- Driiiing !
- Mince, c'est Jérémy ! Cache-toi !
Je prends ma veste et j'ouvre la première porte que je trouve : celle de la salle de bains. Je la ferme à double tour et juste après, j'entends, de loin, une voix grave accompagnée de deux voix aiguës.
- Chérie ! La maîtresse des jumeaux est malade ! Je te les ramène pour l'après-midi...une chance que tu ne travailles pas aujourd'hui. Allez, bisous, mon amour ! A ce soir !
- Maman ! Maman ! On n'a pas école ! Génial ! On peut jouer avec les jeux vidéo...? S'il te plaît !
C'est bien ma veine. Pour une fois qu'on se retrouve chez elle...et pas chez moi, il faut que le plan foire. Non, mais comment est-ce que je vais sortir d'ici ? Il faudrait traverser tout l'appartement pour accéder à la porte d'entrée. Et la fenêtre de la salle de bains est minuscule. Même un enfant y resterait coincé. A propos d'enfants, ceux de Marlène ont déjà huit ans. L'âge où l'on ne peut plus leur faire croire n'importe quoi. Je les entends se chamailler, dans le couloir. Et j'entends Marlène qui fait tout ce qu'elle peut pour les calmer.
Hum... la fenêtre donne directement sur la rue, quelqu'un pourrait me voir. Je vais m'allonger dans la baignoire, c'est plus prudent. Aïe, zut, je me suis cogné ! Il manque au moins cinquante centimètres à cette foutue baignoire, je suis obligé de plier les genoux, impossible de m'étendre complètement. C'est malin, j'ai mal au crâne, maintenant. Voyons si je trouve un cachet de paracétamol dans la pharmacie...Ouais, y' a une plaquette qui traîne. J'en prends deux, faut bien ça.
Je me rallonge doucement en prenant mes précautions...et j'écoute la discussion dans la pièce d'à côté : les deux garnements ont refusé la proposition de leur mère d'aller jouer au foot dans le jardin, ils tiennent absolument à rester dans le salon devant leur écran de jeux. Je sens que l'après-midi va être longue...soyons patient... attendons que Marlène trouve une occasion de me libérer, en toute discrétion...
Résigné, je contemple le plafond. Pas grand-chose à voir à part la bouche d'aération. Mais c'est bizarre, j'ai l'impression qu'elle bouge. Oui, elle bouge ! Une impression de mal de mer m'envahit. Ouh là ! Ma vue se brouille. Dans mon bateau blanc, emporté par une inexplicable calenture, je dérive peu à peu...et je divague.
Des images se mettent à défiler à toute vitesse devant mes yeux. Un flot d'images. Des images floues, hachées, agitées...comme celles d'un antique phénakistiscope...
Incroyable ! Je vois plusieurs créatures étranges surgir de l'océan. Toutes plus extraordinaires les unes que les autres. Il y a surtout une sorte de dragon des mers, vert, à la gueule immense...qui me poursuit...obstinément...et une jolie sirène, qui cherche à l'éloigner, à faire diversion. Elle virevolte habilement à droite, à gauche, entre deux eaux, tout en me lançant des regards inquiets...A un moment donné, elle s'approche tout près...tout près...Ses yeux bleus penchés sur moi, m'attirent...et m'hypnotisent...
- Eh, Sam ! Secoue-toi ! Réveille-toi ! Qu'est-ce que tu as avalé ? Du Dictame ? Deux ? Mais ça va pas ? La dose, c'est un demi-cachet, pas plus ! Sinon, ça provoque des hallucinations !
Marlène n'hésite pas une seconde : elle prend la douchette et me passe la tête sous l'eau froide. L'effet est radical. Je sors de ma torpeur...et de ma baignoire.
- Lève-toi...vite. Les garçons sont partis chez un ami. Mais Jérémy se pointe dans dix minutes. S'il te voit ici, ça va faire un drame.
Un drame ? Le drame, on baigne déjà dedans, non ? C'est ce que je pense en tout cas, en sortant dehors, dégoulinant et transi.
Une chose est sûre : Andersen ne connaissait rien à l'amour. C'est ce cher Ulysse qui avait raison.
La Licorne
.
J'ai (entre)mêlé deux consignes ...
La consigne de l'Agenda Ironique de mars
chez Toutlopéra :
Sur le thème "Les créatures fantastiques",
il fallait placer les mots rares suivants :
calenture, dictame et phénakistiscope
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Et la consigne du Jeu 92 :
.
Une histoire d'Ô !!! Ôh la la Jérémy, Ôh la la ça mouille, Ô rage Ô désespoir..... et là on passe d'Andersen à Corneille ;-) espérons que le héros mouillé, en sortant, ne soit pas tombé sur une impasse ! ! merci Filigrane
RépondreSupprimerMerci !!!
