mercredi 28 avril 2021

Vie défigurée

 
 

Humeur du mois

 

 

J'ai toujours adoré prendre des photos...surtout des photos de nature. Mais j'avais un peu délaissé ce "hobby" depuis deux ou trois ans.  Et puis voilà qu'il y a quelques semaines, poussée par je ne sais quelle "mouche de printemps",  j'ai brusquement éprouvé le besoin de m'y remettre. J'ai donc pris mon appareil en bandoulière...et, au cours de mes promenades et marches quotidiennes, j'ai pris quelques centaines de photos...qu'il a fallu, ensuite, bien entendu, trier.

C'est pendant cette phase de "tri", assez fastidieuse, que je me suis amusée, pour me détendre un peu, avec la "retouche photo"... Partant d'une photo normale, j'ai tenté de pousser les caractéristiques à fond : couleurs hyper-saturées, contraste maximal, luminosité augmentée...etc. 

Pas par nécessité. Plutôt par curiosité...Pour voir ce que ça fait...

Eh bien, ce qui se passe, et vous vous en doutez, c'est que la photo, plutôt sympathique au départ, devient vite "artificielle"...Tout y est exagéré...Le ciel est trop bleu, l'herbe d'un vert criard, et les nuages perdent leur relief initial...

C'est comme ça : croyant améliorer une image , on peut facilement la "défigurer"...si l'on y va "trop fort"...

 


Mais pourquoi est-ce que je vous raconte ça ? Patience, patience...ça vient.

L'autre jour, j'ai aussi ressorti ...du fatras de mon grenier, un vieux dessin...que j'avais gardé "bien roulé", dans un coin, pendant trente ans ... Vous savez, un de ces dessins que l'on vous propose  sur une grande place pleine de touristes...quand vous vous asseyez sur un petit tabouret et qu'un monsieur habile, sous l'oeil attentif des passants, vous "croque" en moins d'un quart d'heure...pour une somme dérisoire.

J'avais 25 ans et des poussières...C'était en été, un soir de vacances ...et avec des amis, pour rire, on s'était arrêté et on avait "tenté l'aventure"...

Mais voilà, moi, j'avais choisi, un peu à la légère, un caricaturiste...

Il m'avait croquée et bien croquée, le coco.  Bouche un peu trop grande, nez retroussé, pommettes rondes, cheveux pas trop disciplinés, frange trop longue...tous mes "charmants" petits défauts y étaient passés...et je m'étais retrouvée avec un dessin digne du "Canard enchaîné" qui avait bien fait rire les copains...

Le travail du caricaturiste, comme vous le savez, est de "forcer le trait"...On prend une caractéristique réelle et on la "pousse" jusqu'à l'extrême...un peu comme quand j'ai transformé mes photos...

Vous commencez à voir où je veux en venir ? Non...toujours pas ? Alors continuons...

En regardant ce dessin, ça m'a paru soudain évident : c'est ça que nous vivons depuis un an. 

Nous vivons une vie dans laquelle tous les curseurs ont été "poussés au maximum"...

Le curseur de la peur, par exemple...

Dans la peur, on a , normalement, tous les degrés : insouciance, prudence, inquiétude, angoisse légère, peur, frayeur, terreur, peur panique...

Mais, si, face à une situation qui nécessite de la "prudence",  on pousse le bouton jusqu'à "grande frayeur", que pensez-vous qu'il se passe ? Est-ce qu'on a encore une "belle" vie, ou est-ce qu'on a une vie "défigurée"..? A votre avis ?

Je pourrais vous détailler encore plein d'autres curseurs, mais je pense que vous les trouverez facilement vous-même...

Ce que je voulais souligner ici, c'est que le fait de "forcer le trait" a aussi, au fond, un avantage : cette vie outrancière,  cette "caricature de vie", qu'on nous fait vivre...depuis des mois...met en relief des aspects, qui, auparavant, pouvaient passer inaperçus...

Tout comme je ne pense pas tous les jours à la taille de ma bouche...ou à la forme de mon nez ... on ne pense pas tous les jours à certains éléments du quotidien, qui sont habituels, et donc ressentis comme naturels et normaux. Ce n'est que par "l'aggravation de la situation", que, soudain, nos yeux s'ouvrent...

Par exemple: nous ne pensons pas tous les jours au fait que nous sommes "enfermés" dans un lieu, une relation ou un travail.  Mais le jour où...on vous oblige à ne plus avoir "que ça"...à ne plus avoir aucune échappatoire...alors la situation nous "saute au visage"...

