleu cobalt foncé, piqueté d'étoiles. C'est beau.
En le contemplant, je pense au lapis-lazuli, la pierre des égyptiens. Je comprends qu'ils l'aient tant aimée. Le cosmos. L'infini. Le mystère.
Je pense aussi au tableau de Van Gogh : "La nuit étoilée". Mon tableau préféré.
Nuit vibrante.
La nuit m'a toujours semblé vivante. Bien plus vivante que le jour.
Je revois très précisément l'image dans mon esprit : le cyprès sombre qui cherche à toucher le ciel. La tempête du ciel nocturne. La folie bleue et dorée qui emporte tout dans le tsunami de ses tourbillons...
Et justement, à ce moment précis, je sens que j'ai la tête qui tourne...tout se met à tourbillonner autour de moi...D'un coup, je bascule...
Aaaaaah !
Je me retrouve allongée à plat dos, sur la terrasse.
Rien de cassé. Heureusement.
J'ai basculé du bon côté.
Au-dessus de moi, la lune jaune me regarde et me fait un clin d'oeil complice.
Non, non, tu n'es pas seule, me murmurent en choeur les étoiles. Tu n'es pas seule, puisque
nous sommes là.
.
La Licorne
.
Pour le Jeu 104
et l'Atelier d'écriture créative
dont voici les consignes :
Proposition 292 – Une nuit étoilée
Le célèbre tableau de Vincent van Gogh, « La nuit étoilée », est une
représentation imaginative du ciel nocturne, vue depuis la fenêtre de la
chambre de Van Gogh dans l’asile de Saint-Rémy-de-Provence où il était
interné pour des problèmes de santé mentale.
Ça, c’est pour la petite histoire. Je vous laisse replonger dans ce
tableau et vous en imprégner. (Vous le trouverez facilement sur
internet).
Mais, ce qui m’intéresse, c’est de vous pousser au-delà, non pas avec un pinceau mais avec votre plume.
Première variante : transgression des faits réels
https://ecriturecreative.fr/2025/02/proposition-292-mars-2025.html
Le temps d’un texte, je vous demande de vous mettre dans la peau de
Vincent Van Gogh et de décrire votre état d’esprit (juste avant de
peindre le tableau d’une nuit étoilée ») alors que vous vous trouvez à
cette fenêtre, de nuit. Quelles sont les émotions qui vous animent ?
Comment les lier à ce que vous voyez ? Je ne vous demande pas de me
raconter la vraie histoire (on oublie ses consommations excessives
d’absinthe, sa possible schizophrénie ou ses troubles bipolaires et j’en
passe), ce qui m’intéresse ce sont les émotions que vous ressentez à ce
moment-là, vos espérances ou votre désespoir !
Narration impérative à la première personne du singulier.
Deuxième variante : sous une forme poétique, avec ou sans rimes
Oubliez van Gogh et écrivez un poème sur la nuit, avec l’idée d’isolement et d’agitation intérieure.
Troisième variante : une histoire à inventer
Décrire un personnage qui regarde par une fenêtre, de nuit. Inventez
sa vie : que fait-il là ? Ou est-il ? Que s’est-il passé juste avant de
se mettre à la fenêtre pour contempler cette nuit étoilée, etc...
Rendez-le vivant au contact de cette atmosphère.
Narration impérative à la troisième personne du singulier.
Dans ces trois cas, je veux ressentir dans vos textes le poids de
l’isolement et l’état émotionnel du protagoniste, avec un besoin de
recherche de lumière ainsi que la fascination sur ce paysage étoilé.
C’est là-dessus que je vous demande de travailler ! Dans son tableau,
van Gogh a la peinture de façon audacieuse, je vous demande d’en faire
autant avec les mots !
Si vous avez aimé ce format, n’hésitez pas à me le dire, on pourra recommencer !
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Évidemment, ce texte ne pousse pas à la franche rigolade.
RépondreSupprimerÉvidemment le sujet proposé n'allait pas non plus dans ce sens.
Mélanger les éléments de plusieurs consignes. C'est toujours une aventure d'essayer une telle chose. Pour ma part j'ai quand même eu de la difficulté à entrer dans l'histoire, peut-être à cause de ces sur-contraintes que tu te donnes ?
Quoi qu'il en soit la lecture fut intéressante.
Désolé, ce n'est pas très positif, mais je te livre mon ressenti.
Merci de me livrer ton ressenti, Alain.
SupprimerJe l'ai écrit un peu vite...j'aurais sans doute dû le relire.
Les sur-consignes ?
Peut-être.
Mais plus sûrement le fait que je suis loin d'être aussi seule et aussi désespérée que la fille du texte...et que, donc, je ne livre pas un texte très convaincant...
J'ai changé quelques détails...pour que ce soit plus cohérent.
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