SupprimerAu fait, mon nom, et il est de circonstance, c'est "La Licorne" ! :-)
(Filigrane, c'est le nom du blog)
Et toi, c'est comment ?
me semble bien que c'est moi qui ai commenté, La Licorne ! je n'avais pas vu que j'étais anonyme sur ce coup-là.... je continue dans la foulée on fera mieux la prochaine fois. C'est Gibulène ;-) Il m'arrive de ne plus rien maîtriser sur le blog :-(
SupprimerT'inquiète ! J'ai le même problème (depuis longtemps) pour poster des commentaires (même ici) et pour m"identifier chez les autres...A chaque fois, je dois "ruser"...et souvent, j'oublie de m'identifier aussi...je comprends donc très bien !
SupprimerEn voilà un qui espérait dégouliner de plaisir entre des bras accueillants et pas que les bras…
RépondreSupprimerÔ rage ! Ô désespoir ! S'écrie Corneille dans le corbeau et le renard !
C'est la faute à l'abbé Noir répondit l'écho.
(Oui je sais, c'est n'importe quoi…)
Voilà ce qui arrive quand on "trempe" trop longtemps dans des histoires d'adultère...et dans les eaux troubles des amours non licites...:-)
SupprimerAh ben mince alors! Faudra demander à ce que la posologie soit inscrite en très grand sur la boîte de Dictame 😉
RépondreSupprimerJ'espère qu'il ne faisait pas trop froid dehors pour Sam 🥶
Bon dimanche La Licorne.
Je n'ai pas précisé la saison...mais bon, ce n'est pas juillet-août, vu que les enfants vont à l'école : gageons qu'il devait faire un peu frisquet...;-)
SupprimerOn est bien dans le bain de l’histoire et de la partie hallucinée aussi. Les mots imposés sont habilement placés. D’une pierre ponce deux défis ...
RépondreSupprimerMerci Lothar ! J'ai l'habitude de grouper les défis, c'est plus stimulant pour moi...
SupprimerOui, rires ... moi aussi j’aimais bien. Jadis. Pas trop en ce moment, quoique tu verras, j’ai rajouté une peite suite sur mon texte AI, et même encore une suite 1000 ans après au défi du samedi. Chez les minettes à barbes épilées. Ce qui est frustrant quand même c’est qu’elles ne savent même pas que je suis l’ inventeur. Bon l’avenir le dira, sans doute, et j’aurais peut-être une statue à Sion, on verra car mieuxlotharque ...
SupprimerBonne soirée La Licorne
J'ai lu tout ça...
Supprimeravec , attends...Sion... :-))
J'adore ce conte pour adulte. J'ai bien ri. Merci La Licorne. Jacou33
RépondreSupprimerY'a que la vérité qui conte... ;-))
SupprimerUne bien juteuse histoire d'Oh-lala-ksa-mouille, La Licorne !
RépondreSupprimerEn agendiste convaincu, je te décerne d'ores et déjà... une palme 🏆 (d'orbe ?) ;)
Merci pour la palme...
Supprimeren l'occurence, il m'en faudrait deux (pour bien nager). ;-)
Très drôle et très bien écrit mais que la vie est dure parfois.
RépondreSupprimerJohn Duff
Merci, John ! C'est vrai que la vie est parfois "ben noire"... :-)))
SupprimerOh la la ! Mais quelle mécalenture ! Fantastiquement contée.
RépondreSupprimerMme La Licorne avez grand talent pour narrer du Lafontaine.
😃😃😄
Du Lafontaine ? Hum...peu d'animaux, chez moi, quand même (à part les dragons et les sirènes). C'est plus proche du vaudeville... :-)
SupprimerOui, bon ! Il s'est pris la douche, tout d'même...
SupprimerAh, si c'est de cette fontaine-là que tu parles,
Supprimereffectivement ...:-)
ah, le beau conte de salle de bain ! ça a l'air costaud, le dictame :)
RépondreSupprimerbravo, La Licorne, tu mêle efficacement mythologie et pause (forcée) au logis dans un beau vaudeville contemporain (quand arrive le veau des champs ?)
Merci Jérôme !
SupprimerLe veau de ville, c'est fait.
Pour le "veau des champs", je pense que tu es celui qui pourrait certainement en faire...un charmant poème ! :-)
Les amis, je suis allée voir une partie des productions de mars...
RépondreSupprimeret j'ai voulu commenter, mais, pour des raisons qui m'échappent,
et malgré plusieurs tentatives, je ne peux rien laisser sur Wordpress !
(ça m'énerve un p'tit peu...)
Bon, ça va mieux...espérons que ça dure !
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