Si je ne peux  plus sortir de chez moi, je remarque vite tous les inconvénients de cet appartement, de cette maison, de cette ville... Si je dois vivre 24h sur 24 avec mon conjoint ou mon enfant, aïe , aïe, aïe...je me mets à remarquer tout ce qui me "dérange" chez lui...et inversement, si je ne peux plus voir ou rencontrer certaines personnes, je peux me rendre compte de l'importance vitale qu'elles ont pour moi...

Si je ne fais plus que travailler, et qu'on me supprime mes loisirs, il est possible que je réalise, alors, que ce travail-là ne m'épanouit guère...ou même, au bout d'un moment, que la société elle-même a, depuis longtemps, un fonctionnement  inhumain...un fonctionnement qui "m'enferme" et "m'empêche" de vivre...

Bref, à mener une "caricature de vie", on peut arriver à ne plus du tout l'aimer cette vie...qui, tout à coup, est devenue "trop", "trop", "trop"...et dans laquelle nous ne nous reconnaissons plus. On peut se désespérer...on peut tenter d'échapper à la situation par tous les moyens...On peut essayer de se débarrasser de cette vie totalement "défigurée"...

Ou alors, on peut aussi rester là, courageusement, en face d'elle...et en profiter pour bien observer, ce qui, dans cette vie-là, ne nous convient plus... ce dont on s'accommodait jusque-là par habitude ou par paresse...On peut cheminer vers une "prise de conscience"...des lacunes et des défauts de notre "vie d'avant"...


Moi, après ma "caricature", je suis allée me faire couper les cheveux autrement, j'ai changé de coupe...

Et vous, qu'est-ce que vous aurez envie de changer...après ? (*)

.

La Licorne

.



(*) Ou même , pourquoi pas...maintenant ?


3 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ton approche de la situation. Tu as raison, les curseurs sont poussés à l'extrême, et la vie que l'on nous propose n'est plus qu'une caricature de vie : plus de contacts de peau, plus de rencontres, rester devant un écran, tout faire en virtuel, les apéros, les anniversaires des petits enfants, les courses, le cinéma, le théâtre, les boeufs avec les copains...bientpot on fera l'amour en virtuel aussi, je pense...
    Protéger la vie jusqu'à ce qu'elle soit tellement aseptisée que ce n'est plus une vie digne de ce nom, mais juste de la survie. Et ne parlons pas de nos anciens, qui se résignent et meurent de chagrin.
    Moi, pendant que tu regardais ta caricature souvenir (très réussie, et on devine que tu étais belle malgré les traits forcés) je regardais des photos ou des films d'avant, c'est amusant de voir combien les "gestes barrières" on s'en foutait, serrés comme des anchois dans le métro ou dans les concerts rock, à se baigner sur des plages bondées, à se faire goûter nos glaces, on avait juste le bon goût de dire "j'te fais pas la bise, j'ai la crève" et ça suffisait bien...
    Quand on imagine les milliards de microbes que l'on a côtoyés sans les attraper, on est vraiment des warriors !
    Bref, j'espère vraiment qu'on va sortir de ce truc même si je pense que rien ne sera plus jamais tout à fait « comme avant »
    Bisous
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. Merci Célestine...de penser que la caricature, c'est la mienne...
      Non, c'est celle de Cameron Diaz...;-)

      Ce qu'on a en commun, c'est les pommettes, la bouche et le long cou...mais moi, je suis brune, j'ai les yeux noisette...et surtout, je ne fais pas de cinéma ! :-)

      Il est très clair, pour moi, que cette vie qu'on mène depuis un an...n'en est pas une...
      Et pourtant, je ne fais pas partie des gens qui "souffrent" le plus de la situation...je suis à la compagne, j'ai de l'espace, je continue à sortir pour aller au travail , je touche un salaire...je n'ai pas de proches trop touchés par le virus...et je suis capable de faire des trucs en "virtuel" et d'apprécier...

      Mais...mais...
      Comme tu dis, où sont les bons moments où l'on "se tenait chaud"...?
      Et que sommes-nous en train de faire à nos anciens, à nos enfants ?

      Je pense comme toi, que ce ne sera plus "comme avant"...
      Mais mobilisons-nous pour tirer les leçons de tout ça...mobilisons-nous pour qu'après...ce soit "mieux" !

      Et faisons un peu plus confiance à notre système immunitaire, qui, tu as raison, "en a connu d'autres" !

      Bisous sans barrière... :-)

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    2. Et pour en revenir à la caricature...

      Comme je n'ai aucune envie d'afficher ma "trombine" sur internet...j'ai choisi celle que j'ai trouvé être la "moins éloignée"...:-)

      A bientôt pour un autre "atelier" ?
      (j'en publie un le premier mai)

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